UP IN SMOKE Festival 2013 (Bâle, 05.10.13)

Written by Live

Pour cette édition indoor du fameux festival stoner UP IN SMOKE (Suisse), Sound Of Liberation a mis les petits plats dans les grands et a fait péter l’argenterie de Mémé, avec pas moins de seize groupes sur une journée. Autant vous dire que de une heure de l’aprèm à une heure du mat’, on a pris une sérieuse dose de gras dans la face, et entre deux têtes d’affiches prestigieuses, on a même pu découvrir de vraies petits bijoux du genre. Retour sur un 5 octobre hautement chargé en décibel, en psychédélisme… et en houblon.

Mais posons d’abord le cadre, car à vécu unique, report unique. La veille, votre serviteuse était à Paris pour le Glad Stone Fest septième du nom (report complet à lire ici). Bien, bien, bien. Bright Curse jouant aux deux festivals (tout comme Steak et The Midnight Ghost Train), ces gentlemen m’ont naturellement proposé le co-voiturage pour Bâle. Je vous passe les détails sur notre randonnée nocturne en banlieue parisienne avec le best-of de Stevie Wonder à fond dans le van. Nous sommes donc arrivés avant même les premiers festivaliers à la salle Z7 (que dis-je, le hangar !). J’ai donc eu tout loisir d’apprécier chacun des groupes de la progra du fest… enfin, si on enlève le camion-citerne de bière que j’ai bu au cours de la journée, et qui a quelque peu entaché ma perception des dernières performances de la soirée. Bref, Up In Smoke forever.

La journée « haute en fumée » commence donc avec MARANT puis JOULES, deux groupes de stoner rock du cru. Rien d’extrêmement transcendant ne ressort de ces deux performances, qui sonnent parfois comme un seul et même groupe si on n’y prête pas une oreille très attentive. Loin de moi l’idée de décréter qu’ils n’ont pas de talent, disons juste qu’ils remplissent le quota de groupes locaux à merveille. Le groupe qui suit est une surprise de taille. De mon poste privilégié au merch (lequel surplombe toute la salle), je découvre un quatuor de doom surpuissant, avec un vocaliste au growl tout droit sorti des limbes. Ah euh, mais… c’est une fille ! En fait il n’y a quasiment que des filles sur scène. SHEVER envoie un « death doom » (comme ils aiment à le qualifier) à la fois mélodique et écrasant, brutal et planant. Ce n’est pas forcément le genre de groupe que j’écouterais en boucle chez moi, mais je suis quand même impressionnée par ce magnifique déballage de noirceur et de puissance à deux heures de l’après-midi.

Sur la petite scène latérale, c’est l’heure de la saveur américaine du jour : CAROUSEL. Je précise qu’on me l’a vendu comme étant un groupe de rock très prometteur. Ce qui est cool au Z7, c’est que tout a lieu dans la même salle : on peut donc vaquer à nos occupations (ravitaillement en bière, zieutage de merch…) tout en profitant des concerts. On assiste donc aux balances du groupe, qui va d’ailleurs mettre un certain temps à se régler suite à des soucis du côté du bassiste. Pour meubler, Dave Wheeler (colossal frontman de son état) se lance avec humour dans des reprises de soul et de country old school, et déjà, je suis sous le charme. Après dix minutes de medleys en tous genres entrecoupés de fous rires de l’assistance, le groupe se lance enfin. Rrrrrrrrrrrrrrrrrrock’n’rooooooll ! On peut jeter en l’air les noms de Thin Lizzy, Maiden ou Motörhead pour situer grossièrement leur hard rock locomotive… Le groupe n’atteint pas toujours la perfection absolue niveau technique, mais leur groove exponentiel et la voix incroyablement soul de Wheeler forment un combo irrésistible. Voilà : le rock’n’roll de Carousel est irrésistible. Non mais écoutez-moi ça, sérieux :

