Interview avec UFOMAMMUT : « Le vrai secret, c’est le jam. »

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UFOMAMMUT, trio italien forgeant son identité sonore depuis presque 20 ans à base de riffs plombés et de structures envoutantes, fait désormais partie des groupes majeurs de la scène stoner/doom. Il y a maintenant deux mois, sortait leur huitième album que j’évoquais déjà comme l’un des incontournables de l’année, et ce bien avant que d’autres albums très attendus ne sortent (et ne déçoivent, comme le sorcier électrique). Je peux désormais confirmer haut et fort mon présage : aucun album en 2017 ne sera plus lourd et massif que « 8 » ! Entre deux tournées pour offrir une avalanche de sons à leurs fans, les membres d’Ufomammut ont accepté de répondre aux questions de THC et de revenir sur « 8 », de sa composition aux réactions du public, et quelques autres sujets révélateurs de l’authenticité et de la simplicité qui lie les trois artistes. (PHOTO : Gaël Mathieu)

Un mois après sa sortie, les chroniques autour de « 8 » sont toujours aussi bonnes. Est-ce que cela vous rassure quant à vos choix d’évolution musicale ou est-ce que vous ne prêtez pas attention à ce qui est écrit à votre sujet ?

Urlo (basse/chant/FX/synthés) : Je suis très heureux des retours que nous avons depuis sa sortie. C’est toujours bon de voir que notre travail reçoit de si bonnes chroniques, et que les gens l’apprécient. Après, on ne pense pas à tout ça lorsqu’on compose. On fait toujours de notre mieux, on essaie de créer quelque chose de différent et de bon, avant tout pour nous-même. On veut être 100% satisfaits de ce qu’on fait. Si après, ça plait, alors nous sommes doublement ravis.

Vita (batterie) : Bien sûr que les chroniques ont leur importance, car elle permettent de donner un aperçu du contenu à ce uxqui n’ont pas encore pu écouter. Ça ne veut pas dire que les groupes composent de nouveaux albums uniquement pour obtenir des critiques positives. Et puis il y a d’autres bons moyens de faire parler de soi, comme le live ou les interviews. 

« On voulait ressentir toute la puissance de nos morceaux, on voulait qu’il sonne à la fois authentique et massif. On l’a donc enregistré en live. « 

Les thèmes des albums précédents évoquaient des figures emblématiques, qu’elles soient réelles ou mythologiques, et l’idée de rébellion. Pouvez-vous développer ceux abordés sur « 8 » ?

Urlo : « 8 » est le huitième album d’Ufomammut, donc quand nous cherchions un titre pour ce dernier, nous avons décidé d’utiliser ce symbole. Les huit titres s’enchaînant sans la moindre interruption représentent l’infini, le lemniscate en algèbre. Ce symbole dont les deux axes se recoupent représentent notre trio, notre groupe depuis ses débuts. Un autre détail qui a son importance : le chiffre 8 se dit différemment dans chaque langue, c’est une façon pour nous de faire tomber les barrières de toutes sortes.

Poia (guitare/FX) : Notre approche tout entière a été différente, de la composition jusqu’à l’enregistrement, du chant aux arrangements sur les parties instrumentales. Tout ça est nouveau pour nous : la structure des morceaux a évolué, l’album est plus complexe même s’il est plus rentre-dedans. On voulait ressentir la puissance de nos morceaux, on ne voulait pas enregistrer chaque instrument séparément sans savoir quel serait le résultat final comme on l’a fait sur les albums précédents, on voulait qu’il soit à la fois authentique et puissant. On l’a donc enregistré en live. 

Huit albums en 18 ans, c’est un rythme effréné ! Votre créativité bouillonnante est hors norme dans le paysage musical actuel. Quel est votre secret ? Est-ce une volonté de votre part de proposer aux fans un nouvel album rapidement, pour leur épargner une trop longue attente ?

Urlo : En fait, on aurait sûrement pu pondre plus d’albums en 18 ans.  Regarde les Beatles et le nombre d’albums qu’ils ont pu sortir en huit ans… Ils sont tous bons ! Haha. On n’a pas vraiment de secret, on est simplement rapides pour découper nos morceaux, une fois que l’on sait où on veut aller. Il y a cette alchimie entre nous, Poia et moi sommes amis depuis maintenant trente piges, et Vita nous a rejoint il y a vingt-cinq ans de ça, pour ensuite former le groupe. La chose la plus importante lorsqu’on enregistre un album, est de faire quelque chose de différent à chaque fois. On veut explorer sur de nouvelles pistes, et essayer de ne pas se répéter.

Vita: On commence à composer uniquement quand c’est le moment pour nous. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de faire un nouvel album pour des questions de timing. C’est en fonctionnant ainsi qu’on sort généralement de mauvais disques. 

« Avant, on arrivait en studio avec des ébauches de morceaux. Pour « 8 », on savait exactement ce qu’on voulait. »

Vous avez l’habitude de jammer pour créer de nouveaux titres. À quel moment du jam savez-vous que le morceau est en train de prendre vie et devez-vous à un certain point arrêter l’expérimentation pour passer à l’enregistrement ?

