C’est à l’aveuglette totale que je pars ce soir au Void pour ma première Make It Sabbathy de l’année, et même la première depuis plus d’un an. Et bon sang, ça avait manqué à mes tympans ! Non pas que cette soirée s’annonçait lourde, bien au contraire… Quoi de mieux qu’un peu de psychédélisme avec ECSTATIC VISION et YETI LANE pour finir la semaine et un dur week-end avant de retourner pour moi à la capitale ? (ILLUSTRATION : Razort)
Ce soir, le Void est vraiment… vide. Les gens tardent à arriver lorsque commencent les hostilités. Après les avoir croisé dans les loges, je retrouve le duo YETI LANE sur la petite scène du 58 rue du Mirail, au milieu d’une armée de machines, pédales d’effets et câbles en tout genre. Sans rire, on pourrait estimer le poids de tout ce matériel à environ 4 fois leur propre poids. Quant au son, il nous enveloppe très progressivement de douceur, de fréquences étranges sortant par exemple d’un jack branché à une pédale, elle-même branchée à un ampli, lui-même branché à un autre ampli… Je ne comprends strictement rien à cette disposition, mais le résultat est là : une sorte de krautrock imbibé de fuzz, mené par un batteur/bidouilleur de claviers et un guitariste chanteur/trifouilleur de pédales d’effets, qui me font penser directement à Dead Meadow en plus électronique. Chant lointain, rythmes lents et entraînants, solo à rallonge… Tout y est, et peu à peu les titres deviennent plus vivants, plus rythmés, commencent à doucement faire bouger les corps timides d’un public qui afflue et semble se rapprocher jusqu’à la fin.
Après avoir aidé le groupe à débarrasser quelques uns des éléments de cette scène surchargée et fait une pause, les américains d’ECSTATIC VISION débarquent et entament sans préambule leur set. J’arrive durant le deuxième titre, et bien que le son ne soit pas aussi fort que ce que j’imaginais, l’ambiance est d’emblée au rendez-vous. C’est énergique et efficacement éclairé (chose rare au Void, qui ne comprend pas réellement de lumières exceptés quelques spots fixes). Stroboscopes multicolores adaptés aux rythmes plus ou moins rapides des morceaux, chemises, chapeaux et coupes vintages, sans parler des sonorités space rock qui s’abattent sur nos têtes d’innocents… Le public se rapproche et se densifie peu à peu, l’ambiance chauffe comparé au début de soirée plus frais et calme. Les musiciens semblent totalement se ficher qu’on soit dimanche et sont là pour réveiller l’assistance avec leur bande de cinq joyeux lurons très éclectiques et pourtant tout à fait homogènes. Je n’ai jamais vu un batteur à la fois aussi concentré, fixant un point mort pendant plusieurs minutes, et à la fois aussi souriant, à tel point qu’il transmet à lui tout seul une joie de vivre débordante et nous fait décrocher aisément un sourire incontrôlable. De même que l’immense chanteur qui hypnotise par son charisme, sa chemise à motifs psychédéliques, et sa tresse s’agitant au gré des notes. Sa voix bourrue rappelant vaguement celle de Matt Pike (de même que sa moustache) hurle dans un petit mégaphone de temps en temps lorsqu’il ne charme pas avec des solos de guitare blindés de reverb et de fuzz le premier rang, presque exclusivement féminin. Le chaman cowboy saxophiniste (et joueur de flûte traversière) semble perdu dans une autre dimension spirituelle, tout aussi enjoué que le batteur, et n’hésite pas à aller se promener dans la fosse pour nous faire profiter de ses sonorités tordues et cuivrées qui rendent les compositions encore plus folles qu’elles ne le sont déjà. Enfin, le bassiste (tout frisé, aux favoris apparents et arborant un très beau t-shirt Uncle Acid) est une espèce de machine enchaînant les accords avec une facilité déconcertante, me laissant juste scotché.
Bientôt ma tête ne tient plus au même titre que celles du public, visiblement conquis et ravi d’avoir finalement fait le déplacement. Je suis transporté dans une sorte de désert, en plein milieu du Nevada, où animaux sauvages volent dans un ciel fait de fumées colorées et d’étoiles clignotant frénétiquement. Un show blindé de sex appeal, de couleurs, de chaleur, et qui a totalement dégrisé le corps et l’esprit des courageuses personnes présentes ce soir et qui en redemandent lorsque le dernier titre est joué (en montrant leurs fesses pour certaines !). L’occasion de nous achever avec un classique au moment même où je donne mes impressions à un collègue de l’asso : ces types sont des sortes de Hawkwind modernes et américains. Et pile à ce moment résonnent dans le lointain Void les notes de « Master of The Universe ». Je ne vous explique pas les frissons de pouvoir entendre ce morceau à un moins du Hellfest (et donc du show très attendu pour ma part des anglais sous la Valley). L’occasion de prendre de l’avance sur le festival et s’éclater durant encore 5 minutes avant de retourner à la réalité quant à elle beaucoup moins colorée.
Les absents auront encore une fois tort, nous le savons tous… Une bien belle façon de finir sa semaine, malgré la fatigue et le calme qui règne dans les rues de Bordeaux l’été. On se donne rendez-vous mercredi 7 juin prochain pour un nouveau chapitre de psychédélisme avec Yawning Man et Birdstone, toujours au Void !
Last modified: 27 février 2018