DESERTFEST LONDON 2015 Report – Dimanche 26 Avril

Written by Live

Cette dernière journée au DESERTFEST LONDON quatrième du nom s’annonce l’une des plus heavy que le festival ait jamais connu. Trois noms suffiront à éveiller vos sens : Sleep, Acid King et Ufomammut. Et pendant que certains passeront la journée sous des auspices plus black et métallisant à l’Underworld et au Black Heart, nous nous prendrons une pure dérouillée à base de riffs rock musclés offerts par Karma To Burn, My Sleeping Karma, XII Boar and co, dans les antres du magique Koko et du Purple Turtle. (TEXTE : Thib et Beeho – PHOTOS : Gaël Mathieu)

MOANING CITIES @ PURPLE TURTLE

C’est dimanche, c’est le dernier jour, c’est folie, et pour l’occasion le Desertfest nous ouvre les portes de deux nouveaux temples du gras à deux pas l’un de l’autre : le PURPLE TURTLE, sympatoche club de 150 places tout confort, et le KOKO, ce lieu époustouflant qui mériterait d’avoir son nom à l’affiche parmi les groupes tellement il bute, mais j’y reviendrai. On entre dans le premier, encore un peu aéré, pour assister au show des Belges de MOANING CITIES, un quatuor mixte qui démarre son showdans un trip 60’s plus-hippie-tu-meurs, un peu comme les Rennais de Sudden Death Of Stars ou les Ricains de Comet Control. Rock pépère, voix apathique voire fatiguée, influences psyché à la Black Angels et toute la clique du revival des années LSD… Après un début de set complètement mou, tout change lorsque le joueur de sitar se relève et empoigne une seconde gratte : le ton se durcit, la section rythmique se réveille et le show décolle pour atteindre des pics d’intensité bien kiffants. Le groove ouaté de MOANING CITIES se libère enfin et la contagion est immédiate, on danse comme des cobras hypnotisés devant leurs charmeurs et quand les Bruxellois explosent, on explose avec eux et on a plus qu’à changer de slip. Bravo !

AH QUE KOKO @ KOKO

La salle du KOKO mérite un laïus à elle seule, car elle m’a fait complètement zapper les premiers morceaux de My Sleeping Karma, occupé que j’étais à déambuler dans les couloirs et recoins de ce magnifique théâtre à l’italienne d’une capacité de 1400 personnes sur quatre niveaux. Tout n’est que balcons, terrasses, canapés en cuir, coins salons peinards, statues, bars élégants, murs rouges et lumières tamisées… En fait un gigantesque baisodrome avec trente mètres sous plafond et une énorme boule à facette accrochée tout en haut. C’te confort, une ambiance terrible, du vrai luxe pour nous autres pouilleux de rockers habitués aux caves à punk béton-gaffeur-chiottes qui débordent. Pour ne rien gâcher, le son y est limpide et puissant. J’aimerais qu’on répande mes cendres ici s’il vous plait, quand je serai mort à force de concerts géniaux. Thib

MY SLEEPING KARMA @ KOKO

Et en parlant de concerts géniaux, il n’y a pas meilleure entrée en matière que le set enfumé de MY SLEEPING KARMA, pour faire immersion dans l’antre royal du Koko. Comment vous dire… Le quatuor psyché allemand était tout bonnement FAIT pour le Koko. Dans une obscurité de monastère du stoner, les volutes instrumentales de MSK nous montent lentement mais sûrement au cerveau, tandis que les silhouettes presque herculéennes de Seppi (gratte) et Matte (basse) se balancent avec ferveur de droite à gauche, comme dévorées par le groove. MY SLEEPING KARMA au Koko, c’est une puissance renversante, sûrement le meilleur cadre sonore dans lequel le groupe a jamais eu la chance de jouer… Il n’est donc pas bien difficile d’être totalement hypnotisés (et je ne dis pas ça parce que certains font la sieste dans les sofas en velours de la salle). Les compos sont telles que je ne saurais vous dire si le groupe joue certains des morceaux de son nouvel album Moksha, quoiqu’il en soit, MSK remportent clairement l’adhésion de la foule desertfestienne (mais qui en doutait, franchement ?). Belle mise en bouche que cette spirale rock psyché made in Germany !

