Après un samedi aux ambiances sombres, sales et brutales, ce dernier jour au DESERTFEST BELGIUM 2014 nous emmène dans les contrées Stoner Rock au sens le plus pur du terme. Grande première pour pas mal de gens, la venue exceptionnelle des légendaires FU MANCHU et BRANT BJORK a fait prendre tout son sens à l’appellation Desertfest, tandis que des groupes hautement qualifiés comme COLOUR HAZE, BLACK BOMBAIM ou BLACK MOTH se sont appliqués à catapulter nos cerveaux déjà bien frappés dans des sphères du heavy et du psyché. Pour résumer le tout : trips massifs, pogos, pogos sur bière. Plutôt honnête comme deal, non ? (Photos : Sylvain Golvet)
Pour une fois que j’ai une bonne excuse (autre qu’un état d’ébriété variable) pour justifier de mon absence à un ou plusieurs concerts lors d’un festival, je me devais de vous en faire part. Qu’y aurait-il donc de plus intéressant que du live ? Je vais vous le dire : encadrer une interview filmée dans la moiteur extrême de la piscine du Scandic Hotel d’Anvers. Il fallait bien quelqu’un pour s’assurer que tout se déroule sans entrave. N’est-ce pas. C’est donc pour cette excellente raison que mon collègue Sylvain Golvet et moi-même arrivons au Trix assez tard, mais juste à temps pour la performance survitaminée des Grecs 1000MODS. Allez savoir pourquoi, le souvenir que j’avais de ce groupe n’était que volutes psyché et compos instrumentales. Rien à voir, car c’est un stoner rock fougueux qui nous est envoyé dans les oreilles sur la petite scène de la Vulture Stage, avec en prime une dynamique qui n’a rien à envier à des mecs comme Red Fang. Les festivaliers étant désormais chauffés à bloc (il leur a fallu deux jours, la Pils insipide du Trix doit y être pour quelque chose), le headbang s’impose vite comme la norme, devant un groupe aux anges. Puuuuuuuunaise, si ça c’est pas un échauffement quatre étoiles !
Mon envie de rester jusqu’à la fin du set des Hellènes est forte, mais pas aussi forte que celle de revoir le trio space rock instrumental portugais BLACK BOMBAIM. À l’étage, la foule est encore clairsemée, parfait pour se frayer un chemin au premier rang. Ce groupe semble être une totale découverte pour pas mal de gens, et pour certains, un monde instrumental dans lequel il est difficile de rentrer de prime abord. Les morceaux ont pourtant une structure similaire : un combo basse-batterie calé au millimètre qui offre une fil conducteur hypnotique sur laquelle la guitare se balade, tissant sa toile cosmique au gré du son. Le truc qui rend Black Bombaim aussi uniques que le sont Colour Haze dans leur catégorie, c’est cette touche subtilement exotique, quelque part entre afrobeat, jazz et musiques berbères. Les yeux fermés, l’esprit ouvert, nos corps se mettent instinctivement à onduler… On n’est plus à un concert de rock, ni au Desertfest, on oublie tout : ON VOYAGE. Le groupe enchaîne « Africa II » et « Arabia » du dernier album « Far Out » (chroniqué ici) comme une seule pièce, magique… Il ne se passe pas grand chose côté spectacle tant les musiciens sont studieux, mais le résultat n’en est que plus envoûtant. Aussi bons en live que sur galette, Black Bombaim s’affirme comme une valeur sûre du rock cosmique actuel.
La reprise des activités est un peu chamboulée suite à cette rupture dans le continuum espace-temps, mais que diable, diantre, sacrebleu : il y a Brutus qui jouent en bas ! Euuuuh, mais attendez… Depuis quand ils ont une chanteuse ? On me dit dans l’oreillette que ce sont en fait les « Brutus belges ». Ah. Mais ne serait-ce pas le doux appel du cheeseburger qui résonne depuis le Food Market ? (sic) Notre prochain rendez-vous a lieu à la Desert Stage avec COLOUR HAZE. Que dire qui n’ait pas déjà été dit sur ces pionniers du stoner rock allemand ? Grâce au son de la grande salle du Trix, l’expérience cosmique se transforme rapidement en extase absolue. Comme si ce groupe, avec ses riffs aquatiques, ses ambiances à la cool et le chant velours de Stefan Koglek, n’avait pour seule préoccupation que de chouchouter nos oreilles et nous rendre infiniment heureux. Et ça marche. Dans l’obscurité, les coeurs chavirent peu à peu, tandis que les iris sont captivés par les projections hypnotiques en fond de scène. « She Said », « Love », le classique « Tempel » ou le plus funky « Moon » : les Allemands nous offrent un best-of, mais surtout un instant loin de tout, sur un nuage. Loin des groupes revival poseurs, Colour Haze représentent la quintessence du hippie moderne, sans prise de tête. Une vrai moment de bonheur.
