Après quelques pintes de chauffe dans un établissement dont le nom rime plus ou moins avec “Slewbog”, je découvre à mon grand désarroi que le Black Heart opère déjà une politique de « une entrée pour une sortie », alors que les riffs de Wizard Fight ouvrent ce dernier jour DESERTFEST LONDON. Cela dit, leurs hymnes riffiques goudronneux règnent en maître, tandis que je bats en retraite loin de leur rugissements gutturaux et leur sludge groovy, pour choper un bout de Hark à l’Underworld…
Une bonne partie d’entre nous ont besoin d’un sérieux dépoussiérage de cerveau, et ces sorciers gallois ayant pris d’assaut l’un des donjons musicaux les plus ténébreux de la capitale ont l’air d’avoir le remède qu’il nous faut. Menés de front par le talentueux et charismatique Jimbob Isaac, le quatuor rentre dans le lard avec un set de morceaux sludgy et autant d’enthousiasme qu’une baleine fonçant sur un banc de plancton. La nostalgie de la gloire passée de Taint continue encore de suivre Hark, mais la nouvelle équipe formée par Jimbob est une entité bien plus agressive, anguleuse, dynamique et sophistiquée. Et comme le prouve leur performance écrasante et quasi intégralement constituée de nouveautés de leur opus Machinations, il y a des chances pour que le groupe gravisse rapidement les échelons et se retrouve en haut de l’affiche des prochains festivals, au vu de l’atmosphère extatique qui règne à l’Underworld.
Bon, il est maintenant l’heure d’éprouver la toute nouvelle salle du festival ! Celle ci a beau être bien plus grandiose et propre que les antres humides auxquelles nous nous étions habitué – sans parler du trek qu’implique la remontée de Camden High Street pour y accéder – mais bon sang, MERCI Reece Tee et d’avoir booké ce bastion fabuleux de 3000 personnes qu’est le Roundhouse. Cette salle incroyable est tout simplement parfaite : elle est belle, le staff y est plus qu’opérationnel, et le son aussi puissant qu’un pic d’activité à l’usine Marshall. Ah oui, et elle affiche archi complet !
Une fois à notre aise, on se délecterait bien d’un bon gros spliff sonore, et qui mieux que les Ricains de BONGZILLA, encore frais de leur set en tête d’affiche de l’Underworld la veille. Alors, soit ils ont effectivement un peu trop consommé, soit le set-up est trop léché pour eux, mais il faut bien au groupe plusieurs morceaux pour se mettre en jambe. Mais une fois que les riffs saillants du combo et le jeu puissant de Magma aux fûts emplissent enfin complètement l’enceinte du Roundhouse, le salle se mue en un bouge géant et verdâtre infesté au sludge. Ce n’est pas le métal le plus technique qui soit, mais le secret de la suprématie de Bongzilla sur la scène sludge réside dans la conviction et l’authenticité brute avec laquelle sont livrés leurs riffs pleins de groove, et le chant fielleux de Muleboy. Perchés ET sur-vénères ? Plus que jamais. Cette demie heure d’intenses vibrations dans nos carcasses se termine sur la procession presque funéraire ‘HP Keefmaker’, puis Bongzilla quittent le hall après l’avoir rebaptisé “The Flattenedhouse” (NDLR : ou « la maison écrasée », contrairement au « Roundhouse »).
SAINT VITUS ont beau être toujours considérés comme les patrons du doom, il ne reste désormais du lineup d’origine que le guitariste Dave Chandler et, je suis désolé de dire ça, mais le groupe en pâtit sévèrement. Henry Vasquez est un super batteur et un showman du tonnerre, mais ce soir il se la donne peut-être un peu trop par rapport au reste du groupe. Ajoutez à ça l’agressivité métallique du bassiste de Down/Goatwhore Pat Bruders, et c’en est fini de cette morosité ambiante que dégageait le groupe anciennement mené par Wino. A peine audible derrière son micro, Chandler est soit trop vieux, soit trop défoncé pour mener la barque, bien que son jeu de guitare reste toujours aussi brillant, unique et solidement ficelé. Scott Reagers donne le change au chant, mais sa voix atteint rarement des sommets, et ses interventions entre les morceaux sont dignes d’une discussion à l’hospice, au mieux. Evidemment, il y a toujours les classiques tels que ‘Saint Vitus’, ‘Born too Late’ et ‘War is Our Destiny’ mais la qualité sonore la coordination de l’ensemble reste pauvre tout du long. Je vois tout de même une tripotée de vestes à patches se la donner en mode mosh pit, alors je suis peut-être au final le seul à ne voir que les points noirs de cette performance !