XII BOAR @ PURPLE TURTLE

Et histoire de faire un virage sonore à 90°C, on repart direction le trottoir d’en face, en évitant bien sûr de se faire écraser par les bus à impériale qui déboulent à fond du coin de la rue. Je sais que Thib l’a déjà dit, mais le Purple Turtle est un club est vraiment cool, bien plus chaleureux que l’Underworld (où nous ne mettrons pas les pieds de la journée, pour des raisons de flemme pratiques). Les locaux XII BOAR sont déjà en place quand j’arrive, et leur frontman Tommy Hardrocks est en train de faire la causette au public, comme quoi Brant Bjork c’était ‘achement bien hier soir, à tel point que les filles présentes en ont sûrement ruiné leurs sous-vêtements. Ambiance ! Il est maintenant temps de vriller total avec ces trois guerilleros du rock’n’roll qui, si ils n’avaient pas cet accent so British à couper au couteau, sembleraient tout droit venus du Tennessee. Musicalement, on est dans le rock bourru et couillu, pile poil à mi-chemin entre Motörhead et Clutch. Voix pleine de cailloux, morceaux qui butent (et groovent !), chant croisé avec le public : XII BOAR envoie du gras et chauffe bien une foule encore un peu trop endormie. Oh yeah ! — Beeho

KARMA TO BURN @ KOKO

QUEL CHOC ! Bien refroidi par la performance du groupe au Hellfest 2013 et ses skeuds qui se suivent et se ressemblent, c’est complètement à froid que KARMA TO BURN, pourtant un classique de chez classique, vient me péter la gueule au KOKO, double K.O… À l’origine pas prévu dans mon planning, c’est un peu à défaut d’autre chose que j’assiste au show de KTB alors que ce set est clairement LE set du fest : ultra couillu, conquérant, mené par un Will Mecum (gratte) impérial et un Evan Devine (batterie) déchaîné. À travers une setlist impeccable et implacable, le trio réaffirme la supériorité du mâle américain et l’inéluctabilité de la domination du fier peuple de McDonald’s sur le monde, ou ce que le combo Gibson/Marshall a fait de meilleur. Will Mecum, casquette vissée sur le crâne, est un showman de première sans en faire trop, il multiplie les pauses et tient le public dans sa poche. Le trio fonctionne parfaitement : tout respire la puissance, le show huilé à l’extrême et le rock’n’roll pur, avec un plaisir manifeste de pervertir de ses vibrations obscènes la classe mondaine du Koko. KARMA TO BURN, quand ça marche, ça marche fort.

178 - Desertfest London 2015 - Karma To Burn

ACID KING @ KOKO

OUCH ! La descente fait très mal avec ACID KING, un trio pourtant mythique pour tout amateur de sensations lourdes et enfumées. C’est tellement mouuuuuuuu, dépassionné, joué approximativement qu’on en oublie le côté introspectif de la musique de Lori & co pour aller se réfugier dehors et tenter de garder encore un peu vivante la magie du show de KTB qui s’estompe doucement dans nos crânes de junkies du gras. Évidemment pas mauvais en soi, ACID KING souffre trop du contraste avec le précédent show, les inverser sur l’affiche aurait été cool.

THE ORDER OF ISRAFEL @ PURPLE TURTLE

Rendu dehors, j’erre assommé parmi les têtes teintes et piercées, en enjambant les saoulards qui dorment à même le trottoir, et soudain j’ai soif. Je rentre au Purple Turtle (dont les bières sont accessibles), et tombe sur un club bondé, avec une concentration féminine particulièrement élevée au fur et à mesure que je progresse vers la scène. D’abord je n’y prête pas attention, et me faufile jusqu’au comptoir en écoutant THE ORDER OF ISRAFEL. Leur doom old school est sympa, dans une veine Candlemass, avec notamment au chant/gratte la gueule d’ange de Tom Sutton qui a joué quelques années avec Church Of Misery, voyez le trip. Les morceaux sont d’une pesanteur mortuaire, mais joués avec cette petite touch vintage et second degré qui rend le truc un peu marrant, la gestuelle du bassiste Patrik Andersson Winberg allant complètement dans ce sens, grandiloquent à souhait (pattes d’eph’ inclus).

