HELLFEST 2016 Le Report – Jour 2

Written by Live

Après un vendredi où riffs occultes sous-accordés ont côtoyé power-violence punk et black metal et combos rock et metal des plus festifs, comme pour nous rappeler que le HELLFEST est bien le seul endroit sur Terre où musiques extrêmes et esprit bon enfant ne font qu’un… Le samedi est une fois encore LE point d’orgue du Hellfest, avec un feu d’artifice sans équivalent, de belles surprises, et une ou deux performances qui finiront dans notre top 3 de cette édition 2016. On vous laisse découvrir quoi… (TEXTE : Beeho & Razort / PHOTOS : Sylvain Golvet & Gaël Mathieu)

Mais avant de commencer cette deuxième journée sous un climat relativement agréable (on voit de quel côté sont les Dieux du Metal – pas vrai, le Download ?), une petite topographie de notre sainte Valley s’impose.

Cartographie_Valley_Hellfest_4D

Encore une fois, la file d’attente à l’entrée m’aura fait manquer une bonne partie du court set des lillois de THE LUMBERJACK FEEDBACK. Avec leurs deux batteries aux grosses caisses lumineuses et leurs compos instrumentales, j’ai l’impression de me retrouver devant une version 2.0 et moins connue de Bongripper (j’ai encore ce souvenir tout chaud de leur première date française au Ferrailleur fin mai). Je me console en me disant qu’on aura très certainement l’occasion de les revoir prochainement en salle, avant d’enchaîner sur une de mes grosses attentes de la journée sur la Mainstage 2…

Le temps de retrouver des collègues et de traverser tout le site, que les belges STEAK NUMBER EIGHT ont déjà entamé les hostilités avec leur génial titre « Dickhead ». Pour ceux qui auraient déjà vu le clip, vous connaissez le côté décalé du groupe. Eh bien sur scène, même histoire : le chanteur guitariste, un fou furieux à deux doigts de la crise de schizophrénie et arborant un t-shirt aux motifs psilocybesques, dévore son micro à pleine dents lorsque celui-ci tombe du pied à chaque morceau, et grimpe même sur le dos du roadie qui vient l’aider à le refixer. Imaginez un accordage très bas aux sonorités djent, un groove typiquement stoner, et des mélodies à la fois mélancoliques et oniriques, dignes d’une formation de death mélo finlandaise ou de post-core suédois. Du miel pour les oreilles afin d’entamer cette belle journée, qui sera presque exclusivement sous le signe de la Valley pour ma part.

Rarement on a pu entendre de fréquences aussi basses que celles du quatuor doom parisien HANGMAN’S CHAIR qui viennent de débarquer sur la scène de la Valley en balançant sans prévenir l’excellent « Dripping Low ». La suite du set sera entièrement composée de titres du dernier album, s’enchaînant à la perfection sous une chape de plomb auditive pleine de noirceur et de tristesse… Pourtant, on sent que les musiciens sont heureux d’être là, devant un public qui les attendait visiblement de pied ferme, pour souffrir avec plaisir devant leurs lourds amplis à l’effigie de la menaçante guillotine rose qui orne leur dernier opus. Un son excellent comme on a pu l’entendre à Bordeaux en début d’année, avec ses guitares dissonantes, le chant clair limpide et maîtrisé à la perfection, et cette basse nom de Dieu… Lorsque le silence revient, on rouvre les yeux, sonnés, mais sous le charme. Les français ont réussi à se faire respecter et déposent les instruments sous les acclamations.

Après avoir erré près du Temple pour me moquer du black metal un peu surjoué de Myrkur (bien que pas mauvais musicalement), on renoue avec le groove pur et simple des américains de CROBOT, qui rassemblent une des plus grosses foules de la journée de la Valley. Chemisettes vintages, cheveux dégoulinant de sueur, basse remontée jusqu’aux épaules, un son hyper rock qui en réveille plus d’un… Je m’écroule cependant au sol tout en continuant à profiter du concert et du groupe que je découvre seulement. Mes forces retrouvées, je m’aventure doucement dans une forêt d’arbres noirs chevelus qui attendent en silence un monstre trop rare sur nos terres : DARK FORTRESS. La formation allemande passe enfin en terre clissonnaise pour assener son black metal terrifiant et morbide. Malheureusement, je ne reconnais que peu de titres des anciens albums, dont certains sont assez peu identifiables. Je recule un peu pour mieux profiter du son, lorsque le set se finit par le classique « Baphomet » et son black’n’roll qui réveillent la fosse entière. Dommage qu’ils ne l’aient pas envoyé dès le début pour réveiller le public, encore léthargique en ce samedi matin.

