Elder est toujours là. Quoiqu’il se passe, Elder est présent, que ce soit dans votre casque, dans votre salon ou en haut à droite de l’affiche de votre festoche préféré. Elder est là. Et c’est presque rassurant. Lisez donc les reports des concerts donnés cet été ou ceux de leur tournée automnale : on a tous vu et revu Elder, presque par habitude, mais À CHAQUE FOIS ils assurent.
Si la bande de DiSalvo fait figure de vétérans d’une avant-garde heavy prog (avec quinze ans d’activité au compteur), pour beaucoup il est le groupe totem dont l’influence est sans mesure sur la scène et ce, malgré des incartades berlinoises (pour le projet Eldovar avec Kadavar) moins convaincantes ou les expérimentations synthétiques du dernier album en date, « Omens ». Qu’importe ! S’il y a bien quelque chose à retenir tel un fil conducteur c’est qu’Elder gambade au gré de ses envies, de genre en genre avec comme carburant une créativité débridée et une irrépressible envie d’expérimenter. Créer c’est exister, répéter c’est mourir.
Oui, « Omens » était certainement le premier album du groupe à décevoir. On y a entrevu ce souhait de tester les apports de claviers dans leur approche plus progressive, celle entamée avec « Reflections of a Floating World ». Mais l’essai s’apparente à lâcher des gosses chez un confiseur : On frôle par moments l’indigestion de sonorités synthpop vieillotes, au mieux kitsch. On en vient donc non pas à questionner leur présence mais leur utilité. Il s’agissait certainement d’appuyer l’approche plus mélodique du chant de Nick, plus varié certes, mais dont la justesse était tout autant discutable.
Ce disque imparfait a désormais sa place, fût-ce le brouillon nécessaire pour arriver à cette démonstration de classe et de virtuosité retrouvée (toujours intacte) qu’est « Innate Passage ». Ce sixième album est une gigantesque fresque chimérique, quasi instrumentale, enluminée de riffs tout droit sortis de la fabrique Elder.
Nick surprend dès l’ouverture de la bien nommée « Catastasis » où la tension est dans toute sa force. Accompagnée pour la première fois d’un invité au chant (Behrang Alavi de Samavayo), la voix de Nick est plus confiante, a bien plus de portée, bien que les parties de chant soient réduites à leur strict minimum. Elder reste ce groupe de monstrueux guitaristes transformant chaque frette de leur manche en un multivers aux possibilités infinies… alors qu’ils ont juste l’air de se dégourdir les doigts. Cette tension palpable, dès « Catastasis », appuyée par une section rythmique au top de sa forme, est bel et bien le signe d’une dynamique retrouvée qui avait pu être plombée par des bidouillages bien trop proéminents sur le disque précédent. Et il n’y a pas que la voix de Nick qui semble avoir (re)trouvé sa place. Il aura fallu « Omens » pour maîtriser ces claviers et ces nouvelles sonorités tant décriés. Ces merveilles aériennes côtoient les riffs féroces et précis pour parfaire cette alternance de rêveries fantasmagoriques et de folles embardées interstellaires. La pièce maîtresse « Merged in Dreams – Ne plus Ultra » en est le manifeste. Elder est ici à son apogée de maitrise, de fluidité, d’inventivité. Et de beauté.
La phrase « Innate Passage » est apparue à Nick lors de l’écriture de ce disque : « Le passage, les transitions sont quelque chose de nécessaire à la condition humaine, un processus intrinsèque à l’être humain. Toute cette évolution, cette introspection que nous avons vécue ces dernières années, m’est apparue comme une évidence, encore plus que toute autre expérience que j’avais pu vivre auparavant ».
À la lumière de cette remarque, la discographie éclectique du groupe fait sens. Ce sixième album sonne comme un compendium de la carrière d’Elder, la clé même vers un nouvel univers musical qui reste à défricher. Et c’est la où le groupe excelle : Elder sera toujours là pour nous surprendre. Toujours. Dans votre casque, dans votre salon ou en live.
Last modified: 30 novembre 2022