À ce stade, je me dis : « tiens c’est marrant, ils sont tous en jeans dans ce groupe »… Et d’un coup je le vois, il est là, offert à nos yeux, dominant la foule, énorme : le paquet de Tom Sutton. Je comprends alors ce qui hypnotisait la foule, tout ce temps. Il est plus gros que le plus gros paquet que vous pourrez jamais commander sur Amazon. Je pense – après analyse croisée avec nos confrères de Pelecanus.net – que la force de ce groupe, c’est le denim serré, le pouvoir du jean. Les jeunes femmes/hommes ainsi hypnotisés n’ont d’autre choix que d’abdiquer aux vibrations sataniques des Suédois. Eros et Thanatos réunis sous la houlette du Grand Malin. Certains groupes misent sur un jeu de scène chiadé, des lumières, une promo choc, un côté hype… THE ORDER OF ISRAEL FALAFEL ISRAFEL laissent simplement parler la nature. Plus sérieusement, le show reste sans surprise, hormis une ou deux accélérations thrash old school et quelques solos particulièrement bien torchés par M. Sutton (cet homme à tout pour lui), pile-poil équilibrés entre shredding dosé, expressivité et cahier des charges doom à papa. Un bon moment tribute à Black Sabb’ sans prétention.

UFOMAMMUT @ KOKO

On s’attendait à du fat et on l’a eu… Pas forcément comme l’espérait UFOMAMMUT par contre. Avant le show, la pression monte au KOKO : un grand écran vidéo projetant des visuels psychés sépare la fosse de la scène, cachant les musiciens le temps du changement de plateau, tout le monde se masse devant la scène. Le rideau se lève lentement, les Italiens entament le show toutes guts dehors avec la volonté bien affichée d’en foutre plein la gueule et de clouer le show au fond du crâne de l’assistance pour des siècles et des siècles. Et là, l’énorme pédalier du gratteux Poia plante, tout simplement. Muet, niet, plus rien. Quelque chose, dans l’énorme enchevêtrement de câbles et de circuits, à choisi ce putain de moment pour foirer. Et là, un loooooooong silence s’ensuit, pendant lequel le pauvre guitariste se serait fait pas mal de cheveux blancs s’il avait des cheveux. Pas de jam basse/batterie pour meubler, pas de blague carambar au micro, juste ce looooong silence de dix minutes durant lequel le staff va tout faire pour rectifier le truc, encouragé par un public qui soutient à 200% le groupe (c’est beau).

Hop ! Problem solved, on passe à autre chose et zou ! UFOMAMMUT reprend le show avec une hargne décuplée. UFOMAMMUT est MASSIF (et si vous avez chopé le dernier LP Ecate, alors vous savez ce que massif veut dire), fidèle à son nom, à la fois cosmique et écrasant, et ce show est toute la démonstration de sa puissance. « Somnium » foiré, le groupe reprend sur « Plouton », deuxième titre de Ecate et ouch! Ça pique les vertèbres tant le son est lourd et fort. Même avec des bouchons moulés en silicone, je ressortirai de ce show avec des acouphènes tenaces et des couleurs devant les yeux. Le show qui s’ensuit est assez homogène, à part le break glauque et pervers de « Plouton », ce set sera tout en masse brute sur toile de fond psychédélique. Les cris d’Urlo (basse/chant) sont noyés dans la distorsion qui règne en maître, Vita (batterie) en impose, charismatique et mis en valeur par les lumières. Quand le ton se durcit, la longue crinière d’Urlo accompagne le headbang de la fosse dans de beaux moments de metal primitif et binaire.

Plus haut je parlais de couleurs devant les yeux : c’est à cause de ce headbang intensif, car le trio a le don de provoquer une transe profonde, particulièrement sur le dernier morceau du rappel, « God », rallongé facile de dix minutes sur un riff répétitif et bourrin à l’extrême avec mosh pit (à 40% féminin!) à l’appui. Après trois jours de fest, quelques litres de bière et des nuits courtes, inutile de résister. Deux minutes de plus et on tombait tous parterre les yeux révulsés et tout en convulsions, je vois bien les affiches du Ouest-France le lendemain dans la rue : « DESERTFEST : ILS TUENT LEUR PUBLIC AVEC DU DOOM ».

SLEEP @ KOKO

Le coup de grâce vient des maîtres du genre dans la salle ultime. Expérimenter SLEEP au KOKO, c’est un peu… Comment dire ? Un de ces instants Nutella que vous emporterez dans votre tombe. La sauce remonte, re-écran de cinoche qui descend, cette fois pour une bonne demi-heure avec comme fond sonore les communications radio d’Appolo 11 ou un truc comme ça. Ça discute manœuvres en terrain spatial, à l’image des visuels dont la section marketing du groupe nous abreuve depuis la reformation avec Jason Roeder de Neurosis à la batterie. Dans la salle, c’est une ambiance de dévotion difficile à décrire qui plane, l’attente est énorme et l’électricité qui agite l’air nous picotera l’échine tout au long du show massif du trio. Une heure trente de SLEEP, avec des slams, mouvements de foule et acclamations. Le ventripotent Matt Pike se régale – se nourrit-il de distorsion ? – Al Cisneros euh… joue de la basse, et Jason Roeder soutient le show de son jeu incroyable, à la fois constant, cool dans le feeling et tout en tension.

