P.O.D : « La Californie du Sud, c’est le reggae, le hip-hop, le punk, l’indie, et on a toujours fait partie de ça. »

Written by Interview

Background : 1991, les ghettos de San Diego, quatre potes d’enfance dont deux cousins. Des jeunes nourris au punk, au reggae, au skate, et au surf sur les vagues du Pacifique. Rien à voir avec une tendance saisie au vol : c’est un mode de vie, pas un pastiche. La plupart des gens pensent encore que P.O.D. est de ces groupes qui ont tiré parti de la mode néo-métal pour se faire une renommée, et basta. Pourtant, ces mecs là n’ont rien de « wannabes », ils n’ont rien d’un groupe fait sur casting, et si on peut parfois les assimiler à des artistes comme Korn ou Limp Bizkit, PAYABLE ON DEATH lorgnent pourtant plus du côté des Bad Brains et de Suicidal Tendencies. La musique de P.O.D est un condensé authentique de tout ce qu’est San Diego : les guitares latino de Santana s’acoquinent avec la distortion du métal, les vibes solaires du reggae se marient avec les textes révoltés de Public Enemy… Un ensemble vibrant comme mille palpitants en plein rush. Malgré deux démos punk rap passées inaperçues au début des années 90, c’est un live au Roxy de Sunset Strip qui permet à P.O.D. d’être repéré par Atlantic Records. S’en suivent les hits propulsés en radio, les clips sur MTV, les tournées internationales. Estampillé néo-métal par certains ou métal chrétien par d’autres, beaucoup décrient le groupe une fois les années 2000 passées (la fusion étant reléguée au rang de mauvais rêve par une grande frange de la population métalleuse). Un hiatus salutaire et quelques concerts en Amérique Latine plus tard, le groupe est fin prêt pour sortir « Murdered Love ». Le Hellfest 2013 signe le grand retour du groupe en France, l’occasion pour moi de faire un rapide bilan avec leur guitariste Marcos Curiel, et de décrypter l’esprit dans lequel les quatre Californiens se trouvent actuellement. Eh bien, ce n’est que du positif… (Photos : Droits réservés)

Comment as-tu trouvé le public du Hellfest ce matin ?

Marcos Curiel : Le public a été super réceptif, accueillant, et énergique. C’était un plaisir de jouer pour les français.

Comme Sonny l’a dit sur scène, ça faisait dix ans que vous n’aviez pas joué en France. Pourquoi est-ce que cela vous a pris autant de temps pour revenir en Europe ? 

MC : Eh bien, on a fait une pause de six ans avec le groupe. Un break loin de la musique, parce qu’on avait besoin de retrouver à nouveau l’envie et la passion. Si tu fais ça pour de mauvaises raisons, tu te brûles les ailes. Nous, on voulait faire ça avec le coeur, et nous voilà aujourd’hui. Ça, c’est pour les six ans. Pour le reste… On mettra ça sur le coup d’un mauvais management (rires).

Alors, comment êtes-vous parvenus à retrouver la flamme et le feeling pour votre musique ? 

MC : On bosse avec un producteur du nom d’Howard Benson, qui a produit « Satellite’ et « The Fundamental Elements Of Southtown ». Il nous a dit : « Hey, je travaille avec un tas de groupes grâce à vous, les gens sont très influencés par ce que vous faites et ils se demandent où vous en êtes ? »… Ensuite, c’était genre « Hey, vous voulez pas enregistrer un album ? Appelez-moi, faites quelque chose ! ». Donc on s’est réunis, on l’a contacté, il a fait le dernier album et voilà. On savait qu’on devait entièrement renouveler l’équipe autour de nous. De nouveaux managers, de nouveaux avocats, tout ça. Ça marche pour nous et les gens apprécient la musique, donc on est super contents !

Sonny Sandoval dans la foule au Hellfest 2013 (Photo : Gael Mathieu)

On a fait un break loin de la musique, parce qu’on avait besoin de retrouver à nouveau l’envie et la passion.  

Justement, parlons du nouvel album. Je le trouve vraiment plus rentre-dedans que votre précédent, « When Angels & Serpents Dance »…

MC : À l’époque de « When Angels & Serpents Dance », le groupe passait par une mauvaise phase. On avait pas mal de trucs à gérer individuellement, c’est pour ça qu’on a pris cette pause. Bien sûr, cette fois-ci on est sur la même longueur d’onde, on est parés pour l’aventure. On a la même vision des choses, la même envie, et c’est ce que tu entends sur ce disque.

Oui, il y a ce feeling de retour aux sources, où Sonny rappe beaucoup plus et le son est plus agressif. Est-ce que c’était voulu, calculé ? 

