Pourquoi le nouvel album de KVELERTAK divise définitivement les fans du groupe.

Written by À la une, Chronique

C’est quoi ce bazar ? Kvelertak, groupe à l’identité sonore et visuelle si marquée et à la carrière fulgurante, revient avec un cinquième opus de haute volée mais la hype semble très réduite chez les amateurs de gros son. Il est donc temps de se pencher sur cette sortie et pourquoi tant de fans du groupe semblent la bouder, fort injustement.

Petit retour en arrière, en 2011 Kvelertak débarque en défonçant toutes les portes. Bien avant que tous les groupes vaguement shoegaze s’y mettent, ce groupe assume des éléments de black metal (surtout au niveau du chant et des blast beats) avec une musique pourtant résolument accessible. La recette est déjà là : des riffs oscillant entre hard / heavy surchargé et un punk hardcore limite crossover bien assumé, des refrains ultra catchy scandés en norvégien pour l’exotisme, des solo de guitares harmonisés à 3 gratteux, épiques et intenses, comme du Maiden qui aurait oublié d’être kitsch et un rendu rock n’roll comme c’est pas permis. Rajoutez à cela des clips au top et une tête de hibou omniprésente comme symbole visuel, et vous avez là LE groupe émergeant que tant de metalleux attendaient.

Le tour de force, c’est l’album suivant, “Meir”, paru en 2013. Car non content d’avoir rallié des fans de punk hardcore, de black, de metal plus moderne, le groupe ajoute une corde ultime à son arc : il devient un groupe accessible aussi aux metalleux du dimanche, à ceux qui n’ont pas une culture metal suffisamment pointue pour reconnaître toutes les références. Bref, c’est un franc succès, bien aidé par la production colossale de Kurt Ballou et les graphismes signés John Baizley.

À ce moment-là, on pense Kvelertak sur les rails pour devenir LE groupe métal majeur de la décennie. Seulement les choses vont commencer à changer. En pleine crise de légitimité ou de mégalomanie, le combo sort “Nattesferd”, un album bien plus difficile d’accès et moins chargé en tubes. Un peu plus prog et très inspiré 80’s, il réjouit les puristes mais éloigne un peu le groupe des projecteurs du métal plus mainstream. Et cette première difficulté met à mal le combo. Successivement, leur chanteur et leur batteur s’en vont. Autrement dit : au revoir la caution black metal.

Remplaçant ces membres par des pointures, le groupe démontre sur scène qu’il est encore plus efficace qu’avant et malgré le Covid, le groupe fait parler de lui avec la sortie de l’excellent “Splid” en 2020. Sublimé par des guests de renom, cet album marque un véritable tournant pour le groupe. L’influence du métal extrême a disparu. Le groupe est assagi mais plus prog que jamais et compte sur le contraste d’un chant résolument punk pour séduire. Et c’est le premier problème. Si ça a clairement marché sur moi et sur une tranche de leur public fan de Mastodon, Baroness et la scène post sludge en général, ils ont perdu beaucoup de leurs fans initiaux.

Et voilà donc le décor planté, où va se diriger Kvelertak à l’heure du choix : affirmer sa nouvelle trajectoire ou tenter de reconquérir ses premiers fans ? Réponse avec “Endling”.


D’abord, il y a ce qui va rassurer tout le monde. Kvelertak reste Kvelertak. Les refrains aux allures d’hymnes sont toujours là et ce dès l’ouverture “Kroterveg Te Helvete” qui semble un gros clin d’œil dans sa construction à l’ouverture de “Meir” (le très bon “Apenbaring”). Le refrain très punk rock de “Mostols” a, de son côté, des airs de Die ärzte. 

Les gros riffs imbattables restent une constante comme sur l’incroyable “Likvoke”, rageur, puissant, la meilleure piste de l’album selon moi. Les leads de guitare typiques du groupe sont elles aussi présentes, notamment sur l’intro de “Endling”, et certains soli de guitare sont parmi les meilleurs du groupe, je pense particulièrement au titre de clôture “Morild” qui nous offre un Kvelertak plus sombre que jamais, presque torturé, sublimé tout du long par des leads somptueuses. Mieux, on retrouve une production de Kurt Ballou à la fois puissante mais plus subtile qu’à l’accoutumée, ce qui sied parfaitement aux nouveaux arrangements.

Parlons-en des arrangements car il y a ici du frais, du neuf, de l’imprévu. Si je vous parle de banjo sur le très surprenant et pourtant hyper lourd “Dogeniktens Kvad”, de cloches, de l’intro de “Svart September” et son orchestration chiadée à base de guitares acoustiques que je qualifierais de printanières malgré le nom du titre, vous seriez en droit de prendre peur. Et pourtant, ce n’est jamais too much, jamais gratuit ou forcé. Ces choix montrent simplement un groupe qui assume sa direction artistique, mais force est de constater qu’ils vont perdre certains auditeurs de la première heure. De même, le morceau “Skoggangr” avec ses airs quasi celtiques façon Irlandais expatriés à Boston va en dérouter plus d’un.

Et puis, cet album, comme les deux précédents, manque peut-être d’un ou deux tubes. Des titres plus courts et plus directs qui ont fait le succès des deux premiers albums.

C’est donc lorsque l’on énumère les qualité de “Endling”, lien concret et tangible entre les différentes productions de leur discographie mais assumant des choix forts, qu’on comprend pourquoi cet opus semble être un peu boudé. Pourtant, il est objectivement l’un des tous meilleurs albums du combo, le plus fin, le plus abouti et le plus travaillé à ce jour. À vous de voir si vous y trouverez les ingrédients qui vous ont fait aimer le groupe, de mon côté c’est indéniablement le cas.

Last modified: 6 novembre 2023