Si Ufomammut avait lancé toutes ses forces dans le décollage, SLEEP se charge de la mise sur orbite et de la sécurité du voyage interstellaire, avec la première partie de Dopesmoker pour commencer. L’intro pré-enregistrée de « The Clarity » prend le relai, sous les acclamations du public, seul nouveau morceau du groupe depuis… putain, presque vingt ans ! Ça va, les gars ? Pas trop dure la vie ? En enchaînant avec le cultissime « Dragonaut », les Américains savent ce qu’ils font : atomiser l’audience. SLEEP a beau être un classique du genre, un papa fondateur, ses shows font toujours l’évènement et constituent encore une expérience live parmi les plus radicales et exigeantes. Pas grand chose à redire, c’est la messe de clôture de ces trois jours et le Desertfest ne pouvait pas faire mieux pour terminer l’édition, avec un très beau moment de communion entre le public et le groupe, et un final en apothéose sur un autre chapitre de Dopesmoker, « Cultivator/Improved Morris ». Où suis-je ? Je vois mon corps en train d’headbanguer là en bas, suis-je mort ? Thib

STEAK & AFTERPARTY @ PURPLE TURTLE

Pendant que certains remontent alors la venteuse Camden High Street pour rallier le QG du Black Heart et son after 100% métal, je me faufile au Purple Turtle avant la fin de Sleep, histoire d’avoir une place de choix pour le show de clotûre, j’ai nommé STEAK. Et nous sommes plus nombreux que jamais à venir soutenir le groupe emblématique du fest, qui envoient un set énervé comme jamais, avec un featuring façon gladiateurs bourrés avec le gratteux de War Drum sur la moitié fin du set. Les taux de testostérone sont au max, trois slammeurs sont déjà passés par là, et nos rosbifs adorés nous gratifient alors d’un rappel sur ce « Fatso Forgotso (phase 2) » de Kyuss qui leur est cher.

(Photo : John White)

De minuit passées à trois heures du mat, c’est le DJ mascotte du Desertfest Londres qui prendra le relai, l’homme au masque de luchador mexicain, el Super Nacho : DJ HARRIS. Il y aura du « War Pigs » repris en choeur par l’assemblée, du Goatsnake pogoté sur la scène, du Slo Burn, du Orange Goblin… Bref, tout ce qu’on aime. Les danseurs vont vite s’imposer sur la piste du Purple Turtle, dans une ambiance clairement irrespirable, mais surtout très fraternelle. Et lorsque sonnera l’heure du couvre-feu, c’est sur un « Electric Worry » de grand malade que notre DJ préféré décidera de slammer du haut d’un ampli de 2m50 jusque dans les bras de festivaliers heureux de finir ce week-end en apothéose de fou. Il est 3 heures du matin et aucun de nous n’a vraiment envie de dormir, et tout le monde se dit « ça aurait bien mérité un quatrième jour »… Quel bonheur que cette édition 2015 ! — Beeho

(Photo : John White)

DESERTFEST, WE’LL BE BACK…

Qu’est-ce que le Desertfest au final ? Avant tout une communauté de passionnés liés par un héritage commun : pas mal de Black Sabbath, une grosse louchée de Kyuss, une adoration commune du dieu distorsion et un amour immodéré de la fumette. Des ingrédients simples comme une pub Herta, qui donnent une assemblée de gens cools, respectueux, souvent prêts à parcourir des milliers de bornes pour assister à ce genre d’événement. Que vous soyez de Caen ou Los Angeles, de Ceske Budejovice ou Istanbul, vous avez un langage commun avec tout le monde ici : le riff, la weed, l’ivresse d’une plongée astrale dans la chaleur des lampes d’un ampli Orange empilé sur un autre ampli Orange, empilé sur un autre ampli Orange, empilé sur un autre ampli Orange… Camden Town a beau être un écrin étrange à cette manifestation, les clubs qui y ont élu domicile ont véritablement une âme et les parcourir trois jours durant, immergé dans cette assemblée cosmopolite aux cheveux longs et t-shirts craignos, fut un authentique privilège. C’est donc le cœur lourd qu’on traîne notre valise dans la bouche fétide de la station de métro retour… Desertfest London, on reviendra. Thib

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Last modified: 11 juillet 2015