Pour nous laisser sur une sensation d’intense allégresse, Carousel clôturent leur set par une diabolique reprise du « Let there be rock » d’AC/DC, laquelle fait danser tout le public. On peut dire que les hostilités ont vraiment démarré. Tandis que les ricains remballent (et que je me précipite pour aller les congratuler), les copains de BRIGHT CURSE se préparent sur la grande scène. Je retourne à mon observatoire au fond de la salle pour me délecter du son ÉNORME (administré par nul autre que le chanteur du groupe allemand Wight) dont le groupe bénéficie. Leur prestation de la veille au Glad Stone Fest avait quelque chose de cool, mais là tout de suite, c’est de l’ordre du très très cool. Sur l’immense scène du Z7, les bonhommes prodiguent un doom psyché qui nous fige hors du temps… La foule s’amasse, captivée, devant un trio qui joue le sans faute. Bright Curse dans toute leur majesté, fin prêts à passer à l’étape supérieure. Avant-hier Lille, hier le Glad Stone Fest, aujourd’hui le Up In Smoke, demain… Je vous laisse spéculer sur les prochains festivals où le groupe jouera. Les gars, heureux, nous prennent même en photo pour immortaliser l’instant.

On reste dans les tempos lents avec les Allemands de GRANDLOOM et leur stoner rock instrumental qui sonne aussi chaudement bien qu’une sieste crapuleuse sous le soleil du Nevada. Ça va peut-être sonner hyper consensuel, mais imaginez juste une rencontre entre Colour Haze et Fu Manchu… Imaginez vous en pleine nuit dans le désert en train de contempler l’univers, et d’un coup, une tempête se profile à l’horizon. Une tempête de groove ? De fuzz ? Que sais-je. Nos cerveaux ne sont pas encore assez embrumés à cette heure de l’après-midi, mais le trio allemand réussit à ouvrir le vortex pour ce qui va être une sacrée montée de psychédélisme quelques heures plus tard. Et en plus, ils ont un merch vraiment très classe. Nice.

Coïncidence ultime : au moment où on m’annonce que c’est l’heure du repas (le plaisir d’être « road crew »), c’est aussi l’heure de STEAK sur la grande scène. Ah-aaaaah ! C’est mon quatrième concert du groupe cette année (dont le dernier la veille à Paris), et je ne crois pas me tromper en disant que le groupe n’avait encore jamais joué sur une scène aussi grande. Leur énergie est fuzz, tellement fuzz qu’une bonne partie du public reste pantois devant l’avalanche de riffs testostéronés des quatre Anglais. Heureusement, les « hey ! hey! » s’imposent rapidement dans la fosse, devant des Steak qui nous balancent une de leurs meilleures setlists au demeurant. Techniquement, le groupe est irréprochable, vocalement, notre frontman à casquette est au top, et pour une fois, on entend vraiment bien la basse. Ouais parce que bon, le groove est un peu le pilier de leur fuzz rock abrasif. Mention spéciale au nouveau morceau du nom de « Pisser » (l’équivalent de « putain, le pied total ! » en argot british), un énième engin explosif au sein de leur discographie intergalactique. J’ai envie de dire : hâte de les voir en première partie de Monster Magnet à Madrid et Barcelone en février prochain !

Après être allée me délecter du succulentissime catering du festival en compagnie de Bright Curse, je redescends dans la salle pour profiter du set des rednecks de THE MIDNIGHT GHOST TRAIN. Quand j’arrive, les colosses sont en train de tout défourailler sur la petite scène, tandis que la chaleur commence à monter du côté des festivaliers. Il est 18 heures et l’ambiance est aux bières qui giclent dans les airs, au headbang intensif, et plus simplement : à la fête. Clairement, leur stoner à la sauce sudiste est de loin le truc le plus punchy et burné que j’aurais pu voir de tout ce Up In Smoke Festival. Un peu comme si le Hulk du blues metal venait nous coller une branlée. Il y a tellement de monde devant le groupe que je ne peux même pas me faufiler pour prendre ne serait-ce qu’une vidéo… Les ricains nous bourrinent la tronche avec leurs riffs aussi gras et addictifs que la plus malsaine des junk food, et une basse aussi subtile qu’un tank dévalant les montagnes helvètes. Et puis ces gars-là ont une présence et une énergie… qui rendent fou. The Midnight Ghost Train sont sans conteste les plus badass des badass motherfuckers, et je vous conseille vraiment de vous jeter sur leur album « Buffalo » (qui porte vraiment bien son nom).

