STEAK, ARTISTE TOTAL.
J’ai un profond respect pour Steak. Pour Reece Tee. Si certains groupes restent des marqueurs forts pour la musique stoner, que ce soit Kyuss aux States ou Lowrider de ce coté-ci de l’Atlantique, Steak sont bel et bien les « patrons » d’une scène anglaise, qu’ils ont vu (re)naitre. Des porte-drapeaux qui la poussent en avant, avec toujours beaucoup d’humilité. Si aujourd’hui nous avons la chance de pouvoir profiter d’une grande messe stoner/doom en Europe, savoir les rendez-vous Desertfest, c’est (entre autres) grâce au passionné Reece Tee, bretteur pour Steak, membre fondateur de Desertscene, mais surtout pourvoyeur et défenseur d’une certaine idée de la musique underground. Celle qu’on partage entre amis, avec curiosité et ferveur.
Toujours au sein de l’écurie Ripple et cinq ans (une éternité) après « No God To Save », Steak nous présente son troisième album « Acute Mania » dont la sortie s’apparente à un aboutissement tout comme un tournant dans leur discographie. Un aboutissement concernant l’univers qu’ils ont réussi à créer autour de leur musique. Dès les premières pochettes des EP « Disastronaught » et « Corned Beef Colossus », Steak affichait son amour pour les comics, se dépeignant, non sans une pointe d’ironie et d’autodérision propre au genre, en une équipe de super héros, guerriers de l’apocalypse, prêts à faire trembler les murs de votre rade préféré. « Acute Mania » n’est que la pièce centrale d’un ensemble d’oeuvres interconnectées qui coïncideront avec la sortie physique de l’album.
Aboutissement d’une passion portée depuis leurs débuts, le vinyle sera ainsi accompagné du comics « Steak: Mad Lord » relatant leurs aventures, entre futur post-apo et samouraïs du Japon féodal (BD écrite par Samuel Smith et illustrée par Rhys Wooton). Tout un programme pour les fans du genre. Le premier avril sortira également le court métrage « Mad Lord: Samurai of 1000 Deaths » (réalisé par Samuel Smith), dont la bande-son a été entièrement composée par le groupe. Des extraits du film sont d’ailleurs utilisés pour le clip du second single de l’album, « Ancestors ».
Un tournant également dans l’approche de leur musique. La griffe Steak, c’est la certitude d’une palanquée de riffs bien gras, combinée à un sens aiguisée de la mélodie pour un résultat groovy et entêtant. La fine distinction entre un classique et les malheureux poncifs du genre. Un peu comme le traditionnel filet de bœuf à la carte. Mais des meilleurs bistrots. Beurre « Maitre d’Hôtel » s’il vous plaît. Pour « Acute Mania », disons que les riffs se font plus discrets pour laisser s’épanouir des mélodies, couronnées par la performance vocale saisissante de Kippa ou des guests tels que Chantal Brown (Vodun) – mon dieu ce final de « Mono » ! Comme si à l’énergie des riffs heavy, seule la puissance d’une voix soul pouvait de dresser ! C’est là que le mot « soulful » prend tout son sens. Le squelette rythmique des titres est certes moins agressif et abrasif mais on gagne en profondeur. Chaque morceau semble vouloir dépeindre avec coeur un récit différent du précédent sans égarer l’auditeur. La colonne vertébrale blues reste la filiation évidente avec les références nineties du stoner. Mais ce qui fait la particularité des Anglais, c’est certainement leur bagage culturel rock et pop ; cette différence faisant d’un titre une chanson, un single un tube en puissance. Puisant autant dans le meilleur du rock US que dans le patrimoine musical local, Steak s’extirpe d’une formule stoner éculée sans négliger ses fondamentaux.
Steak a pour habitude de proposer des release parties mémorables pour chaque sortie d’EP ou LP. Le timing ne pouvait être meilleur puisque la dixième édition du Desertfest London coïncidera avec la sortie de cet album. Nul doute que la fête se transformera en consécration.
Last modified: 1 avril 2022