MANTAR renait avec « Pain Is Forever and This Is The End ».

Written by Chronique

Mantar revient et nous assomme avec l’excellentissime « Pain is forever and this is the end ». Comment aurait-il pu en être autrement? Cela paraît si évident à posteriori, pourtant, tout était mal parti. Retour sur un album tout bonnement miraculé.

Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter les patrons du sludge n’ roll. Ce duo nord allemand a déjà de nombreux faits d’armes à son actif et suffisamment de tournées pour remplir plusieurs vies et, je ne suis de toute façon pas très objectif à leur encontre. Pourtant, et comme beaucoup de fans, j’appréhendais la sortie de cet album. Il semblait que l’univers entier s’était ligué contre le groupe. D’abord, il y a eu les blessures et opérations du genou de Hanno Klänhard (chant et guitare) et puis le Covid et ses confinements à répétition. Mais il y avait aussi une angoisse sous-jacente concernant la musique elle-même. Et si Mantar avait perdu sa rage, sa hargne et son mojo ?

Ce doute existe chez les fans depuis “The Modern Art of Setting Ablaze” qui, en 2018 déjà, posait les bases d’un virage stylistique périlleux et pas encore complètement maîtrisé. Un doute persistant aussi chez le groupe qui par deux fois reprit tout de zéro et pensa souvent à arrêter définitivement. Un vent de fatalisme d’où découle “Pain is forever and this is the end”. Un parallèle avec la souffrance puis la résurrection prôné par les mythes monothéistes semble presque trop simpliste mais quand on voit que l’album entier nous parle des méfaits des religions, de ses leaders auto proclamés et des moutons qui les suivent sans discernement, on est tenté de céder à la comparaison facile.

Malgré tout cela, le groupe s’est accroché à ses idées et ses ambitions. L’évolution de la carrière de Mantar prend alors tout son sens lorsqu’on analyse cet album à travers ce prisme : Mantar sort de sa crise d’identité et nous revient encore plus fort. Le groupe nous offre ce qu’il sait faire de mieux : des riffs sales, du chant entre black et hardcore, une batterie lourde comme un jour de flageolet à la cantoche et toujours ses fêlures très apparentes.

C’est tel un Chestbuster que dans une douleur inédite le groupe enclenche un nouveau cycle de vie destructeur avec l’ouverture rageuse “Egoisto” qui nous cueille par surprise sans aucun préliminaire. Comme un gourou, le groupe nous séduit ici en esthétisant son cynisme, en rendant glamour et sexy son nihilisme et en assumant enfin ses envies profondes. Mantar ne cherche plus à être un petit duo de sludge dans le nord de l’Allemagne. Mantar c’est plus que ça. Ce sont des influences très vastes et une volonté de casser les codes tout en gardant leur identité profonde. On passera ainsi par la rigidité punk noisy de “Piss Ritual”,  ou le grunge mid tempo, désabusé et viscéral du titre final “Odysseus”.

On note aussi la présence de refrains quasi sing along comme sur le très bon single “Hang ‘em low (so the rats can get them)” qui lui aussi vient sublimer la recette Mantar. En milieu d’album, c’est un sample qui vient expliquer aux plus inattentifs du fond de la classe ce dont on parle ici: le culte et ses dérives. Sur “Orbital Plus” on en vient à se demander si le groupe ne nous parle pas finalement du culte et des attentes qui se sont formés autour de son propre groupe.

Ce renouveau de Mantar passe enfin par une production léchée, moderne, puissante. Sale mais jamais brouillonne, limpide mais jamais grandiloquente. C’est aussi par les arrangements beaucoup plus fouillés qu’on va basculer vers cette nouvelle ère. Le nouveau testament selon Mantar, c’est un recueil à fleur de peau mais toujours rageur. Les deux guerriers semblent aussi enfin assumer le fait qu’ils aiment crier. Ils ne le font plus parce que c’est leur seul moyen d’expression. Ils se sont appropriés ses cris et leur voix n’en est, du coup, que plus audible. La voix justement se fait tellement plus raffinée car même quand il s’agit de cris, les techniques d’enregistrement, de chant, de chœurs vont venir colorer chaque partie avec un sens du détail complètement inédit. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les variations de prise de son du chant sur « Grim Reaping » et les choeurs façon sing along de coreux sur « Walking Corpse ».

Mais de même que tout ciel gris, même teuton, finit par s’éclaircir, il y a ici une forme de beauté nouvelle, voire même d’optimisme chez Mantar. Comment ça ? Mais l’album nous promettait souffrance et apocalypse ? Oui, mais la destruction est une forme de création. La fin c’est aussi l’ouverture à de nouveaux commencements. Il est né le nouveau Mantar, et il est très colère.

ARTISTE : Mantar
ALBUM : Pain is Forever and This Is the End
DATE DE SORTIE : 
LABEL : Metal Blade Records
GENRE : Metal
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Last modified: 23 août 2022