QILIN nous invite dans sa rêverie tourmentée avec « Parasomnia ».

Written by Chronique

Qilin. Voilà une créature mythologique que vous risquez fort de croiser non pas dans votre énième hallucination mais bel et bien dans le PSF, le Paysage du Stoner Français.

Ce quatuor parisien dépourvu de chanteur avait en effet aiguisé notre curiosité il y a deux ans alors que les possibilités d’évasion étaient somme toute restreintes. Si vous suivez ces pages, vous vous rappellerez ici ou tout le bien que l’on pense d’eux. Nouvelle année, nouvelles perspectives. Fort de son très réussi premier album « Petrichor », le groupe tente de se construire un futur avec ce nouvel opus. À l’image de cette créature chimérique dont le groupe tire son nom, Qilin hybride toutes ses aspirations pour un stoner à la fois aérien et lourd comme des enclumes. Et il fallait bien balayer un spectre d’influences assez large pour explorer le monde des songes, entre bercement onirique, divagation psychédélique et aliénation cauchemardesque. Entre rêve et réalité, lorsque les parasomnies apparaissent.

Tel est donc le concept mis en avant par cet album « Parasomnia » : lorsque l’être est partagé entre sommeil et éveil, son état de conscience vacille entre visions et évidences. C’est le passage d’une réalité physique aux chimères, qu’elles soient reposantes ou terrifiantes.

Musicalement on navigue ainsi entre parenthèses apaisantes invitant à la rêverie et guitares tumultueuses, tout en lourdeur et épaisseur, dont le groupe s’est fait une spécialité. Leurs compositions empruntent notamment au travail de Spaceslug, coutumier de ce genre de combinaisons vertigineuses avec leur triptyque sur les odyssées spatiales. Loin de singer les polonais, les parisiens adoucissent les contrastes en façonnant leurs accalmies à coups d’arpèges et autres douceurs dont Yawning Man en a le secret. Une voie entre-deux qui sied parfaitement au Qilin, cet animal fabuleux associé à la sérénité et à l’harmonie dans la tradition chinoise. Oui, le groupe se cherche encore dans la définition de son identité mais s’affirme dans sa capacité à canaliser ses aspirations (un peu trop) identifiables et antagoniques. « Parasomnia » n’est pas que l’expression d’un (lourd) songe d’une nuit d’été, mais également la rencontre avec nos démons intérieurs venant hanter notre sommeil.

Le quatuor sait disparaître dans un tunnel aux parois éthérées et renait ailleurs, dans un tourbillon de riffs pachydermiques (« Hundred-Handed Wards »). Se faisant plus onirique mais bien plus limpide que sur « Petrichor », c’est pourtant quand il lâche les chevaux que Qilin reste le plus convaincant. Plus extraordinaires en effet demeurent ces épiques tours de force que sont la dantesque « On Migoi’s Trail » et la magistrale « Lethean Dreams », explosée sous l’impact des solis méchamment enlevés de Thomas Vachy, bretteur doué et surprenant.  Allégorie du temps qui se répète sans cesse, n’ayant ni début ni fin (l’album étant borné par les titres « Ouro » et « Boros »), « Parasomnia » laisse subtilement planer le doute entre songe et cauchemar, échappatoire et réalité.

Qilin veut bien fusionner tous les styles et tout ce que l’on chérit chez eux se bouscule ici. « Parasomnia » est assurément marquant : il aligne les titres les plus aboutis du groupe, prouve son progrès constant et affirme sa singularité. Dans le jargon, on appelle ça « passer le cap difficile du deuxième album ».

ARTISTE : Qilin
ALBUM : Parasomnia
DATE DE SORTIE : 12 janvier 2024
LABEL : Auto-production
GENRE : Heavy psyché / post-rock
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Last modified: 10 janvier 2024