DESERTFEST LONDON 2016 Report – Jour 3

Written by Live

Dernière journée au DESERTFEST LONDON 2016 et, dès le début, la nostalgie pointe le bout de son nez. Le festival a beau ne pas être terminé, mais quand la fin d’un tel week-end se présente au coin de la porte, on l’accueille avec regret même en pensant à tout ce qu’il y a de bon à venir… Et du bon il y en a eu à foison, avec l’ajout du mythique Koko à la liste des lieux de pèlerinage, et les riffs heavy de Godflesh, Elder, Wo Fat, Mothership, Oranssi Pazuzu et bien d’autres. (TEXTE : Beeho & Mathieu Lubrun / PHOTOS : Gaël Mathieu & Pierre Le Ruyet)

Après avoir headbangué et festoyé jusqu’à la fermeture du Black Heart la veille, on est bien contents d’avoir un peu de rab de sommeil avant d’attaquer ce dernier jour au Desertfest. Un badass breakfast et quelques calages de planning plus tard, c’est d’un pas décidé que le crew THC se rend à l’Underworld pour la tornade doom prog OHHMS. Comme je m’y attendais, les Britanniques livrent une performance radicale : deux morceaux pour une demi-heure de set avec un démarrage façon tsunami, le genre qui monte au loin, qu’on observe tout en pensant qu’on a encore le temps avant de courir, sauf que ce dernier nous explose soudainement à la gueule et arrache tout sur son passage. Premier essai de la journée : transformé !

Le soleil chauffe sur Camden, la bière est fraîche à souhait et les Ray Ban sont de sortie. Lors d’une courte pause ravitaillement au Black Heart, je tombe sur les gars d’Elder : les boys sont détendus et ravis d’être là, ce qui n’augure que du bon pour la suite ! Sur les conseils d’un ami, je poursuis mon pèlerinage dominical à l’Electric Ballroom, et bénéficie d’un siphonage auditif en règle grâce au black metal/doom hybride des Anglais BAST et la qualité sonore de la salle, qui ne déprécie pas depuis vendredi. Au vu du mur du son infranchissable qu’érige le trio, on comprend comment ils se sont retrouvés signés sur le label du gratteux de Conan, Black Bow Records. Je ne reste que le temps d’un morceau ou deux car je dois aller me positionner au Koko sous peu, mais l’impression laissée par Bast groupe est juste fabuleuse. Écoutez leur album « Spectres » et dites moi que ça ne vous donne pas envie de vous rouler dans la boue comme des porcelets. – Beeho

Les fans de sludge et de doom connaissent maintenant très bien MONOLORD, mais c’était pour moi la première fois et je ne suis pas déçu du voyage. Le Koko (qui accueille une partie de l’affiche de cette dernière journée) bénéficie d’une acoustique parfaite pour faire sonner le gras, et elle fut mise à l’épreuve durant tout le set. La section rythmique attaque avec brutalité tandis que la guitare grésille des riffs que ne renierait pas Tommy Iommi, et que Thomas Jäger envoute le public avec un chant blindé d’effets. Je m’attendais à du lourd, mais ce concert dépasse mes plus folles espérances en la matière. Niveau setlist, on a droit à un nouveau morceau prometteur au riff principal très inspiré du « Iron Man » de Sabbath, puis au désormais classique « Empress Rising » en guise d’apothéose. S’il y avait encore moyen de douter au début du concert, la salle était sans aucun doute remplie de dévots à la fin. Et si le guitariste pouvait monter un petit side-project death old school avec le même son de gratte, je serais encore plus comblé.

Je tente un rapide passage à l’Electric Ballroom pour Necro Deathmort, qui se solde très vite par le constat tragique que la distance entre les deux salles ne permet pas de sauter aussi facilement de salle en salle… Je repars donc bredouille pour apprécier ELDER dans une salle déjà bondée. Le son est encore une fois parfait et donne au groupe toute l’ampleur nécessaire pour faire vibrer son heavy un brin progressif. Autant je n’ai pas accroché sur disque, autant l’expérience est beaucoup plus prenante une fois que l’on est plongé dans le son. Malgré son éloignement avec le centre de Camden, j’espère bien pouvoir retourner l’année prochaine pour apprécier de nouveaux des groupes du genre dans cette salle généralement plutôt réservée au rock, au rap et aux musiques électroniques. – Mathieu