MANTAR. Encore un groupe que je ne connais que trop peu, mais qui m’a convaincu de me farcir la discographie en rentrant du fest. Un duo guitare/batterie mis face à face dans une sorte de combat de qui a la plus grosse et criera le plus fort sur l’autre, ça donne évidemment un gros son (un peu difficile de s’habituer à la guitare seule au début, mais l’accoutumance est rapide), une grosse prestation, et le public de se laisser prendre au jeu de ces Laurel & Hardy du doom-black-punk débordant d’énergie. – Razort

Après avoir eu un avant-goût de la nouvelle Warzone lors de Kvelertak la veille, je décide de faire d’une pierre deux coups en allant écouter les légendes du punk britannique DISCHARGE – à savoir, LE quatuor qui a enfanté la plupart des groupes thrash et hardcore des 80’s/90’s – tout en explorant les alentours. La scène dédiée au punk et hardcore est (re)devenue un véritable fest dans le fest, avec une entrée réaménagée, son immense bar-terrasse surplombant la fosse, et bien sûr, la statue de Lemmy veillant au grain. Alors que les Anglais envoient leurs titres façon coup de poing devant une fosse survoltée, le temps se couvre brutalement, comme pour aller avec l’ambiance de révolte qui règne ici-bas. Après avoir traversé une telle tempête, c’est un peu compliqué pour moi d’apprécier pleinement le set de TORCHE sous la Valley. Non seulement le son ne rend pas justice à leur sludge rock de qualité supérieure, mais cette tente bondée de gens qui n’ont pas l’air de trop savoir pourquoi ils sont là rend l’expérience encore moins convaincante. Heureusement il y a l’écran géant, qui me permet de voir à quel point ces mecs sont classieux, même quand ils balancent les riffs les plus gras de la terre.

Mon prochain concert est déterminé par un tirage de courte-paille mental : le all-star band doom With The Dead ? Les 30 ans de Sick Of It All sur la Mainstage ? Ou le death valeur sûre d’Entombed AD ? La proximité, le soleil culminant, et la bonhomie de Lou Koller me poussent à aller faire du moulinet devant la Mainstage avec les Ricains de SICK OF IT ALL. Premier groupe de la journée avec un frontman qui en impose vraiment, et réussit à cultiver une ambiance bonne enfant devant un public pas forcément coreux de base. J’avoue que si on m’avait dit que je verrais les New-Yorkais jouer pendant que des mecs font de la tyrolienne à moitié à poil au dessus de la foule, et Koller dire « don’t hurt the purple cow » en parlant d’un mec déguisé dans la fosse, j’aurais rigolay. Aucun regret ! Beeho

On reprend les hostilités avec les gros méchants du jour, ceux qui vont réveiller les morts et faire trembler la terre de ce territoire de plus en plus enfumé : WITH THE DEAD. Un ami (non fumeur) se tourne vers moi et me dit « ça fume tellement que j’ai les yeux qui brûlent… », à quoi je réponds « t’es défoncé, bienvenue sous la Valley ! ». Le son est écrasant, comme on pouvait s’y attendre, même si je trouve que le chant est trop noyé dans ces vapeurs de basses et de distorsion, les musiciens tout de noir vêtus semblent donner une véritable messe du Doom dans une immobilité totale et envoûtante. Je me perds dans des réflexions bizarres tout en me laissant bercer par leurs mélodies glauques…

Une petite pause le temps de coucher par écrits mes réflexions inspirées par la musique des anglais, et c’est une nouvelle entité sombre qui prend le relais sur scène : GOATSNAKE. Le guitariste sur la gauche me rappelle quelqu’un… Après renseignement, j’apprends qu’il s’agit de Greg Anderson de Sunn O))). Ceci explique cela : des amplis de la marque absolument partout sur scène, un son de Gibson si lourd qu’il prend le pas sur la basse, dégoulinant de grésillements en tout genre… On croirait entendre la formation drone avec une batterie, plus de riffs, un chant un peu classique mais efficace, et des compos qui restent en tête. Une belle découverte qui laisse des traces dans l’oreille interne, et qui s’ajoute à ma liste de trucs à écouter au retour ! – Razort