MC : On voulair clairement donner du P.O.D 100% old school aux gens. Tu sais, il y a en aura toujours qui ne seront pas d’accord, mais hey, on fait ce qu’on a envie. C’est pas forcément dans la mouvance du moment, car tout ce qui nous importe, c’est de ressentir le groove et la vibe. C’est un peu comme quand tu vas à un concert de reggae, tout le monde rentre dans la vibe, nous on fait ça avec le rock. C’est le groove, man… Je ne peux l’expliquer que comme ça !

Quand tu vas à un concert de reggae, tout le monde rentre dans la vibe. Nous, on fait ça avec le rock.

C’est clair. Et c’est pour ça que vous avez toujours incorporé tous ces éléments à votre musique : le reggae, le hip-hop, le punk… 

MC : Ça a beaucoup à voir avec l’endroit d’où nous venons. La Californie du Sud, c’est le reggae, le hip-hop, le punk, l’indie, donc on a toujours fait ça. Si tu regardes un peu l’historique de P.O.D, on a toujours mélangé ces éléments dans notre musique. On a pas peur de le montrer, surtout quand on joue dans un festival métal. On pense que ça nous met à part, nous et les groupes influencés par Bad Brains, Suicidal Tendencies et des trucs du genre. Chez nous, on pouvait faire ça sans se prendre la tête, c’était naturel et pas forcé.

Quels sont les publics les plus réceptifs à votre musique ? Les métalleux ou les hip-hopeux ? 

MC : Ceux qui aiment la musique. Tu sais quoi ? Il ne devrait pas y avoir de frontières dans la musique, un bon morceau est un bon morceau.

Aujourd’hui au Hellfest, je suis sûre que pas mal de gens ne s’imaginaient pas qu’ils allaient faire face à des vibes plus urbaines, et je pense qu’ils ont adoré ! 

MC : Je crois que 10% des auditeurs sont fermés d’esprit. Les autres 90% n’écoutent pas que du métal, donc je crois que la connexion qu’on a faite avec beaucoup de gens ce matin, qu’ils soient fans ou qu’ils ne nous connaissent pas, c’était plus « oh j’adore, ces mecs envoient du lourd ! ». Parce qu’on connecte avec leur ÂME. C’est tout ce qu’on essaie de faire.

En parlant de connexion, vous êtes toujours connectés à la scène musicale de San Diego ? 

MC : Oh ouais, carrément ! On vient juste de jouer ce concert de charité avec Tony Hawk, on aime donner à notre communauté. On a fait quelques concerts de charité, où on joue gratuitement et toutes les recettes vont à une asso caritative. On participe à notre manière, et je pense que les gens de San Diego apprécient. Ils se disent « ces mecs ne se croient pas trop cool ou mieux que les autres ». La façon dont je me comporte avec toi, c’est comme ça que je suis avec tout le monde. Le fait que je sois musicien ne me donne pas le droit d’être un connard.

Est-ce qu’il y a des groupes de chez vous dont tu aimerais parler ?

MC : Le truc en ce moment à San Diego, c’est le style de Sublime. Tu connais ?

Non…

MC : Ah, c’est un groupe qui était populaire dans le milieu du skate. Ils appellent ça du « white boy reggae » (NDLR : reggae de blanc). Jète une oreille, et tu verras que tu as déjà entendu ce groupe. Leur son est très influent dans notre coin, mais les groupes de San Diego aiment Blink182, Switchfoot, As I Lay Dying… Tu vois à quel point tous ces groupes sont différents ? Il n’y a pas UNE scène. Tout le monde est très décontracté ici. Mais on vient du quartier, du ghetto, et on vit au bord de l’océan. Tout le monde aime surfer, on est près du Mexique et pas très loin de Los Angeles, donc y’a de quoi s’occuper. Mais oui, le reggae est très présent à San Diego.

À San Diego, tout le monde est très décontracté. On vient du quartier, du ghetto, c’est une communauté de surfeurs.  

Comment occupes-tu tes journées quand tu ne joues pas de la guitare ? 

MC : J’ai deux garçons de 10 et 3 ans. Je les emmène en tournée quand ils n’ont pas école. J’essaie d’être le meilleur père possible. Aussi, j’adore conduire ma bécane et passer du bon temps. Je fais du tir, rien de violent, juste des cibles en argile. J’aime aller pêcher… Je passe aussi mon temps à composer et à travailler sur des compos électron. Je produits de jeunes artistes.

Tu les produis seul ou bien as-tu monté un label ou une team dans ce sens ? 

MC : Seul. J’utilise Reason et Machine, donc j’aime la musique électronique. J’aime tout ça, même si je penche plus du côté du hip-hop.

Enfin, dernière question et pas des moindres : qu’en-est il de l’avenir de P.O.D ? 

MC : Chaque chose en son temps, parce qu’à chaque fois que j’essaie de faire en sorte qu’une chose arrive, au final ça ne marche pas. Donc si je laisse le champ ouvert…

…Tout peut arriver, c’est ça ? 

MC : Exactement ! Voilà de bonne vibes, meuf.

Tout P.O.D sur Facebook et leur site officiel

Last modified: 14 octobre 2013