Toujours au Roundhouse, les WOLVES IN THE THRONE ROOM nous concoctent ce black metal organique, lo-fi, et transcendant qui fait leur marque de fabrique, la formation des frères Weaver étant complétée par un guitariste, un bassiste et un clavier trippant, livrant une performance atmosphérique qui tire profit de la superbe acoustique de la salle. Des morceaux bouillants comme ‘Black Cascade’ et ‘Celestial Lineage’ sonnent comme jamais avec cette batterie monstre qui entérine le tout, mais j’ai comme l’impression qu’un passage un peu plus tôt dans la journée eut été plus approprié pour les Loups très blackisants… histoire de rester sur cette ligne directrice bien groovy esquissée par les têtes d’affiche doom du jour.
Les énigmatiques scandinaves de CANDLEMASS prennent d’assaut le Roundhouse en grande pompe, Leif Edling et Mats Levén menant leur troupe au coeur d’un tonnerre d’hymnes doom lyriques. Ensorcelés ? Ca, nous le sommes ! Sans l’ombre d’un doute, Candlemass est clairement l’un des groupes de cette affiche a vraiment exploiter tout le potentiel de cette scène, tandis que la foule hurle au moindre de leurs riffs sacrés. Mais le meilleur reste à venir…
On est tous rentrés ! La salle est remplie ! 3000 stoners !
SLEEP, baby ! C’est parti ! Pike. Cisneros. Roeder. La sainte trinité. Dès les premières notes de Holy Mountain, un raz-de-marée s’engouffre dans le Roundhouse, devant un Pike et un Cisneros entourés de colonnes entières de backline. Des ballons de plage rebondissent sur les murs de la salle, alors que les hits s’enchainent avec force et fracas. ‘The Clarity’, ‘Dragonaut’, ‘Aquarian’, ‘From Beyond’, c’est la totale, et ces morceaux sont autant de puissance – okay, cinquante fois plus de puissance, vu l’immensité des lieux – en live que lorsque vous avez tendu l’oreille pour la toute première fois sur ces titans du son. Encore une fois, Sleep nous offre un moment Desertfestien d’anthologie.
C’est une longue procession dans Camden qui se profile pour 500 d’entre nous, mais les maitres du rock psychédélique allemand SAMSARA BLUES EXPERIMENT valent tous les treks du monde. Christian Peters et Hans Bob sont dans une forme magistrale, tandis que le trio se balade sur ses jams ésotériques et autres tapis volants riffiques avec leur desert rock de grande envergure. On nest peut-être moyennement disposés à écouter des morceaux de 20 minutes à cette heure tardive, et avec l’accumulation de fatigue de trois jours de fest, mais les rythmes éthérés de SBE mettent l’Underworld en ebullition, les nuques sont en chaleur et les fessiers se déhanchent au son de leur grooves bluesy pointus. Quelle belle façon de clôturer cette édition spectaculaire, avec le meilleur du desert rock psyché.
Tandis que les festivaliers se dispersent dans la nuit, on peut aisément dire que cette sixième édition du Desertfest était l’une des meilleures. Le sentiment est largement partagé quant à la légitimité du Roundhouse en lieu et place du Koko; et cet amour entre les groupes, leurs fans et les organisateurs laissez penser que le festival est bel est bien sur la pente ascendante, quant à sa taille, sa diversité et son pouvoir d’attraction. Bien au-delà des limites que certains lui attribuaient au départ.
De la bière, des riffs, des « pies ‘n mash », des potes: que demande le peuple ? Chacun s’éclipse dans son repaire londonien, avide de savoir ce que 2018 nous réserve. On se donne rendez-vous même lieu, même heure l’année prochaine ? À n’en pas douter…
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Last modified: 20 avril 2018