BOTCH + GREAT FALLS – Elysée Montmartre – 19 mars 2024

Written by Live

La rareté rend précieux. Ce qui est vrai pour les métaux semble aussi valable pour le metôôôl. Et Botch en est l’exemple parfait. Figurez vous que le dernier passage du groupe en terres parisiennes avait lieu au Café la Pêche à Montreuil en 2000, en première partie de Dillinger Escape Plan ! Pire : Botch a annoncé que cette tournée de reformation serait unique et que le groupe se séparerait de nouveau par la suite. Autant vous dire que pour voir cette légende du post-hardcore sur scène, la fenêtre de tir est réduite.

Mais ça serait réduire l’importance du combo que d’en faire un exemple de plus d’une reformation opportune façon hit & run. Entendons-nous bien, si les quatres compères se sont à nouveau réunis depuis 2022, c’est bien à la suite d’incessantes demandes diverses et variées, alors que chacun de ses membres était plutôt bien occupé ailleurs. Avec à la clé, un pactole qu’on imagine rondelet. Mais ce n’est pas pour autant que Botch a décidé de faire les choses par-dessus la jambe. Comme par exemple en enregistrant un titre inédit, assez direct et différent pour sonner comme une vraie nouveauté en parallèle des rééditions de sa discographie chez Sargent House. Mais aussi et surtout en arpentant les quatre coins du monde avec une énergie et une envie d’en découdre, sans se défiler malgré une pression sans doute folle et l’angoisse de décevoir un public qui, mine de rien, n’a probablement pas eu l’occasion de les voir sur scène depuis près de deux décennies. Après un excellent set au Hellfest l’été dernier, c’est donc en salle ce soir qu’on vivra ce baroud d’honneur.

Pour l’Europe, le combo a emmené Great Falls avec lui dans ses valises. Auteur d’un disque puissant en 2023, Objects Without Pain, qui l’a fait connaître d’un public plus étendu, le trio noise ne dépareille pas sur les planches de cette salle déjà plutôt remplie. Rien dans leur musique n’est pourtant là pour flatter l’auditoire tant l’agression est franche. Et maîtrisée, notamment sous les plans hyper tights du batteur qui martèle son kit sans fléchir. À sa droite, le bassiste très mobile semble jouer sa vie pendant chaque riff, avec une méchanceté qui se voit et s’entend. Enfin, un guitariste hurleur campe bien son rôle tel le mât de ce navire sonore. Peut-être que la setlist et le son de ce soir mettait un peu trop l’accent sur un gros bloc de violence, en tout cas le set paraissait un peu monolithique alors que l’album, lui, ménage un peu son auditoire avec quelques pauses bienvenues. Un ressenti qu’on retrouve heureusement dans le dernier morceau du set (comme de l’album), un long dédale qui se termine par une montée qui explose au visage d’un public un poil trop apathique encore.

J’ai parlé plus haut du sérieux avec lequel Botch a travaillé son retour. Mais ces derniers sont aussi de petits taquins. Entrant sur scène précédés du « Showroom Dummies » de Kraftwerk joué par Señor Coconut (if you know, you know), les quatre musiciens sont accompagnés d’un sémillant cinquième membre en la personne de Chauncey, un chat aussi charismatique que stoïque. Mais ce sens de l’absurde, on le connaissait déjà via les titres très pince-sans-rire de leurs morceaux. Oui, Botch sont sympathiques et humains. On pourrait s’en foutre mais c’est bien quelque chose qu’on ressent suffisamment pour l’apprécier et qui est à la base de leur démarche. Il ne faut pas oublier que le groupe est issu d’une scène hardcore et post-hardcore au message progressif et inclusif, et que 20-30 ans après, ils l’expriment toujours, sans égo. Dave Verellen redira plusieurs fois au micro le plaisir d’être ici et n’hésitera pas à venir remercier personnellement quasiment chaque spectateur des premiers rangs, comme ça, par pur respect.

La musique maintenant. Et quelle musique ! Puissante, compacte, technique, insaisissable. Entre Dillinger Escape Plan ou Converge, on sait comment We Are The Romans a rebattu les cartes du hardcore à l’époque et on peut dire que le genre a rarement été autant révolutionné depuis. Le jeu de guitare de Dave Knudson, hyper inventif, auquel répondent au poil la basse de Brian Cooke et la batterie de Tim Latona composent une dynamique rarement égalée. Et, oh miracle, la sauce prend encore et on a l’impression qu’il souffle encore la même fraîcheur qu’à l’époque dans cet Elysée Montmartre qui retrouve ses jambes de 20 ans dès les premières secondes de « To Our Friends In the Great White North » ou « Mondrian Was a Liar ». Le groupe a bossé, répété et ça se sent. Ensuite ça pioche dans America Nervoso et An Anthology of Dead Ends (« John Woo », « France » évidemment). Les morceaux s’enchaînent peut-être moins vite qu’en 2000, car les dadcoreux ont besoin de souffler. La démonstration se déroule dans la bonne humeur avec quelques slams un peu timides, jusqu’au rappel sur « Afghamistam » qui démarre en douceur avec Tim Latona au piano et Brian Cook au chant, avant le stupéfiant « C. Thomas Howell as the Soul Man » et le définitif « Saint Matthew Returns to the Womb » qui sonne le glas d’une bambotch mémorable.

Malgré une branche de lunette cassée dès le deuxième morceau (!), cette soirée m’a donc laissé un grand sourire sur le visage et le sentiment d’un accomplissement. Comme le disait Michel Drucker à feu notre Johnny national, la larme à l’œil et la gorge nouée : “Allez, salut mon pote !”

Last modified: 24 mars 2024