Psych, fuzz, doom et adoration des sixties. Voilà comment en 2017 s’est fait connaître Devil’s Witches et un premier album : « Velvet Magic ». Ce mélange, d’inspiration heavy psych et bubble gum pop, gavé de drogues, d’outrances et d’énergie sexuelle, avait tout pour se frayer un chemin dans l’underground. Une hype entretenue il est vrai par une kyrielle de sorties vinyles devenues très vite collector et rares…
Et lorsque que l’on s’aventure vers le rock occulte ou le proto-doom, il est courant d’établir la filiation avec Electric Wizard ou le Sabbath. Comparaison justifiée vu le nombre d’ersatz peu inspirés qui se sont revendiqués de leur musique et de leur esthétique ces dernières années. Mais dans le cas de Devil’s Witches, la parenté musicale serait plutôt à chercher du côté de Wicked Lady, chaotique formation anglaise adoptés par des bikers, loosers magnifiques, tapis dans l’ombre du Sabbath, mystérieux et sauvages, rudes et bricoleurs, dont les amateurs reconnaissent pourtant leur apport indéniable au doom psychédélique.
Projet initial d’un seul homme, Devil’s Witches est le chantre des obsessions et fascinations de l’énigmatique Witchdoctor General. À la manière des films de Russ Meyer, la musique de Devils Witches caresse les audaces vindicatives et hédonistes de cet amoureux des femmes. De toutes les femmes. Subversives, violentes et exubérantes.
Cette nouvelle sortie explore toujours cette thématique, mais sous de nouveaux angles (in all her forms, donc), un par face de ce double disque : la jeune fille (Maiden), la maîtresse (Mistress), la mère (Mother), la matrone (Matriarch). Chaque face contient son propre récit, lié à celui qui le précède comme à celui qui le suit. Une boucle narrative assez originale renouvelant la narration d’un concept album.
Musicalement c’est un véritable patchwork des expérimentations passées de l’artiste, désormais accompagné de plusieurs musiciens à temps complet. Le groupe ainsi constitué montre qu’il peut passer de parenthèses folk (« Hunting Dracul », « Smoke & Sorcery ») ou pop (« Magic Mama ») à de surpuissantes bourrasques doom « Successive Slindings of Pleasure », « Space Age Sorceress », « Queen of Wands »). Devil’s Witch sème des cailloux blancs pour consteller un disque à la macabre poésie : il y a des bricolages candides, des riffs tonitruants, des solis vivifiants, des ballades obsédantes, des piano expressifs. Partout les mélodies et les refrains entêtants abondent et servent de toiles de fonds à une atmosphère aussi lumineuse que macabre. Ce paradoxe déroutant est pourtant ce qui est le plus captivant sur ce disque. En surface, le tout paraît un peu foutraque ; pourtant on touche là à une œuvre surréaliste accentuée par la mise en abyme de la narration où pureté et crasse se côtoient, amour et mort se confondent.
Sur la forme, l’évolution artistique de Devil’s Witches se rapproche de celle d’Uncle Acid & The Deadbeats : un groupe égocentré sur son leader, amateur d’un storytelling évocateur, fasciné par l’ère post flower power – plus Altamont que Woodstock – et ouvert à des influences pop ou folk pour teinter son doom.
Sur le fond fort heureusement, Devil’s Witches, désormais plus romantique que provocateur, se démarque avec ce disque. Les titres de « In All Her Forms » exalte le mystère et tresse les contours vaporeux d’un rêve où le morbide devient sublime.
Last modified: 9 novembre 2022