Desertfest London 2023 – Jour 3

Written by À la une, Live

Le réveil est difficile, la mine longue, les yeux à peine ouverts… mais hors de question de ne pas être à la hauteur de ce troisième jour du Desertfest Londres. On redresse la tête, on se tonifie avec une douche froide, on s’engage à attendre 14h00 pour la première mousse, bref : on est prêt pour une journée de clôture qui s’annonce riche en émotions ! (Photos : Tim Bugbee, Sam Huddleston, Jessy Lotti // Texte : Matt et Sofie Von Kelen)

Piccadilly Line : Passant par les plus grandes stations touristiques, elle se permet tout de même quelques détours surprises. Votre chauffeur s’appelle Matt et vous souhaite un très bon voyage.

Northern Line : C’est la ligne de l’underground et des découvertes mais elle dessert aussi quelques grands pôles, le temps d’une correspondance avec la Piccadilly Line. Ce train est piloté par Sofie qui vous recommande de bien vous accrocher. 

Piccadilly Line

Station Acid Mammoth

J’attaque ce dernier jour avec un groupe cher à mon cœur. Même si j’ai revu les Grecs il y a seulement quelques semaines, c’est toujours un plaisir. L’Underworld est archi plein malgré ce début d’après-midi ensoleillé. Le public est chaud comme la braise, le set est excellent même si les basses sont un peu trop présentes, rendant peu audibles les leads guitares. Malgré tout, le groupe assure et reste pendant de nombreuses minutes pour prendre des selfies et distribuer des câlins avec leurs très nombreux fans. Après le show, je me dirige vers le Roundhouse où je retrouve… Chris Babalis (guitare et chant) pour une interview sur la filiation, les pachydermes, les Gibson SG et ce qu’Acid Mammoth vous prépare pour la fin d’année. Affaire à suivre…

Station Nebula

Premier concert au Roundhouse pour moi, et il aura bien fallu Nebula pour m’inciter à venir dans ce simili Zenith un peu trop synthétique pour notre scène. Sous un soleil de plomb (même si pour Nebula c’est probablement un temps un peu palot), le groupe se donne à fond mais le public n’est pas assez nombreux pour ce qui est pourtant une énorme tête d’affiche. Malgré une bonne prestation, on sentira un peu de frustration chez le groupe et également chez les fans ne comprenant pas ce que font 500 Anglais sur la terrasse quand Nebula est dans la place.

Nebula – Photo : Jessy Lotti

Station Gnome

Depuis l’annonce de leur venue au festival, je savais que je verrais Gnome et que ce serait, à n’en pas douter un show qui diviserait les festivaliers. Ça n’a pas loupé. Dans un Underworld bondé et en furie, on se régale d’un set de haute volée, fun, hypnotique, prog, bourrin, travaillé mais aussi instinctif. Un moment particulièrement fort. Mais que voulez-vous, certains sont allergiques aux chapeaux pointus ou au second degré (sauf s’il vient de Red Fang ou Truckfighters bizarrement). Qu’on succombe à la hype ou non, le combo belge a absolument tout déchiré sur scène ! Un de mes highlights du weekend !

Station Morass of Molasses

Après l’excellent show de Gnome, j’étais surmotivé et au premier rang pour l’un des concerts que j’attendais le plus cette année. J’ai découvert ce groupe très récemment pourtant, et ils ont tout, absolument TOUT pour me plaire. Je suis tellement tombé sous le charme de leurs albums que j’ai sauté sur l’occasion de les interviewer un peu plus tôt dans l’après-midi. Et nous voilà au Black Heart, je vais perdre 3 litres d’eau (et d’un mélange houblon/orge non identifié) dans l’heure qui suit. Mes cheveux panthère vont déteindre sur mes voisins, je vais perdre ce qui me restait de voix, ruiner définitivement mes genoux et mes cervicales : oui, j’ai pris mon pied. Parce que Morass of Molasses, ça swingue, ça plane, ça jamme, ça riffe sévère, ça crie, ça hurle, ça chante, c’est mélodique, c’est tranchant, c’est surprenant mais catchy, les mecs communiquent parfaitement avec le public, sautent de partout avec un son aux petits oignons. Ce set est un condensé de tout ce qui me fait aimer la musique live : des musiciens qui finissent exténués et le sourire aux lèvres, un public qui se regarde ébahi et ne veut pas quitter la salle, bref, c’est LE meilleur concert du week end et de très loin. Une performance rare et hors du temps. Merci messieurs, simplement merci.