Alors que je me dirige nonchalamment vers la Valley – après être restée quinze secondes chrono devant les vieillissants Bad Religion et être passée devant Within-par-pitié-achevez-la-Temptation – un gars avec un fort accent américain m’interpelle : « y’going to HERMANO ? ». Le mec s’appelle Curtis, ressemble à Seasick Steve et est fan de stoner. Il me fera don d’au moins la moitié de son pichet et s’extasiera sur le génie de John Garcia. Et il aura raison, parce que non seulement Johnny est dans une forme ébouriffante ce soir, mais le groupe le plus sous-estimé de la planète desert rock est en train de FOUTRE LE FEU À LA FUCKING VALLEY. Depuis le milieu de la fosse, j’ai la vue d’une foule qui sautille et se catapulte dans tous les sens comme des billes dans un flipper, et celle d’un groupe qui ne recule devant aucune occasion d’exploser les quotas de groove et de swagg de la journée. Une des meilleures ambiances qu’on ait connues sous la Valley depuis sa création, un rêve qui devient réalité. On n’a plus qu’à souhaiter que l’émulation de ce show incroyable leur donne envie de remettre le groupe en route (mais mon petit doigt me dit que c’est déjà le cas, shhhhhhhh)… – Beeho

Un backdrop à l’effigie de l’album King of the Road, des guitares en acrylique transparent, de longs cheveux blonds s’agitant dans l’air, FU MANCHU attaquent direct par « Hell On Wheels », les nuques se décrochent et les gens n’ont même pas le temps de réaliser où ils sont. Tout le monde est possédé par le son incroyable des Californiens, ça slamme non-stop dans une joie de vivre palpable, les classiques s’enchaînent avec une énergie aussi folle que la fosse (probablement aidée par quelques litres de bières et autres herbes aromatiques). Et seigneur, cette reprise de « Godzilla » de Blue Oyster Cult… Et ce final sur « King of the Road »… De quoi bien se réveiller pour la nuit ! – Razort

Quand tu penses que le concert a atteint son apogée de cool, eh bien le groupe chamboule tes émotions et rempile sur un morceau encore plus cool. Avec leurs grooves du desert, FU MANCHU nous rincent en mode feel good, ce genre de moment de béatitude mêlée d’excitation sans pareil où ton cerveau s’éclaire toutes les trente secondes d’un « damn, c’est vraiment le groupe le plus génial de la terre ». Tu ne les quittes pas des yeux, tu admires Bob Balch taper ses solos avec un feeling de demi-dieu, et tu prends conscience que t’es un putain de chanceux d’être là, devant les légendes du fuzz rock à roulettes… Bon sang, LA grosse claque du week-end, LE souvenir impérissable de ce Hellfest 2016 ! – Beeho

Hellfest 2016_Twisted Sister_Samedi

Direction l’hommage à Lemmy. Quelques titres sont diffusés sur les enceintes, mais malheureusement le son est extrêmement faible. Nous nous rapprochons tant bien que mal, mais les gens semblent attendre le concert de Korn plus qu’autre chose. Nous sommes les seuls à chanter par coeur les classiques du groupe légendaire. Nous nous rapprochons encore pendant que Phil Campbell, présent sur la Mainstage 1, rend hommage à son ancien collègue et ami de longue date décédé il y a 6 mois déjà, et ça fait du bien de l’entendre (il était absent aux funérailles en janvier dernier). Une vidéo du (triste) concert au Hellfest 2015 est diffusée, avec un son toujours aussi minable et un public apathique, regardant bêtement les écrans, une pinte de Kro tiède à la main. Un gros feu d’artifice est lâché, avec pour bouquet final « RIP LEMMY » en toutes lettres dans le ciel. Korn commencent à jouer tout de suite après, alors nous fuyons sur le camping pour descendre une bouteille de Jack et rendre réellement hommage à Lemmy, comme il l’aurait probablement souhaité : en foutant de bordel et en hurlant jusqu’à 6h du matin. Le réveil sera très dur… – Razort

Last modified: 1 septembre 2016