L’heure du psychédélisme a sonné. Les instrumentalistes helvètes MONKEY 3 prennent place sur la main stage. Leurs balances aux petits oignons me laissent le temps d’aller faire un stock de bières, et de croiser les copains de Glowsun dans les couloirs. Ça commence à faire un paquet de têtes sympathiques au Up In Smoke ! Bières en main, motivation au sommet (quoi de plus normal après le combo vitaminé Steak + Midnight Ghost Train), je suis parée pour le décollage. Après déjà cinq heures de heavy/stoner/doom rock en tous genres, l’appellation « up in smoke » prend enfin tout son sens. Les maestros nous catapultent dans l’espace avec leur rock prog aérien, tandis que leurs projections vidéo nébulesques retiennent toute mon attention… Non, ce n’est pas la bière qui fait effet, mais bien leur génie. Je regarde autour de moi pour vérifier que je suis toujours bien au Z7, et constate que tout le monde est dans le même état de contemplation. J’ai entendu dire que leur tout nouvel album « The 5th Sun » est le meilleur qu’ils aient jamais sorti, et l’un des meilleurs albums de l’année selon certains…

glowsun-up-in-smoke

Repartie tailler la bavette avec les GLOWSUN à l’extérieur, je suis témoin d’une perturbante démonstration de diva-isme de la part du seigneur Liebling (Pentagram). L’appel du live sonne très vite pour les Lillois, qui se précipitent dans la salle pour accomplir leur devoir. C’est incroyable, je n’arrive pas à me lasser de ce groupe en live. Vus début septembre aux Make It Sabbathy à Bordeaux (où ils ont mis une fessée monumentale au public bordelais), je ne peux m’empêcher d’être excitée à l’idée de reprendre un parpaing dans les oreilles. La démographie actuelle du Z7 est de l’ordre de 10 personnes au mètre carré, ce qui entache un peu mon ambition de faire de super vidéos pour le groupe. Je me faufile tant bien que mal au deuxième rang, pour capter l’essence du Soleil Brillant. Leur musique donne toujours cette impression de perpétuel effeuillage qui, à défaut d’une fille super sexy, révèlerait des sous-couches de plus en plus heavy (pensez lave, croûte terrestre, tout ça…). Et parce que rien ne vaut du son pour mettre sur les mots, plutôt que l’inverse :

Krisprooooooooolls ! Si vous ne pouvez pas aller en Suède, la Suède viendra à vous. Pour la cinquantième fois cette année. Mais on ne s’en lasse pas. Les fantastiques TRUCKFIGHTERS sont bien décidés à nous donner notre dose de fuzz en intraveineuse, et comme à leur habitude, ils sont survoltés. Le public en revanche, laisse à désirer. Je dis peut-être ça parce que je les ai vus tellement de fois que j’en suis presque devenue exigeante (pas vis-à-vis du groupe, qui reste toujours égal à lui-même scéniquement parlant). Du coup, quand le groupe entame le célèbre « Desert Cruiser », seuls les premiers rangs répondent à l’appel (et encore, c’est pas non plus le pogo de ouf). Quoiqu’il en soit, nos Suédois ne se démontent pas et enchaînent les hits sans répit. Je me retranche au fond de la salle, histoire de prendre un peu de recul sur cette avalanche de desert rock made in Orebrö (en parlant de ça, ils essayent encore une fois de nous faire prononcer des mots en suédois, mais le yaourt l’emporte). Les nouveaux morceaux du groupe ne me semblent pas bien différents de ce à quoi ils nous ont habitué, et c’est peut-être bien là le problème : la routine. Je ne pense pas que leur prochain album (prévu pour 2014) inventera autre chose que l’eau chaude, mais en attendant, on prend toujours un sacré plaisir à voir ces trois-là se démener en live.

