DOPETHRONE nous avait laissé un peu circonspects lors de son dernier passage au Hellfest. Il est vrai que la prestation qui s’annonçait comme un grand moment du week-end avait la mauvaise idée de se dérouler à la mi-journée mais surtout le lendemain de ce concert d’anthologie en pleine rue à Paris pour une Fête de la Musique avec Eyehategod et Bongzilla. Une fête qui avait laissé quelques traces sur la dextérité des musiciens à leur arrivée à Clisson.
Peu importe, on est ce soir en présence d’un groupe rodé qui joue le dernier set de sa tournée. Et ça se traduit par un professionnalisme et une décontraction mêlés, faisant de ce set une parfaite chauffe en ce soir d’octobre dans la capitale (qui est une fête, je le rappelle). Et quelle fête ! Leur best-of de sludge sale et entraînant se fait ce soir avec des invités, et non des moindres, en témoigne ce « Scum Fuck Blues » avec un Mike Scheidt investi. Mais c’est surtout leur amie Julie qui a l’honneur de se joindre au chant pour cette tournée, et d’honorer la quasi totalité des morceaux de sa présence qui ne fait que renforcer le caractère raw punk de leur « slutch » autoproclamé. On aurait aimé un public plus dynamique mais c’est la dure loi du premier groupe, qui se retrouve à devoir chauffer une salle à peine sortie du bureau. Peu importe, les sourires sont là.
Pas pour longtemps peut-être. La musique de WIEGEDOOD a la même caractéristique que celle d’Amenra, l’autre groupe de Levy Seynaeve : elle fait l’impasse sur la concession et sur la nuance. On se prend donc de plein fouet ce mur de son black à deux guitares, trémolos à fond les ballons et batterie qui fuse, entrecoupé sans transition par des phases aussi planantes qu’inquiétantes. L’omniprésente lumière rouge blafarde accentue le caractère infernal de cette boule de rage, hurlée à pleine gorge le temps de quelques morceaux issus de la trilogie de LP du trio. Contrairement à Dopethrone, toute notion de fun est ici abolie, et c’est tout juste si on prend le temps de respirer.
YOB se retrouve donc avec la tâche ardue de ré-illuminer le cœur de la foule massée à Petit Bain, sous peine de suicide collectif. Ça tombe bien, son metal mystique est fait pour ça. Héritant d’une carrière bien fournie et d’une expérience de maintenant 20 ans, Yob a toutes les cartes en main pour développer son style unique. « Ablaze » et « The Screen » montrent d’entrée l’étendue de registre du groupe, tout comme l’album dont sont issus ces morceaux nous le prouvait plus tôt cette année. Le premier titre joue son rôle de locomotive metal dont le rythme ressemble à un roulis incessant, agrémenté de parties chantées et d’harmonies à fleur de peau qui nous emmènent au loin. Le second est une plongée heurtée dans les profondeurs d’un doom metal ralenti se fracassant régulièrement sur son propre rythme. As above, so below. Ce mantra hermétique, c’est le terrain de jeu du trio qui nous attrape en début de morceau pour ne plus nous lâcher.
La suite va nous plonger dans le passé du groupes, avec les excellents « Ball of Molten Lead » et « The Lie that Is Sin », repoussant encore les limites de la profondeur avec Levy de Wiegedood en renfort au chant. Mais la lumière n’est jamais loin et alors qu’on pensait notre trip arrivé au bout, « Our Raw Heart » va nous propulser encore plus haut. Cette balade folk électrisée au psychédélisme nous emmène d’une première partie mélancolique à une deuxième plus lumineuse, se concluant sur un solo stratosphérique et une fin dont la mélodie se déroule par pallier successifs… On est désormais bien loin de nos pieds. Mais Yob ne compte pas nous laisser flotter longtemps et « Breathing From The Shallows » vient nous ramener à terre et nous scotcher au sol. Le concert (rituel ?) terminé, le shaman Mike Scheidt et ses acolytes viennent discuter avec leur public dans un élan de communion aussi simple que touchant. Yob is love indeed.
Last modified: 27 octobre 2018