Station Big | Brave

Après une pause repas bien méritée, je file au Powerhaus pour bien me placer pour Big | Brave et leur drone bruitiste mais mélodique. Le show lumière est envoûtant, le son se rapproche d’une transe nihiliste et me voilà en train de sombrer dans des réflexions lugubres, mes jambes sont lourdes, et sur scène, une lutte fait rage entre clarté et ténèbre pour obtenir mon adhésion. J’ai le souffle court devant tellement de beauté et tellement d’horreur. Tant et si bien qu’après 45 minutes, je ressens le besoin de sortir de la salle, un désir d’air frais pour reprendre foi en l’humanité. C’est dire à quel point la musique du groupe m’a profondément touché.

Photo by Sam Huddleston

Northern Line

Station Blood Ceremony

15h00 ressenties 8h00 du matin. Je cavale au milieu des touristes direction Chalk Farm pour ma seule et unique incursion au Roundhouse et ma troisième entorse à ce concept 100% découvertes. Il faut savoir un truc en ce qui me concerne : j’adore le vieux prog. À la moindre alcoolisation un peu intense, je lance pour m’endormir le Live à Pompéi ou alors la performance hypnotique de Mike Oldfield à la BBC en 73. Mettez moi un type bizarre avec une flûte parlant de locomotives ou un moustachu qui chante au sujet de gitanes ou de dames en noir et je souris tellement largement que le reste de l’auditoire pourrait douter de ma santé mentale. Bref, pas étonnant que je sois aussi fan de Blood Ceremony et d’Alia O’Brien, phénoménale frontwoman et âme de ce projet ayant au fil du temps délaissé le doom pur et dur de la première heure au profit d’un prog rock moins théâtral mais plus émouvant. Dommage que cette cathédrale de verre et de métal convienne si peu à leur son subtil et que le public soit aussi mou à cette heure de la journée. Un bon set cependant porté par le talent des membres habituels ainsi que la frappe millimétrée du requin de studio remplaçant (momentanément j’imagine) Michael Carillo derrière les fûts.

Station Graywave

Retour vers un temple aux dimensions plus humaines avec Graywave, projet solo shoegaze de la multi-instrumentiste Jess Webberley qui s’entoure ici d’un groupe complet pour déverser sur le Powerhaus de douces vagues d’accords oniriques et de nappes éthérées. C’est aérien, enveloppant, troublant et apaisant à la fois, dans la plus pure tradition du genre, comme une pause invoquée au milieu de cet orgie de riffs heavy qu’est le Desertfest.

Station Venomwolf

Venomwolf au Black Heart juste après Graywave au Powerhaus est un véritable coq à l’âne. On passe là d’un demi-sommeil envahi d’images et de textures complexes à un champ de bataille typiquement thrash au sein duquel toute tentative de se laisser traverser par quoi que ce soit d’autre qu’une énergie yang brute de décoffrage serait peine perdue… Le son est une incommensurable boucherie mais tout le monde s’en fout, on est là pour lever le poing et se désaligner les cervicales avec conviction devant ces thrashers glaswégiens pur jus peu actifs en studio mais oh combien sur scène !

Station Zetra

Powerhaus encore pour le set le plus étrange de cette édition. Imaginez deux silhouettes éthérées enveloppées de chaînes, de toges et de corpse paint. Une aura mi-Cramps, mi-black metal. Entre eux, sur un mur d’écrans old-schools, tourbillonnent des images conceptuelles. Contrairement à toute attente, le son produit par ces créatures à peines humaines s’avère un délicieux mélange de synth pop, de shoegaze et de new wave traversé par de délicates harmonies vocales qui coulent comme du miel sur mes oreilles à vif. Nul besoin ici de protections auditives, les niveaux sont parfaits, tout comme cette proposition complètement hors des clous et infiniment intrigante. Une légende veut que ces deux londoniens se soient rencontrés un soir de passage de la comète de Halley. Une autre parle d’une furieuse partie de Donjons et Dragons. Nous ne saurons sans doute jamais…