Changement d’ambiance radical avec BLACK MOTH à la Vulture ! Il était hors de question que je rate le prometteur combo de Leeds (découverts en 2013 au Desertfest Londres), d’autant plus que leur dernier album « Condemned To Hope » est une petite bombe inclassable que tout amateur de rock et métal ferait bien d’écouter au plus vite. Ils ont beau être parmi les groupes les plus jeunes à l’affiche, lorsque nos Anglais montent sur scène, la décharge d’énergie est instantanée. Naviguant entre hymnes grungy accrocheurs et morceaux à la tendance bien plus doom rock (mais toujours super fun, comment font-ils ça ?), le quintet livre un set sacrément énergique… et rafraîchissant. Comme dirait mon collègue Patrick B. : « le groupe est aussi bon que sa chanteuse est charmante ». Et c’est vrai que pendant que les quatre zikos s’appliquent à ériger le mur du son, headbanguant comme des damnés, la jolie Harriet envoûte son auditoire en toute simplicité. Le groupe semble plus que ravi d’être ici, sentiment plus que réciproque au vu des cris qui émanent du public… Carton plein, Black Moth !
Après une pause vin blanc que mon palais va vite regretter (décidément, l’offre de boissons au Trix, c’est vraiment pas ça), il est temps d’assister à la venue du messie desert rock, l’homme au capital sympathie +10000 : Mister BRANT BJORK. Cette ultime soirée au DESERTFEST BELGIUM se terminera en apothéose de gros son dans une tempête de sable ou ne sera pas. La prophétie s’enclenche donc aussi sec sur « Low Desert Punk »… (Je dois vous prévenir que tout ce que vous allez lire par la suite repose uniquement sur de vagues souvenirs euphoriques). Ici-bas, le groove est ÉNORME. Il a fallu presque trois jours pour que la chaleur monte réellement chez les festivaliers, mais on est enfin tous là, transcendés par les bonnes vibrations du festival. À demi fondu par la fatigue du week-end, mon cerveau me répète en boucle « cééétrookoouuul ». Avec leur cool attitude habituelle, le hippie Brant et ses bros nous font la totale : une bonne dose de « Jalamanta », un peu de « Saved By Magic » et de « Somera Sol », mais aussi quelques extraits de son tout nouvel album « Black Power Flower ». Toute la magie de ce concert réside dans le parfait équilibre entre sensation permanente de jam et maîtrise absolue des éléments. Brant Bjork And The Low Desert Punk Band ou la grande classe, c’est tout.
Enfin. Après trois jours de messe heavy, la voilà, LA tête d’affiche de ce festival : FU MANCHU. Avec un démarrage de foufou sur « Eatin Dust » et « Hell On Wheels », la vibe est posée et les moshers sont lâchés. Profitant du concert aux côtés du crew Black Moth, je ne tarde pas non plus à me laisser envahir par la chaleur et la puissance sonore des Californiens. Contrairement à Brant Bjork qui officiait en vitesse de croisière, là, on est à plein régime : les riffs brûlent nos tympans comme la gomme sur le bitume, ou comme le soleil de la Death Valley sur la peau d’un Rosbif. Les Ricains balaient une bonne partie de leur discographie, en mode bulldozer fuzz. Et lorsqu’entre deux morceaux, Bob Balch laisse échapper ce petit woiiinnw (!) caractéristique de l’intro de « Evil Eye », je bondis de bonheur, au point de glisser et me retrouver le cul par terre. Rien à faire, on est là pour se lâcher, et mes comparses festivaliers dans la fosse ainsi que nos héros plus haut sur la scène l’ont bien compris ! Difficile de croire que les mecs ont vingt-cinq piges de carrière dans les pattes, tant leur fougue de jeunes punks tout droit débarqués du dog bowl est en train de mettre une raclée monumentale à tout le monde : C’EST LA GUERRE. Quand je parlais de tempête de sable et de gros son un peu plus haut, je pesais carrément mes mots. De mémoire de Desertfesteuse, on n’aura jamais trouvé meilleure façon de boucler ce festival qu’avec ces légendes vivantes du stoner rock (bon ok, mis à part avec Kyuss…).
Après ce bottage de fesses mémorable, la traditionnelle afterparty qui clotûre le Desertfest est comme toujours un grand moment de n’importe quoi relâche pour tout le monde. Certains iront joyeusement siroter des mojitos au piment dans les jardins du Trix, d’autres se déchaîneront sur des classiques stoner rock à l’étage. Toujours plus de Pils sera versée dans nos gorges (et sur le sol), jusqu’à ce que la salle rallume les spots à trois heures du mat’, sur un fond de Bob Marley. Pas mal d’entre nous se retrouveront ensuite au Scandic Hotel pour continuer les festivités jusqu’à pas d’heure…
C’est indéniable : cette toute première édition du DESERTFEST BELGIUM fut une immense réussite, tant au niveau de la programmation que de l’organisation super bien pensée du site (pas besoin de sortir de l’enceinte car nous avions absolument tout à disposition). On ajoutera que le son du Trix fut l’un des points forts du festival, rendant justice même aux groupes les plus heavy, et donc parmi les plus difficiles à sonoriser. Finalement, notre seul reproche fut le maigre choix de bières à la carte du Trix (on en attendait clairement plus venant d’un festoche belge)… Maintenant, on attend avec impatience les premières annonces pour la programmation 2015 !
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Last modified: 21 octobre 2016