LIBIDO FUZZ « Kaleido Lumo Age » (Pink Tank Records)

Written by Chronique

Comme beaucoup, j’avais développé un petit faible pour LIBIDO FUZZ, rejetons improbables d’Ozzy Osbourne et John Lee Hooker. Pour leur premier LP Kaleido Lumo Age, les Bordelais réussissent la quadrature du cercle : des instrus plus carrées qu’auparavant, mais qui n’ont rien perdu de leur rondeur ou de leur sensualité. Un parti pris réussi et salutaire, alors que beaucoup de formations stoner/doom s’échinent à reproduire la noirceur des seventies, mais très peu parviennent à convoquer l’esprit festif et sensuel des sixties.

J’avais donc développé un petit faible pour les Bordelais à l’écoute de leur premier EP, alliance improbable mais féconde entre Ozzy Osbourne et John Lee Hooker. Ces jeunes gens avaient eu la prévenance de l’intituler We’re a Heavy Psychedelic Boogie Band, un titre façon « carte de visite » qui m’épargne de devoir leur coller une étiquette ou de les comparer à des artistes existants (oups, trop tard…).

J’ai lancé l’album avec une certaine appréhension, vite balayée par les trente premières secondes d’ « Oblique Strategies » – une intro hargneuse, qui agrippe l’auditeur par le col. Après ce bref rejet de testostérone, on retombe vite en terrain familier : guitare bondissante, rythmique ondulante, avec quelques feulements de voix rétro en embuscade. Décoller façon Rage Against The Machine pour mieux atterrir sur le son sexy de Libido Fuzz, c’est très malin et c’est un parfait exemple de ces fameuses « stratégies obliques » mises au point par le trio pour séduire son public.

L’offensive de charme continue : « Raw Animals » et son enchaînement loud/quiet/loud très bien maîtrisé, « The Postman » et sa succession de riffs tous plus groovy les uns que les autres, « Sweet Hours » et son gimmick malicieux porté à l’unisson par le chant et la guitare. Depuis leur EP inaugural, ces gars-là ont beaucoup bossé, se sont sans doute bien éclatés aussi, et ça s’entend.

Cela dit, il arrive aussi que la machine bien huilée de Libido Fuzz ronronne un peu. Dévoilé quelques semaines en avance de l’album, « Redemption of the Bison » n’est à mon avis pas son meilleur ambassadeur. Tortueux, voire laborieux, le morceau m’a fait l’effet d’un long démarrage en côte, qui ne passe la deuxième vitesse qu’à de la sixième minute – trop tard pour faire la différence. En comparaison, l’épique « I Was Made on a Desert Road » (petit bijou sur leur précédent EP) tenait nettement mieux la longueur. Avant-dernière chanson de l’album, « Enter The Occult » offre quant à elle une lecture trop scolaire du canon sabbathien pour parvenir à marquer les esprits.

« Haight Ashbury » (du nom d’un quartier de San Francisco, épicentre du mouvement hippie) offre en revanche une superbe conclusion à cet album. Elle prouve la capacité des Bordelais à exceller dans un registre plus mélancolique, à l’aide de leurs outils soniques favoris mais aussi quelques nouvelles astuces, comme cette guitare acoustique superbement amenée. Espérons que cet élan créatif continue de les porter vers de nouveaux horizons – et leur épargne l’ankylose qui menace tous les groupes dotés d’une identité sonore aussi affirmée.

Kaleido Lumo Age est un bol d’air frais, une irrésistible invitation à la légèreté. Pink Tank Records, le petit label analogue qui monte, a lancé la distribution de l’album début juillet – juste à temps pour donner le coup d’envoi de l’été. Heureuse coïncidence…

Libido_fuzz_kaleido_lumo_ageARTISTE : Libido Fuzz
TITRE : « Kaleido Lumo Age »
DATE DE SORTIE : 1er mai 2015
LABEL : Pink Tank Records
GENRE : Rock psychédélique
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Last modified: 24 août 2015