Interview : MORASS OF MOLASSES ou le trio heavy blues le plus affriolant du moment.

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Morass of Molasses n’est très clairement pas le groupe le plus tendance ou avec le plus de Hype sur le Desert Fest London cette année mais ils sont très probablement l’un des plus excitants ! Mélangeant les genres de manière extrêmement créative et personnelle, le groupe réussit à conserver une identité sonore forte et nous avons eu la chance de nous entretenir avec eux avant qu’ils foutent un énorme coup de pied au cul de tout le monde au Black Heart. Tout tient dans cet échange : depuis les catastrophes naturelles, en passant par le songrwitting et les blagues sur les bassistes !

Merci de nous accorder un peu de temps. Pour lancer la discussion, j’aimerais savoir quelle est la pire histoire que vous pouvez partager avec nous concernant votre nom de groupe. Morass of Molasses, c’est loin d’être facile à écrire ou à prononcer, alors, c’est quoi la pire erreur dont vous vous souveniez ?

Bones (chant et guitare baryton) : J’en ai une qui me vient, on jouait en Ecosse et quelqu’un nous a appelé “More ass for the lasses” et je trouve celle-ci plutôt cool ! On nous a aussi appelés “Molass of Molasses”, des gens se trompent et répètent deux fois le même mot. Tu veux savoir d’où il vient d’ailleurs ce nom

Bien sûr, j’allais justement vous demander.

Bones : C’est basé sur le drame de la Mélasse de Boston. Cela a eu lieu le 15 janvier 1919 à Boston où ils entreposaient d’énormes cuves de mélasses. Ils sortaient d’une nuit très froide et ils ont eu une matinée très chaude et certaines cuves étaient mal rivetées ensembles. Il y avait là des millions de gallons de mélasse et une cuve a explosé envoyant une marée de mélasse vers le centre ville de Boston. 20 personnes se sont noyées dans la mélasse. Lorsqu’on a commencé avec le groupe, je me suis dis “c’est dingue”! On cherchait un nom de groupe et ce dont nos morceaux allaient parler et j’ai lu un article intitulé “Un torrent de mélasse pourrit Boston (Morass of Molasses mucks up Boston) et je me suis dit “voilà notre nom de groupe”! Donc en réalité, ça vient d’un article et notre tout premier titre s’appelait “Rotten teeth” et parlait du sentiment de se noyer dans de la mélasse, tu sais tout !

C’est une parfaite transition pour ma question suivante. J’ai lu dans l’une de vos interviews que tu aimerais qu’on te pose plus de questions sur les paroles de vos titres. Alors, à part pour “Rotten Teeth”, d’où te vient l’inspiration en général ?

Phil (lead guitar): Ça a pas mal changé non ?

Bones: Oh oui c’est clair ! C’est le premier groupe que je leade. J’ai fait partie d’un tas de groupes avant, mais j’étais le guitariste et il y avait un chanteur. Bien sûr, Raj et Phil construisent les morceaux mais ces titres parlent de ce que j’écrit. Sur notre premier EP, j’avais adopté une perspective à la troisième personne sur les catastrophes naturelles et les grands désastres. “Rotten Teeth” concerne l’incident de Boston, “Fear to Trade” parle de la bataille de Passchendaele, “Ashtabula“ de l’accident ferroviaire de la rivière Ashtabula et “Bear River” tire son nom du massacre éponyme. Sur l’album suivant, j’ai utilisé beaucoup de références sur les mythes Nordiques ou Grecques. C’était l’évolution suivante. Je dirais que j’ai commencé à écrire des trucs me concernant sur l’album “The Ties That Bind” (2019). Dès que j’ai commencé à fonctionner comme ça, je me suis rendu compte que je pouvais être beaucoup plus vulnérable. Et plus on le fait, plus ça devient facile. Notre dernier album est beaucoup plus personnel et le prochain le sera aussi. On a commencé l’écriture et sur les quatre titres que l’on a déjà, je vois que le songwriting évolue encore, je deviens plus courageux et je n’hésite plus à me livrer. Au départ c’était « wow, non je ne suis pas prêt pour ça », aujourd’hui c’est plutôt « Je viens de vivre quelque chose ? Je vais écrire une chanson là dessus ».

Mon songwriting évolue encore, je deviens plus courageux et je n’hésite plus à me livrer. Au départ c’était « wow, je ne suis pas prêt pour ça », et aujourd’hui c’est plutôt « je viens de vivre quelque chose ? Je vais écrire une chanson là dessus.– Bones, chant et guitare

Pour rester sur les textes, as-tu pour habitude d’attendre que la musique soit prête pour te lancer dans l’écriture ou bien est-ce que tu écris tout le temps et pioches dans ce qui correspondrait quand un titre est prêt ?

