DOZER nous raconte son retour (salvateur) sur le devant de la scène.

Written by À la une, Interview

Quand on évoque la Suède, certains pensent immédiatement à ces énormes magasins remplis de mobilier bon marché aux noms imprononçables. Les autres, plus initiés, savent justement combler leur étagères Kallax avec des vinyles de Stoner Suédois©. Début des années 2000 (une éternité), inspirés par les odes à la défonce à la fois aériennes mais lourdes comme des enclumes de leur aînés américains, des gamins s’imaginent eux aussi jouer dans le désert de Mojave. Le stoner à la suédoise était né. Et on avait presque oublié ces mythiques Dozer, Lowrider, Greenleaf et Demon Cleaner tant les années passèrent. Il y a trois ans pourtant, Lowrider livrait le nouvel album référence, un disque étalon pour tout amateur de musique lourde et enfumée. En 2023, c’est au tour de Dozer d’emboiter le pas de leurs potes avec « Drifting in the Endless Void » et rappeler que ce sont bien eux les titulaires du brevet originel d’une fuzz à l’européenne. 

Hellfest 2023. Dimanche. 16h45. Nouvelle Valley. Dozer vient de pulvériser les tympans des aficionados de lourdeur et renvoyer dans le cosmos tous les spacelord motherfuckers. Pari réussi pour ces légendes sur le retour qu’on n’avait pas vu en France depuis …. 2014 au Hellfest. C’est dire si ce concert était immanquable. Et leur parole essentielle. Quelques encablures houblonnées supplémentaires, une explication sur le t-shirt porte-bonheur de Tommi, un enregistreur de fortune sur un mange-debout et un binôme de Dozer encore sonné par l’accueil clissonnais, nous étions fins prêts à décortiquer le retour stoner le plus improbable de 2023.

Quel est le meilleur album selon vous : « Chinese Democracy » de Guns N’ Roses, « Refractions » de Lowrider ou « Drifting in the Endless Void » de Dozer ?

Tommi Holappa (guitare) : Sans vouloir être égocentrique, je dirais l’album de Lowrider… Je l’adore, Peder a fait un travail incroyable dessus. Mais je sais que notre album est aussi très bon. Nous en sommes fiers.

Johan Rockner (basse) : Si tu peux citer Lowrider, alors je peux citer Dozer !

Plus c’est long, mieux c’est ? Vous avez pris du temps pour sortir ce nouvel album… Quinze ans !

Les deux : (sourit) Oui mais Lowrider a pris TRÈS longtemps !

Tommi : Dans notre monde, cinq heures équivaut à une heure dans l’univers de Lowrider… Habituellement, quand je termine un album pour Greenleaf ou Dozer, je rentre à la maison et m’occupe du mix, etc. Pour notre précédent album « Beyond Colossal », nous avons travaillé si dur, nous avons travaillé trop dur, j’ai eu besoin de faire un break. Et puis au bout de six mois, j’ai réalisé à quel point cet album était bon. Avec notre nouvel album en revanche, je me suis immédiatement senti fier, je me suis senti vraiment bien.

On a l’impression que « Drifting in the Endless Void » donne un nouveau souffle au genre stoner rock. C’est un véritable exercice de style, comme Lowrider a pu le faire fait il y a trois ans. Comment avez-vous procédé ? Y a-t-il une recette particulière ?

Tommi : La recette, c’est nous quatre dans la même pièce. Lorsque nous avons commencé à en discuter, on hésitait, on ne savait pas comment procéder. On a donc décidé de se retrouver dans une salle de répétition. Nous étions en janvier 2020 et je me disais : « Qu’est-ce que Dozer est devenu ? Qu’est-ce que je suis censé faire ? » J’ai parlé à Johan et je lui ai dit que nous ne serions certainement pas plus agressifs… Mon cerveau m’a foutu dans la merde.

Ça a du être difficile de ne pas faire une redite de ce qui a été fait il y a 15 ans.

Tommi : Nous avons eu environ deux répèts, c’était bien de jouer à nouveau dans une pièce ensemble, de jammer sur des idées. Et Fredrik a alors proposé « Missing 13 », la dernière chanson de l’album. Tout le monde était là : « Wow, c’est bien ! C’est frais ! « 

Johan : Si nous avions essayé de faire un nouvel album il y a cinq ans, tout aurait été différent car nous n’étions pas en phase les uns avec les autres. Là, c’était le bon moment pour tout le monde.

Tommi : En fin de compte, on doit remercier le Covid d’avoir eu tout ce temps pour faire de nouvelles choses. Personne n’était en tournée, personne ne faisait quelque chose d’intéressant…

Qu’est-ce qui vous a poussé à retourner en studio ?

Johan : Le Covid… (rires) Non, la question c’est plutôt : « Quel était le bon moment pour faire un nouvel album de Dozer ? » Nous aurions probablement écrit des morceaux de toute façon, mais nous n’étions pas d’humeur à « faire un album ».

Tommi : Tout a commencé bien avant le Covid…. Nous n’arrêtions pas de dire : « Peut-être devrions-nous faire quelque chose ? » Et c’était surtout le fait de Fredrik parce qu’il était dans ce truc de travail-famille-enfants, tu vois.

En parlant de Fredrik. Le monde entier sait maintenant qu’il est retourné sur les bancs de l’université, mais a-t-il réussi ? Ou est-il revenu à la musique juste pour devenir une putain de rockstar ?