Je rate une grande partie du set de MY SLEEPING KARMA pour cause d’interview avec Radio Moscow. Depuis les loges, on dirait qu’un bulldozer est en train de broyer le Z7… Pourtant je sais très bien à quel point la zik de My Sleeping Karma ne relève pas du bulldozer sonore, mais plus du psychotrope auquel s’ajoute un voyage long-courrier vers des destinations orientales enchanteresses. Le stress de l’interview s’étant mué en une euphorie inextinguible (laquelle est décuplée par la prise intensive de houblon), j’assiste sans vraiment assister au show de COLOUR HAZE. La vérité, c’est que dans mon état de transe, le seul morceau que je distingue de tout leur set de une heure dix est « Tempel ». Et finalement, le côté jam à rallonge que je trouve vraiment pas mal sur skeud, me paraît un poil longuet sur la durée. Deux fois que je passe à côté du mythe Colour Haze en un an, je ne dois vraiment pas être faite pour ça. En revanche, c’est le phénomène inverse qui se produit lorsque RADIO MOSCOW entament leur set sur la petite scène. J’arrive à me faufiler tel une couleuvre jusqu’à la barrière, et retrouve un paquet de congénères tout aussi grisés par la musique du groupe que je le suis. En deux secondes, je ne suis plus en Suisse, ni même en 2013 : The Jimi Hendrix Experience, ça vous parle ? Parker Griggs est un petit génie de la guitare (oui, je sais : vous êtes déjà au courant), le genre qui vous remplit les oreilles de blues, de wah, de soul, de feeling, et de… AAAAAAAH ! J’en arracherais mes fringues, c’est juste trop bon. Tellement bon que je me mets à pleurer (c’était pas prévu, ça). Honteuse, je vais me planquer au fond de la salle pour continuer de vivre ma transe ni vue ni connue. Ce concert des trois Américains représente tout simplement le meilleur moment de tout le festival pour moi, la quintessence du blues, et tout le monde sait que le stoner pioche ses influences à fond dans le blues. Bon Dieu, rien que d’y repenser j’en ai la chair de poule…

PENTAGRAM is here, bitches. Autant vous avouer qu’après Radio Moscow, j’ai définitivement laissé mon état normal derrière moi et ne suis plus, mais alors plus DU TOUT, en mesure de rester connectée à notre planète. Au loin, j’entends des « Forever My Lady », « Petrified », « Be Forwarned », je vois un Bobby Liebling qui s’agite devant une foule à la fois mesmérisée et électrique, j’exulte d’être face à ces monuments du métal… La soirée se poursuit comme tout festival rock doit se poursuivre, c’est-à-dire en buvant des bières et des shots de Jägermeister avec les copains. Au final, ce n’est peut-être pas le report le plus pointu que vous ayez lu sur ce blog, mais j’espère au moins vous avoir fait passer quelques bonnes vibes et fait découvrir quelques perles.

Le UP IN SMOKE FESTIVAL a célébré sa toute nouvelle version indoor en beauté, et nous a offert un sacré paquet de jolis groupes, et une orga au poil (de barbe de bûcheron). Après un festival underground d’un tel niveau, j’attends avec impatience la prochaine édition. Pour patienter, on pourra toujours se faire plaisir avec les tournées des artistes Sound Of Liberation qui passeront prochainement dans nos villes et dans toute l’Europe.

Last modified: 22 novembre 2013