Bones : Je crois que le tout premier élément pour commencer un album ou un morceau, c’est l’idée directrice. Parfois je vais voir mes collègues et leur dis « j’ai cette idée pour un album » et eux me demandent « ah cool, tu as quel morceau de prêt », mais je n’en ai aucun. Par exemple, sur l’album “The ties That Bind”, il y a ce thème de forêt ténébreuse et ce thème était là avant le moindre morceau. J’aime à penser qu’il y a un environnement au sein duquel les morceaux existent. Pour “End All We Know” c’est venu pendant la pandémie, juste après le Brexit. On a écrit un titre sur le Brexit. Les morceaux vivent dans cet environnement. C’est crucial pour moi. Parfois l’idée vient avant le moindre jam, et on construit à partir de là

Qu’en est-il de la musique ? Vous donnez l’impression de n’avoir aucune barrière concernant ce que vous pouvez faire. Est-ce que vous commencez avec un ou deux riffs et vous voyez avec quelle folie vous pourriez emboîter où est-ce plus organique ?

Bones : Clairement organique, on jamme beaucoup afin de créer cette première étincelle.

Raj (batterie) : Nous venons aussi d’un background musical très différent.

Bones: À la base je suis un bassiste de funk, Raj est un batteur de funk et Phil a un background plus ancré dans le métal. Le blues est LA chose que nous partageons tous. C’est pourquoi si on écoute bien notre musique, il y a énormément de blues, c’est ce qui nous a réunis.

Raj : En ayant ces différents backgrounds, c’est tellement plus facile pour nous de nous dire « oh et si on rendait ça plus funk ou plus doom »…

Bones : On n’a pas peur de passer du coq à l’âne dans un morceau. On va avoir une partie super rock et d’un coup débarquent des voix criées par exemple. Et les gens qui nous écoutent depuis un moment savent que c’est notre truc. Mais pour ceux qui ne nous ont jamais écouté avant, ils se disent « wow okay, d’un coup c’est tout calme et maintenant ça redevient super bourrin » et tout cela potentiellement dans un même morceau. Je suppose qu’on n’y réfléchit pas trop. Une fois qu’on a l’habitude de fonctionner ainsi, ça devient juste une part de notre son. On a cette palette de couleurs avec laquelle on peut dépeindre ce qu’on veut. Quand on écrit un titre, n’importe quelle idée que l’un de nous a, il faut qu’on l’essaye. C’est la règle.

« À la base je suis un bassiste de funk, Raj est un batteur de funk et Phil a un background plus ancré dans le métal. Le blues est LA chose que nous partageons tous. » – Bones, chant et guitare

Ça favorise les accidents bienheureux…

Raj : Exactement !

Bones : Et puis on pourrait penser que ça mène à des conflits mais on a un très bon équilibre à ce niveau. Tout part du fait que nous avons une très bonne alchimie musicale. C’est le pied. La majorité des nouveaux morceaux sont issus de jams et ont évolué pour devenir des titres à part entière. Parfois quelqu’un va avoir une idée et les autres ne sont pas convaincus mais on essaye quand même parce qu’on se fait tous suffisamment confiance pour savoir quand ça clique. Et quand ça clique et que tu as ce sentiment de satisfaction là, c’est tout ce qu’on veut. Aucun d’entre nous n’est dans une position pour dire que nos idées sont tellement importantes pour nous qu’on se moque de savoir si ça marche ou pas. Il faut qu’on soit tous dans cette même vibe pour que ça marche.

Raj : Mes moments préférés sont ceux où l’un de nous a une idée, on est pas sûr du résultat, on essaye et ça le fait. j’adore ce sentiment là.

Dernière question, comme vous n’avez pas de bassiste, je me sens obligé de vous demander si vous avez une blague sur les bassistes à partager avec nous ?

Bones : Combien il t’en faut ? (rires) Ce qui est étrange c’est que quand les gens me demandent “où est votre bassiste ?”, je réponds toujours “Je suis un bassiste, simplement, je ne joue pas de basse”. Parce qu’à la base, c’est ça l’histoire. Et tout le principe d’avoir une guitare bariton et le signal splité en deux c’est juste quelque chose qui a évolué avec le temps. De nos jours beaucoup de groupes font ça mais quand on a commencé, les mecs étaient complètement perdus, certains pensaient qu’on utilisait des boucles préenregistrées, etc. Ils ne comprenaient pas que je partage le signal entre un ampli basse et un ampli guitare. De temps en temps on a un bassiste qui nous demande s’il peut rejoindre le groupe et on répond toujours “Pourquoi faire ?”. Encore une fois, on a une alchimie musicale précieuse, si on rajoute quelqu’un, on prend le risque de la perdre. Si on joue bien et avec un bon ingé son, ça fonctionne très bien comme ça. On sait qu’on a un bon son de base. Ah ah, un bon son de basse même !

C’est sur cette ultime blague que ce conclut cette courte mais sacrément fun et intéressant échange. Comme dit précédemment, le groupe montera sur scène quelques heures plus tard et délivrera le set le plus mémorable de tout le weekend. Légendaire.

Nouvel album “End All We Know” disponible chez Ripple Music.
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Last modified: 20 juin 2023