Tommi : Oh oui. Il a un super boulot, trois enfants… Maintenant, il n’a que quelques jours de congés pour faire des concerts, alors tout doit être planifié. Cette année est déjà bookée, et l’année prochaine l’est quasiment aussi.

Il n’est donc pas revenu pour devenir une rockstar

Johan : Pendant les dix premières années de Dozer, il a tenté d’aller à l’université deux fois, mais nous étions en tournée tout le temps et il ne pouvait pas faire les deux.

Tommi : Et puis il s’est dit : « Il faut que j’arrête, je me fais vieux. J’ai besoin d’un diplôme. » Il avait 35 ans, je crois.

Johan : En 2013, c’était la première fois que nous jouions en live après tant d’années. Il n’était pas question d’écrire de nouveaux morceaux à l’époque, mais à chaque fois que nous nous retrouvions et que nous jouions toutes ces chansons en live… La question d’écrire s’est posée.

Tommi : Après avoir joué au Hellfest en 2014, j’ai prévenu les gars que si nous voulions recommencer à tourner, nous devions composer ! Je ne voulais pas refaire ça sans de nouvelles chansons ! Puis le Covid est arrivé.

Johan : À cette période, nous avons essayé de montrer que nous étions toujours actifs. Nous avons sorti l’EP « Vultures » et réédité nos trois premiers albums chez Heavy Psych Sounds, en plus de quelques concerts chaque année. En fait, nous sommes vraiment surpris de voir à quel point Dozer existe toujours dans l’esprit des gens. On peut le voir dans les trends Spotify : nous n’avons jamais vraiment disparu.

Allez, les gars… Vous êtes un groupe culte pour beaucoup de fans de stoner. Mais lorsque l’on revient après quinze ans d’absence, qu’a-t-on encore à dire ?

Tommi : J’ignore encore ce que le futur nous réserve, mais c’est tellement bon de faire quelque chose. Quand nous composons, enregistrons et sortons un album, c’est fun. Nous continuerons tant que nous aurons du plaisir à le faire. Nous écrirons probablement un autre album – le prochain en ce qui me concerne étant celui de Greenleaf – donc peut-être en 2025… (rires)

Y a-t-il un message derrière  » Drifting In The Endless Void  » ?

Johan : Je pense que son sens profond est que nous sommes sur Terre mais que nous ne prenons pas soin de notre planète. Maintenant, je suis plus âgé, j’ai des enfants, nous avons des enfants, et…

Tommi : À la fin de l’album, Fredrik s’excuse auprès de ses enfants.

Johan : « C’est l’endroit où l’on vit, ce n’est pas de ma faute. » Les humains sont des connards qui ne savent pas prendre soin de ce qu’ils reçoivent.

Tommi : Il dit quand même une chose : « Everything’s gonna be okay. » C’est la dernière parole du morceau de clotûre « Missing 13 ».

Johan : On y fait ce petit changement d’accord qui devient mineur à la fin de la chanson (ils chantent les dernières notes ensemble), pour qu’on ait le sentiment que tout n’est pas sombre.

Tommi : Fredrik voulait faire un album concept, mais il disait que ce serait trop de travail. La dernière mélodie sur « Missing 13 » est une idée que ma fille et moi avons eue. À la maison, elle a chanté quelque chose et c’était vraiment bien. Je l’ai fait écouter à Fredrik et il a réaliser que c’était la même tonalité que sa chanson… C’était l’outro parfaite. Fredrik était très heureux que ma fille ait été impliquée d’une manière ou d’une autre, car cela donnait beaucoup plus de sens au morceau.

Tommi, quelles sont les choses que tu te permets avec Dozer et que tu ne te permets pas avec Greenleaf ?

Tommi : Je pense que Greenleaf est un peu plus jammy et qu’on peut s’amuser un peu plus avec le public. Avec Dozer, on joue juste très fort et on tue tout le monde !

Quand tu as une idée pour une chanson ou un riff, comment sais-tu si ce sera pour Dozer ou Greenleaf ?

Tommi : C’est très simple. Quand je dois écrire pour un nouvel album de Greenleaf, je me concentre sur ce groupe. Même chose pour Dozer. Arvid (le chanteur de Greenleaf) a besoin de plus d’accords pour ses couplets. Fredrik n’a besoin que d’un accord et sort la meilleure mélodie qui soit, comme dans « Dust for Blood ». Arvid a besoin de quelques notes supplémentaires… Arvid est un chanteur d’opéra, plutôt de l’école rock 70’s comme Jim Morrison.

Êtes-vous conscients de la qualité de ce nouvel album ? Nous avons parlé de Lowrider et du niveau qu’ils ont atteint, et « Drifting in the Endless Void » s’en rapproche, ce qui est assez rare pour être souligné. Pour moi, le son stoner rock a quelque peu perdu ses origines, et des vétérans comme vous nous rappellent comment cette musique devrait sonner pour les vingt prochaines d’années.

Tommi : Je suis très heureux que tu dises ça, parce que c’est ce que nous voulions. Nous ne voulions pas faire la même chose encore et encore. Comme tu l’as dit, c’est censé être frais et je voulais que ça me plaise avant toute chose. Cela fait trente ans que j’écoute du stoner rock, et je voulais faire un truc fun et frais.

Johan : Mais nous n’avions pas besoin d’en parler ou de le planifier, c’est arrivé comme ça.

Retrouvez DOZER sur Bandcamp, Facebook et Instagram. Nouvel album « Drifting in the Endless Void » disponible maintenant chez Blues Funeral Recordings.

Last modified: 7 décembre 2023