Vendredi soir pluvieux sur la ville rose. Vus les groupes que je m’apprête à voir ce soir, c’est une météo appropriée! Car dans le moderne et post industriel écrin du Metronum de Toulouse c’est soirée pessimisme, noirceur et fin du monde. Candélabre, Deathbell pour la release party de leur nouvel album et, notre tête d’affiche, Aluk Todolo. De l’occult rock, du revival doom, de la cold wave sombre et de la noise nihiliste et poétique, sacré programme. (PHOTOS : 50 nuances de Greg)
Arrivé sur place peu avant que Candélabre ne débarque sur scène, on constate que ce soir, la salle ne sera pas comble mais les courageux qui ont fait le déplacement sont suffisants pour donner du corps à cette programmation et ont tous l’air heureux d’être là. Il y a presque trop de sourires pour un programme si sombre! Le trio Candélabre arrive donc sur scène avec sa trance new wave occult. Pensez boîte à rythme, voix hypnotique et haut perchée, réverbée à outrance, pas de danse saccadés et nappes de guitares et synthés froides comme une douche du matin quand la chaudière vient de te lâcher. Après une longue entrée en matière, c’est la basse qui s’intègre au tout et c’est tout de suite un autre monde! Malgré le côté un peu trop The Cure de l’ensemble on se laisse vite embarquer.
Côté scénique, c’est la chanteuse Cindy qui tient la baraque. Comment vous résumer tout ça? C’est un peu comme si les mecs de Depeche Mode avaient avalé une sirène fan de Siouxie et l’avaient embarquée dans un tourbillon de bad trip et de déhanchés surjoués. Moi qui d’habitude supporte mal ce type d’imagerie et de son, j’avoue m’être laissé porté jusqu’à ce qui m’a semblé être un entrepôt froid de la banlieue de Newcastle. A noter une scénographie travaillée, peut être sponsorisée Interflora mais pas dénuée d’impact visuel et d’intérêt.
Après un set très bien dosé et ne s’éternisant pas, c’est au tour de Deathbell de nous jouer leur dernier album en intégralité. L’exercice est difficile tant la tracklist d’un album peut ne pas s’adapter à un set live mais c’est ici plutôt réussi. Le quintet entre en scène en avance, dans une ambiance intimiste à grands renforts de chandeliers et de mannequins macabres (jolie alliteration). J’entends mon voisin dire à une adoratrice présente pour soutenir les locaux « c’est un sacré joint que vous fumez là, ou alors c’est un porte cigarette? », Réponse : « non c’est juste un bâtonnet d’encens ». Je croise quelques regards subjugués par ce surréaliste échange.
Sur scène, le chant est en retrait, perdu dans un spectre sonore surchargé. On apprend vite que la chanteuse Lauren souffre d’une légère extinction de voix. Qu’à cela ne tienne, les guitares prennent le relais. Par moments légèrement dissonantes, elles viennent donner un côté quasi Velvet Underground à ce revival doom récitant son Coven / Blue Pills. A mon sens un peu trop convenu pour titiller mon oreille, tout cela reste parfaitement maîtrisé et, au fur et à mesure du set, les défauts du mix sont corrigés pour plus de clarté, d’équilibre et de puissance. Les leads de guitares sont plus assurées et plus percutantes, la basse plus présente. Un finish revival doom 70’s du plus bel effet sera de loin le passage le plus mémorable du set et c’est toujours important de finir en beauté.
Changement de plateau et gros changement d’ambiance avec Aluk Todolo. Le post métal avant l’heure des grenoblois et tous leurs concepts hypnotiques mais précis viennent cueillir par surprise une audience désorientée. Une seule ampoule pour éclairage, des amplis qui sifflent et un guitariste au regard noir comme ses fringues.C’est parti pour une bonne heure de jams bruitistes, de mélodies perdues dans les très fonds lancinants et captivants de ces larsens, entre expérimentation shoegaze et opéra noisy.
La batterie presque punk, toujours en avant du temps ajoute un sentiment d’urgence qui sied parfaitement à l’ensemble. La basse hyper travaillée et claire contraste avec cette guitare sombre et tout en dissonance. Les minutes paraissent des heures et pour autant j’ai le sentiment que ce set n’a duré qu’un quart d’heure. Alors que je quitte la salle, un sentiment ambivalent me déchire. Je viens d’assister à une expérience sonore et visuelle unique dont je n’ai pas saisi toute la portée ou toutes les nuances. Oui, j’aurais aimé qu’un riff, qu’une mélopée vienne ponctuer le concert et me réconforter. Mais n’est-ce pas ce jusqu’au boutisme qui rend la chose si marquante?
Il pleut toujours dehors. Quelques goths tirent la grimace histoire de rester dans le personnage. Moi je souris car la soirée sera gravée dans nos mémoires pour un bon bout de temps.
Last modified: 12 mars 2022