Urlo : On crée notre musique à trois. Parfois, Poia et moi travaillons sur un riff ou autre, puis on peaufine le tout avec Vita. Parfois, on jamme juste. On enregistre nos répèts puis on les ré-écoute pour repérer les bonnes idées et autres riffs sur lesquels on pourrait partir, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ait le morceau final. Avant, on arrivait en studio avec des ébauches de morceaux. Pour « 8 », on savait exactement ce qu’on voulait.

Vita : Même lorsqu’on n’a pas mis toutes nos idées à plat, on s’en sort toujours en jammant. C’est ça le vrai secret. Il y a une telle alchimie entre nous trois, que nous ne pouvons vraiment donner vie et groove au morceau que si l’on est ensemble.  

« On est comme une famille, sans avoir le même sang. »

Votre line-up n’a pas changé depuis vos débuts en 1999. Après tant d’années, je suppose que vous êtes bien plus que des musiciens se retrouvant pour jouer, vos relations doivent être très fortes pour durer depuis tant d’années. N’avez-vous jamais ressenti le besoin d’intégrer d’autres musiciens, afin d’explorer d’autres voies ?

Vita : J’ai rencontré Poia et Urlo alors qu’ils jouaient dans un autre groupe, quatre ans avant que la créature Ufomammut ne prenne vie. On est d’abord devenus potes, puis on a formé le groupe, et maintenant on est comme une famille, sans avoir le même sang.  

Urlo : En fait au début, on avait un clavier pour le live. Enfin… on a essayé quatre claviers différents. Nous ne sommes pas fait pour être en quatuor. Après « Snailking« , on a pris la décision de boucler la boucle et rester à trois. 

Poia : On a quand même eu quelques invités sur l’album – Lorenzer de Lento, Rose Kemp – et on est toujours ouverts aux collaborations. Elles doivent juste se faire naturellement. 

J’ai découvert Ufomammut lors du Hellfest 2009, ainsi que les œuvres de Malleus exposées lors de cette édition du festival, soit deux énormes claques, visuelle et sonore. L’identité visuelle forte d’Ufomammut est exceptionnelle et chaque pochette d’album, poster de tournée, sont de superbes créations. Comment en êtes-vous venus à associer les deux arts ?

Urlo : Merci, c’est gentil. Avec Poia, on forme deux tiers de Malleus et deux tiers d’Ufomammut. Quand on a démarré Ufomammut, on bossait déjà en tant que Malleus, et les deux projets ont pris de l’ampleur plus ou moins simultanément. Aujourd’hui, nous gagnons notre vie avec Malleus, et en tant qu’illustrateurs, c’est tout naturellement que l’on prenne en charge toute la partie graphique autour du groupe. On a vraiment de la chance de faire ce qu’on a toujours aimé pour vivre.  

Vita : Sur scène, la partie visuelle est tout aussi importante que les instruments, elle donne au public une véritable accroche. Avec des visuels, au moins les gens ne s’ennuient pas, hahaha.

« Chaque fois que nous montons sur scène, on doit avoir la bonne tension, le bon feeling et la bonne attitude pour pouvoir se donner à fond. Peu importe que l’on joue devant 3 ou 3000 personnes, l’approche reste la même. »

Vous venez de tourner un mois pour la sortie l’album, quelle a été la réaction du public lorsque vous attaquiez les nouveaux morceaux ?

Vita : Les gens étaient surpris de façon positive, par la cadence, le rythme mais aussi la puissance et l’agressivité que nous dégageons en jouant l’album. Quand le public est conquis, alors nous sommes ravis. 

Urlo: Différente. Les nouveaux titres sont liés les uns aux autres, et certaines parties changent parfois de façon inattendue, il y a moins de pauses également. 

Poia: J’ai remarqué que les gens se laissaient emporter, mais que parfois ils ne savaient pas quand taper dans les mains, ou lorsqu’un nouveau morceau démarrait… c’était marrant. Mais au final, tout le monde semblait ravis, et nous avec ! 

Après votre tournée automnale, la seule date annoncée est une date américaine, au Maryland Death Fest. Je suppose donc qu’une tournée US est envisagée. Est-ce qu’Ufomammut est attendu par vos fans aux US ou n’êtes-vous encore qu’un groupe exotique pour eux ?

Vita : On a encore quelques dates en Italie en novembre et décembre. Chaque fois que nous montons sur scène, on doit faire nos preuves en tant que groupe. On doit avoir la tension idéale, le bon feeling et la bonne attitude pour pouvoir nous donner à fond. Peu importe que l’on joue devant 3 ou 3000 personnes, l’approche doit rester la même.

Urlo : On prévoit une vraie tournée US, et on a très hâte. On va devoir faire nos preuves dans chaque ville.

Poia : Surtout si les gens nous attendent !

Merci à Poia, Urlo et Vita pour avoir pris le temps de répondre à nos questions. Leur nouvel album « 8 » est disponible maintenant chez Neurot Recordings.

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Last modified: 16 avril 2018