Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs ou les sept merveilles du monde, les sept péchés capitaux, les sept jours de la semaine, les sept nains ? Non. Allons droit au but : « Land of Sleeper » est un album magistral et me voilà piégé. Pris à mon propre piège. Moi qui, depuis des années, met en avant une fanboy attitude démesurée pour promouvoir Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs, je n’aurais jamais pensé que ce personnage que j’avais créé se retournerait contre moi.
Car initialement, il s’agissait seulement d’un groupe dont j’aimais beaucoup l’énergie, la créativité et le nom à rallonge et que je m’amusais à name dropper à chaque occasion, principalement par envie de proposer à mes interlocuteurs quelque chose de frais et authentique à écouter. Bien sûr j’ai adoré « Viscerals » qui avait résonné dans mes tripes comme peu d’albums le peuvent, et bien sûr, leur concert au Desertfest Berlin en 2022 fut l’un des moments les plus marquants de cette édition pour moi. Mais malgré toutes mes attentes, jamais je n’aurais pensé que leur nouvel opus me troublerait autant.
Cela fait des années (probablement depuis la sortie de “Purple” de Baroness) que je n’avais pas écouté autant un album à sa sortie et que je ne cessais d’y retourner, tant il contient tout ce que j’osais espérer et bien plus encore. Je pensais que je blaguerais en disant dans cette chronique que l’album de l’année est sorti en février. Je pensais que je pourrais grossir le trait pour continuer d’alimenter le personnage. Oui mais voilà, si aujourd’hui Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs est annoncé sur tous les festivals importants cette année et si leur tournée UK est quasi sold out, c’est qu’il se passe quelque chose d’unique autour du groupe et autour de cet album.
“Land Of Sleeper” est la quintessence de tout ce qui a fait le charme de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs jusque là, tout en étant à la fois plus sombre, mieux produit, plus accessible et pourtant plus noisy que leurs efforts précédents. C’est un délicieux cocktail d’une attitude rock’n’punk 100% British, de coupes mulet et de moustache de Newcastle, de voix post punk sur une musique qui se veut plus lourde, organique, dissonante, massive et brutale. Ce sont ces riffs en apparence simples mais toujours bien sentis, ce sont ces leads guitares complètement délurées et c’est cette section rythmique qui montre que, bien au nord de Birmingham, on connaît ses classiques.
C’est un savoureux bonbon dont la noirceur faussement nihiliste des paroles et des plans influencés doom vient clasher contre des lignes mélodiques fleurant bon les nineties et la culture geek. C’est tout cela, et c’est bien plus aussi. C’est une réussite imparable à tous les niveaux.
Alors que souligner de cet album ? La référence probablement inconsciente à la musique de combat des premiers Pokémon sur la mélodie de guitare faisant office de refrain sur “Big Rig” ? Les riffs dissonants d’intro de « Terror’s Pillow » et « Atlas Stone » ? Le ralentissement de tempo sur le break de « Pipe Down! » ? Non, s’il me faut choisir des morceaux de bravoure à mettre en avant je ne peux passer à côté de « The Weatherman” et « Ball Lightning ».
« The Weatherman » est une parenthèse désenchantée post-covidienne presque opératique. Non sans rappeler les productions les plus qualitatives et sombres de la deuxième moitié de Songs For The Deaf avec son motif basse / batterie répété ad nauseam et ses lignes vocales et de guitare venant capter sournoisement notre attention dans un crescendo tout en tension, c’est à la fois un titre d’apparence plus posé et en même temps complément inédit pour le groupe. Et pourtant c’est l’un des titres les plus marquants avec sa palanquée de guests vocaux.
« Ball Lightning » de son côté se la joue berceuse noisy. Dans un romantisme fantasmagorique a rapproché des Castlevania de notre enfance à grands renforts de guitare grandiloquente et là encore d’un crescendo vers le noisy et l’absurde, le groupe arrive parfaitement à marier second degré et authenticité, jusqu’au boutisme et raffinement. Tout du moins, autant de raffinement que Newcastle peut nous offrir. Pour le reste, l’album propose tout ce qui fait la marque de fabrique du groupe mais en ne gardant que la crème de la crème.
Cet album a mûri tout comme le groupe qui l’a composé et maintenant que l’éclosion a eu lieu, on se retrouve face à un monument des musiques extrêmes britanniques. Un album qui ravira autant les fans des Stooges que de Sabbath, de Gallows que de Queens of the Stone Age, de Red Fang que de Conan. Un grand album tout simplement. De ceux qu’on redécouvrira toujours avec la même stupeur dans cinq ans, dans dix ans ou une éternité (merci à Jo Dassin pour l’image). Il ne s’agit plus de jouer les connaisseurs élitistes, il s’agit de reconnaître que Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs a mis un grand coup de pied dans la fourmilière et que rien ne sera plus tout à fait pareil. L’album de l’année est sorti en Février.
Last modified: 15 mars 2023