Pour ma part, cette immersion dans la musique d’ELDER magnifiée par le cadre renversant du Koko est l’un des points d’orgue du week-end. Le début du set fait la part belle aux morceaux du dernier album comme « Compendium » et « Lore », puis un tout nouveau morceau qui sonne comme la continuité de ce tournant subtilement plus proggy. Au moment où je choisis de passer du rez-de-chaussée aux balcons supérieurs, le groupe entame son morceau « frisson garanti » : « Dead Roots Stirring »Au fur et à mesure que je gravis les escaliers pour trouver le point de vue parfait, les riffs s’élèvent dans la stratosphère jusqu’à l’apothéose, et pour ma part, quelques larmes de bonheur. Voir ce groupe de génie dans cette salle tout aussi impressionnante, avec un son à tomber par terre, c’est ce qu’on appelle un vrai moment de grâce, et ça n’arrive pas tous les quatre matins. Ce concert n’a pas frôlé la perfection : il l’a atteint (cf photo du paradis ci-dessous). – Beeho

Il faut toutefois partir au milieu du set si on veut voir ORANSSI PAZUZU, mais cela aura valu le déplacement. Autrefois dubitatif du mélange de rock psychédélique et de black metal des finlandais, leur dernier album aura fini par me convaincre grâce à son inventivité. Les cinq membres semblent perdus dans leurs instruments, mais c’est leur union qui crée un bruit fabuleux à mi-chemin entre la frénésie du black metal du Enslaved des débuts et un rock psychédélique possédé. Les touches indiennes des mélodies se noient en revanche dans la distorsion, mais ce qui en ressort est tellement inclassifiable que l’on reste en admiration devant ces alchimistes musicaux. Un groupe résolument à part qui fera sans aucun doute des émules. Dommage par ailleurs que le groupe n’ait que des CD et pas de LP au merch, tant la surcharge auditive mérite d’être écoutée sur un format capable d’accueillir une telle ampleur.

Une fois sortis du songe, on retourne dans la dure réalité avec le set de TROUBLE. Les musiciens sont bons, mais le heavy façon Judas Priest ne me convient pas des masses. Deux morceaux et on quitte le Koko pour aller faire une petite pause bien méritée. Une fois repus, on peut donc en reprendre dans les oreilles avec le stoner de WO FAT. Le son est gras, les amplis Orange font bien le boulot, et même si les riffs glissent sous la dent, le chant n’est pas convaincant et brise le peu de charme que le groupe pourrait avoir. Contrairement à Elder, j’apprécie le groupe sur disque mais sur scène, et après une succession de groupes géniaux, Wo Fat font pale figure.

C’est donc l’heure de finir le festival en beauté avec GODFLESH. Le duo commence son set de la même façon que la dernière fois que je les ai vu, au Brutal Assault Festival en République Tchèque, avec des titres de l’album de la reformation, A World Lit Only By Fire. Autant les morceaux aux rythmes syncopés me conviennent très bien, autant les titres plus mécaniques et industriels m’endorment un peu (« Towers Of Emptiness »). Heureusement, après six nouveaux morceaux, le groupe enclenche sa boite à rythmes sur des classiques comme « Christbait Rising », « Spite » ou « Crush My Soul », et on peut de nouveau bouger son boule et sa tête. À l’instar de Oranssi Pazuzu, Godflesh est un groupe résolument à part avec un son et une attitude bien différents de toute l’affiche, dont le point commun est d’être influencé par Black Sabbath. Godflesh ont beau également venir de Birmingham, leur son découle d’un autre océan – celui que l’on appelle Swans – pour creuser sa propre rivière. Plus techno que metal, la musique de Godflesh démontre que le Desertfest peut ouvrir sa porte à des musiques plus étranges, tout en restant dans la lourdeur… et dans la lourdeur. Et en matière de riffs épais, le sieur Broadrick s’y connait très bien, comme l’aura prouvé ce « Like Rats » joué en rappel. – Mathieu

Pendant que Mathieu finit son week-end sur fond d’indus léché avec Godflesh, je pars sous les auspices carrément plus rock’n’roll de l’Underworld, pour ENFIN découvrir ce groupe dont on n’a cessé de me vanter les mérites : MOTHERSHIP. L’ambiance quand j’arrive dans la salle : survoltée. Un peu comme si le groupe et le public sentaient que le festival touchait à sa fin, et que c’était maintenant ou jamais pour vibrer à l’unisson. Le trio texan est tout sourire, redoublant de poses wackenwoll-ouh-yeah devant une fosse au taquet. Et si tout comme mon collègue Mathieu, la performance de Wo Fat – qui sont pourtant des putain de cadors – ne m’a pas transportée plus que ça, je prend carrément mon pied en ce moment même. En voyant les gars de Mothership transpirer l’esprit du Rock par toutes leurs pores dans un Underworld bondé, je ressens un bonheur sans nom mais aussi un léger pincement au coeur de me dire que d’ici quelques heures, il faudra déjà se dire « à l’année prochaine ». Alors on profite encore, on donne tout. Et comme le dit si bien le groupe en rendant son ultime riff :

« Rock’n’roll is alive because of people like you. » See you in 2017, Camden…

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Last modified: 29 mai 2017