DESERTFEST BERLIN 2016 Report – Jour 3

Written by Live

Troisième et dernier jour au DESERTFEST BERLIN. Tandis que la plupart des festivals auxquels j’ai assisté sont inconfortables par nature, presque par dessein, celui-ci commence à m’aller comme une bonne vieille pantoufle. Ça va être dur de quitter Berlin, mais il lui en reste suffisamment sous le coude pour que l’on puisse se quitter sans regrets. (PHOTOS : Jens Wassmuth)

DESERT STORM ouvre les hostilités avec un stoner rock frontal et sans fioritures. Le chant growl me tient à l’écart, et le reste manque du groove ou de l’originalité nécessaire pour compenser. Si tôt dans la journée, je ne suis pas tout à fait prêt pour cette occupation brutale de mon espace sonore – et je commence à imaginer ce que la vraie opération Desert Storm a dû être du point de vue des envahis. Au tour de BLACK PUSSY sur la grande scène, ceux-par-qui-le-scandale-arrive du fait d’une appellation pour le moins inhabituelle (d’aucuns diraient « insultante »). La musique en elle-même semble moins prêter à controverse – du bon vieux vintage rock avec des accents du son desert Californien – et, pour tout dire, on s’ennuie même un peu.

Le trio foldingue de Philadelphie, STINKING LIZAVETA, prouve qu’un nom qui accroche le regard ne vaut rien, si la musique n’accroche pas l’oreille derrière. Heureusement, ces gars-là ont les deux et vingt ans sur les routes n’ont en aucun cas émoussé leur plaisir de la scène. Propulsé par une énergie irrésistible, leur « doom jazz » est délicieusement bizarre. Et cette batteuse aux cheveux bleus a une sacrée frappe ! On passe à une atmosphère plus relax avec les Suédois d’ASTEROID, de retour sur les planches après une parenthèse de deux ans. On m’a dit beaucoup de bien de leurs ambiances bluesy et psychédélique sur disque (« c’est Asteroiiiiiid, quoi ! »), mais la performance live du trio est peut-être un peu trop relax. Les impros sont loin d’être impeccables, leur interaction avec la foule se fait loin des micros (tant pis pour ceux qui ne sont pas aux cinq premiers rangs), résultat : la grande scène semble un peu grande pour eux. Cela reste quand même une introduction plaisante à leur musique.

On peut compter sur les très énervés KALEIDOBOLT pour donner au Fest le shot d’adrénaline dont il a besoin. Quand des types se sortent honorablement d’une reprise de « Moby Dick » du Zeppelin, ça en dit long sur la puissance qu’ils peuvent dégager en tant que groupe… et la solidité de leur batteur. La prochaine fois, si vous partez pour les contrées scandinaves en quête de rock rétro de haut vol, ne faites pas l’impasse sur la Finlande ! Et, si d’aventure vous parcouriez le Midwest pour y chercher du bon son gorgé de blues et de fuzz, je recommande un arrêt à Fargo, dans le Dakota du Nord – l’improbable QG de mes chouchous d’EGYPT. Je pourrais essayer de résumer (maladroitement) leur musique à l’aide de mots, mais un peu plus tard ce jour-là, leur guitariste Neal Stein m’a ôté ce fardeau des mains durant notre interview. Retenez simplement que sur scène, Egypt livre toute la lourdeur, le sens mélodique et la sincérité que tant d’entre nous adorent sur disque – et un peu de rab en prime.

Berlin est désormais mûr pour faire un triomphe à ROTOR, « vieilles » gloires locales du rock progressif et instrumental, ici chez eux pour promouvoir leur dernier-né Fünf. L’album a été largement salué comme le plus lourd et le plus inspiré qu’ils n’aient jamais sorti – ce qui, après 18 ans d’existence, est une vraie leçon d’endurance artistique. Leur exécution live des nombreuses pépites de l’album (plus quelques classiques comme « Costa Verde ») n’est peut-être pas sans défaut, mais la qualité supérieure de leurs compositions laisse de la place pour une petite marge d’erreur. Ma deuxième plus grosse claque après Elder (j’ai pris l’habitude de tendre l’autre joue), mais cette fois, pas le temps de se remettre de ses émotions : c’est l’heure d’aller interviewer Egypt ! À mon retour, la salle du Foyer est blindée comme jamais – des gens serrés jusqu’aux toilettes et aux portes de sortie dans l’espoir de rester à portée d’oreille de GREENLEAF. Mes chances de parvenir, à la force des coudes, jusqu’à une bonne place étant proches de zéro, et ayant déjà consacré à ces super Suédois quelques paragraphes sur ce blog, je décide de laisser d’autres que moi s’amuser comme des petits fous !

Je reviens entre les murs de la Kulturhaus pour une dernière danse, sans vraiment savoir à quoi m’attendre. Malgré quelques années passées au sein de la scène stoner/doom, je n’ai encore jamais croisé le chemin de cette drôle de bestiole nommée CROWBAR, qui rôde du côté de la Nouvelle Orléans ; nos brèves rencontres sur disque m’avaient laissé assez circonspect. Bien vite, la puissance brute de leur performance fait voler mes doutes en éclats. Le contraste est saisissant entre la douleur profonde qui émane de cette musique, et l’évident bonheur qu’éprouve Kirk Windstein à se trouver là, après 9 heures (!) passées à la douane et de nombreux kilomètres parcourus à tombeau ouvert pour les rattraper. Ah, mes amis, cette noirceur ! Tellement profonde qu’elle en devient de l’art. Ça, c’est le pouvoir antique du blues : le meilleur exutoire jamais inventé pour l’angoisse et le désespoir. Kirk grogne son mal-être pendant plus d’une heure, et nous en ressortons tous (lui y compris, je crois) avec un grand sourire. Ah, et puis, ce petit concours impromptu de la meilleure reprise de Led Zep qui durait depuis jeudi ? Crowbar vient d’y mettre fin. Désolé, les gars.

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Last modified: 24 mai 2016