Blood Ceremony – Photo : Jessy Lotti

Station Jo Quail

Trente minutes d’introspection nourrie au Shiraz plus tard, la stupéfiante violoncelliste est en place, accordant son instrument, testant ses loopers et bavardant avec le public en toute simplicité. Un set de Jo Quail, c’est un empilement risqué de boucles réalisées in situ. C’est une compositrice seule sur scène avec son violoncelle électrique, manipulant avec aisance son public à coup de pièces contemporaines alternant violence et délicatesse. Ce sont des auditeurs qui hurlent littéralement entre les morceaux. C’est un déluge contrôlé de riffs qui s’emboîtent à la perfection sans que rien ni personne ne remette en question leur caractère infiniment plus intense que ce que n’importe quelle bande de barbus à pédales de disto et issus de n’importe quel coin du globe pourraient envoyer. Si ma mémoire de ce festival devait être effacée, ne me laissant le souvenir que d’un seul et unique set, ce serait sans hésiter celui-là.

Station Celestial Sanctuary

Aller s’entasser au Black Heart devant du death old-school après de telles expériences borderline aurait pu s’avérer risqué mais étonnamment, cette formation locale et plutôt récente parvient facilement à me convaincre à coup de mid-tempos pesants mais puissants et de leads laissant les mediums aux oubliettes, dans la droite ligne des regrettés Bolt Thrower. C’est authentique et honnête, taillé pour le moshpit qui ne tardera pas à survenir, obligeant les moins motivés à raser les murs de la salle minuscule. J’en fait partie, étant donné que je n’ai pas foutu les pieds dans un pit depuis 15 ans à l’exception des «girls only» de Frank Carter… Un bon moment qui remet mes tripes à leur juste place.

Correspondance Great Electric Quest

Northern Line : Il y a des groupes qui pâtissent de leur place dans le running order et Great Electric Quest en fait probablement partie. En ouverture de festival, face à des oreilles fraîches, l’effet aurait pu être tout autre, du moins pour Matt et moi, tous deux victimes de la même crise de relativité : nous avons écouté bien trop de choses étranges, puissantes, définitivement capables de nous faire remettre en question certaines sections de notre collection de vinyles ou même en créer une nouvelle, pour pouvoir apprécier comme il se doit cette orgie de fun et de riffing dégageant une énergie folle mais pas d’émotion particulière. Rentrer dans le set est donc pour nous une mission impossible que la majeure partie du public semble cependant mener à bien sans aucun problème.

Piccadilly Line : Eh oui, Great Electric Quest ça joue vite, ça joue bien, c’est ultra généreux, mais sûrement un peu trop alors même que nous, de notre côté, n’avons plus une once de transpiration à offrir après trois jours éprouvants. Des mauvaises langues, et j’en fais partie, auront tôt fait d’assimiler le combo à une kermesse de fin d’année mais comme le souligne Sofie, ce n’était simplement pas ce qu’il nous fallait de notre côté après une telle édition. Le public autour de nous semble tout de même se régaler de cette joyeuse foire et c’est surtout tout Camden qui, pour quelques heures, emplit ses rues de festivaliers en quête d’un dernier verre ou d’un dernier repas. Le terminus est proche pour nous aussi.

Terminus

Pour l’heure, nous avons hâte de rejoindre le Dev et de débriefer cette ébouriffante journée devant le nombre adéquat de tournées. Nous y sommes rejoints sous peu par nos amis graphistes, le binôme Arrache-Toi Un Œil, en compagnie de qui nous ferons de nouveau honneur au DJ set. Si ce nom vous est inconnu, allez checker, ça vaut plus que le coup. Ce fut une nouvelle fois un plaisir de partager avec vous nos élucubrations londoniennes, nous espérons qu’elles vous auront intéressés, amusés, permis de découvrir des choses et bien sûr, motivés à vous rendre sur cet incroyable festival, doyen du concept Desertfest, si ce n’est pas déjà fait !

(PS: l’avis de recherche n’est plus d’actualité. Après s’être perdu dans les rues londoniennes en cette nuit de Dimanche à Lundi, embrumé d’alcool, de fatigue, de transports communs non opérants et de canaux fermés, Matt est rentré sain et sauf, quelques heures avant le check out de son hôtel.)

Last modified: 14 novembre 2024