Il y avait de quoi être inquiet avec cette date placée pile poil au début du Hellfest et avec un plateau plutôt prévu pour les connaisseurs. Pourtant, le public toulousain a répondu présent et je m’en vais vous conter ce voyage en terre inconnue avec Fuzzy Grass et Earthless...
J’arrive sur place alors que Fuzzy Grass attaque son set… peu après 19h30. J’avais peur de ne pas réussir à rentrer dedans facilement mais le quatuor a su très vite me convaincre. Il faut dire qu’ils ont des atouts dans leur manche, à commencer par cette voix qui semble capable de toutes les prouesses. De la technique, de la justesse, du coffre, de l’énergie, nulle doute que même dans les late 60’s, early 70’s, elle aurait fait mouche.
Et puis il y a cette guitare, même si le style emprunte forcément à tout ce que l’époque a fait de plus psyché, il y a une envie, une motivation à toute épreuve chez cette guitariste qui sera même la première à pousser ses compères à en rejouer une dernière. Elle y va aussi de ses soli et ceux-ci arriveront souvent à me surprendre, soit en sortant des clichés du genre, soit par leur efficacité. Il y a bien sûr une section rythmique discrète mais terriblement en place. Ça groove et ça cogne pile comme il faut. Et puis il y a tout le reste. Les compos qui s’enchaînent dans un set très bien construit et équilibré. L’orgue, le theremin et autres joyeusetés qui se mêlent ici ou là à la musique de Fuzzy Grass. Non franchement, il n’y a guère à redire tant le groupe remplit à merveille le contrat, et on va surveiller de près leur prochain album à paraître incessamment sous peu.
Après un rafraîchissement amplement mérité, voilà Earthless qui débarque. Et comment décrire ce trip… J’ai longtemps eu du mal avec ce style de rock psyché axé sur les jams à rallonge. L’aficionado de punk que j’étais voyait dans ce genre l’ennemi à abattre. Pourtant, ce que j’ai aimé chez le Velvet Underground tenait aussi d’une forme de psychédélisme sous substance, simplement plus rebelle et plus intellectualisé, voire, plus snob.
Ce qui fait un bon groupe de punk, c’est qu’en jouant ces trois mêmes accords qu’on a entendu 1000 fois, en chantant ces rimes un peu faciles sur ces mélodies ou absences de mélodies un peu simplistes, ils arrivent à nous procurer une émotion puissante par la force de leur sincérité. Quand un chanteur de punk crie réellement un dégoût non feint pour notre société, quand chaque pore de la peau d’un guitariste vient apporter sa goutte de sueur à l’édifice de sa sauvagerie, il se passe quelque chose d’unique.
Je crois que c’est pareil pour le rock psyché. Le mauvais rock psyché est fait par des mecs qui pensent que la musique est née avec le band of gypsies d’Hendrix et morte avec la mort de Jimi, ils jouent des morceaux trop longs avec des soli pleins de reverb et de delay et ont un style vestimentaire douteux et cette fausse modestie / timidité qui caractérise le genre, ils parlent de drogues qu’ils ne prennent pas ou plus à des gens qui n’en prennent pas ou trop. Le bon psyché, c’est exactement pareil. Mais joué par des mecs qui respirent une période disparue. Des zicos qui ont ce mélange de confiance et de vulnérabilité qui peut faire naître des moments uniques, des petits miracles de jam.
Ce soir, c’est à cela que j’ai assisté. À ce moment de grâce ou le talent et la complicité de trois mecs font que 25 minutes paraissent une durée normale pour un titre. Et surtout la maestria d’Earthless tient dans l’équilibre afin de ne jamais s’éterniser plus qu’il ne faudrait tout en restant suffisamment longtemps sur chaque idée pour qu’elle nous porte, aussi loin que possible de notre chère planète. Pendant 50 minutes et deux longs morceaux jams instrumentaux, on a voyagé. Pour certains hors du temps, hors de l’espace et même pour d’autres hors d’eux mêmes. Et tout cela alors qu’on est en plein centre ville, que le soleil n’est pas encore couché et qu’il n’est même pas 22h.
Fatalement, comme une redescente (enfin j’imagine), le voyage s’est terminé un peu brusquement. Earthless nous proposera quelques titres plus conventionnels et 100% hendrixiens dans l’âme pour conclure le set, et même si c’est parfaitement mené, je crois que j’aurais préféré m’en tenir aux jams tant l’écart est un peu trop brutal après l’expérience que l’on vient de vivre.
Finalement, cette soirée fut une vraie réussite. Des découvertes, un public qui répond présent et des musiciens qui nous font tout simplement nous évader, que demander de plus ? Psyché is the new punk. Change my mind.
Last modified: 3 juillet 2023