DOZER signe un retour magistral avec « Drifting in the Endless Void ».

Written by À la une, Chronique

Que fait-on après avoir contribué pendant 15 ans à façonner le stoner à l’européenne en 5 albums indispensables ? Eh bien, on retourne à l’école, bien sûr ! Au sens propre pour le chanteur/guitariste Fredrik Nordin en 2008, qui décide de retourner à l’université, sabordant toute velléité de capitaliser sur le dernier succès de DOZER, « Beyond Colossal ». Avec Tommi Holappa, profitant pour faire de Greenleaf une réalité plutôt qu’un side project perpétuel, on avait définitivement relégué le bulldozer suédois au rang de légendes qu’une myriade de groupes ont copié depuis, sans jamais l’avoir réellement écouté.

Lorsqu’en janvier 2021, après 13 ans de quasi silence musical, le groupe publie une photo d’eux en répétition sous-titrée « la légende continue », on est en droit de douter. Pourquoi ? Parce qu’involontairement on demande à ces musiciens, comme à tous les autres, de vivre dans le passé et de nous ressortir les sempiternels hymnes. On voudrait le même groupe fringant de notre jeunesse mais suffisamment lifté pour paraitre actuel. Quel piège ! L’affaire se terminerait avec un live de leurs meilleurs morceaux d’antan, puis la version acoustique, puis un best of avec un inédit (une reprise enregistrée pendant le confinement) pour détruire définitivement l’aura quasi mythologique du groupe aux yeux des fans.

Alors que faire ? Si Fredrik est retourné sur les bancs de la fac, le groupe à lui aussi décidé de tout réapprendre. De cet apprentissage germe un autre fruit, bien plus précieux : l’envie intrépide de tout mettre par terre et de tout réinventer. À l’instar de leur amis de Lowrider, sortis eux aussi de leur hibernation il y trois ans, ils redéfinissent purement et simplement ce à quoi doit sonner LE son stoner aujourd’hui. Et ce n’est pas un hasard si ce disque se retrouve estampillé Blues Funeral Recordings, qui s’évertue, à travers ses Postwax Series, à extraire la substantifique moelle d’un genre musical à la recherche d’un nouveau messie.

Pas besoin de plusieurs écoutes : « Drifting in the Endless Void » vous saisit d’emblée.  Il y a cette claque que vous colle immédiatement « Mutation/Transformation », le premier titre haché de guitares nerveuses. Riff obsessionnel, rythmique pachydermique pile au bon endroit et mélodie euphorisante… Rien que cette introduction vaut à elle seule l’achat du disque. C’est une véritable leçon d’écriture rappelant à tous ceux qui avait oublié ce que désigne leur blase : la galette regorge de morceaux infaillibles de type rouleau-compresseur écrasant absolument tout sur son passage.

Chacun reconnait Dozer et pourtant quelque chose a changé. Ce disque nous interpelle par quelque chose de plus vaste qu’un simple sentiment de familiarité : un prisme d’émotions à l’ampleur et au souffle démesuré. Bien sûr la production sachant flatter l’oreille y est pour quelque chose. Mais on aurait tort de limiter la qualité de ce disque à des bidouillages de studio. « Drifting in the Endless Void » bouillonne de riffs dantesques, de grooves brutaux, de mélodies accrocheuses et d’un sens de la dramaturgie le temps d’une chanson. Cet alliage au son ultime, allez, osons le mot, trouve son sommet avec les mastodontes « Mutation/Transformation », « Ex-Human, Now Beast », « Dust For Blood », ruades musculeuses, infernales et définitives. Partout néanmoins, les mélodies impériales abondent sans jamais sacrifier à l’immédiateté (« No Quarter Expected, No Quarter Given », « Run, Mortals, Run! »).

La paire issue de Greenleaf y est sans doute pour beaucoup dans cette architecture sonore. La pulsation frénétique de Sebastian Olssen y est sidérante de puissance et de précision. Son jeu est de l’ordre de la frappe militaire chirurgicale. Tommi Holappa rivalise en sculptant à la hache des riffs simples mais vertigineux.

Comme pour Lowrider, il faut voir dans ce retour l’envie de faire mieux que tout ce qu’ils avaient déjà entrepris comme seule et unique motivation. À quoi bon sinon ? Ces quatre-là désormais, réunis sous la bannière Dozer, signent un nouveau parangon stoner et « Drifting in the Endless Void » en est la nouvelle icône.

ARTISTE : Dozer
ALBUM : Drifting in the Endless Void
LABEL : Blues Funeral Recordings
DATE : 21 avril 2023
GENRE : Stoner rock
MORE : FacebookBandcamp

Last modified: 13 avril 2023