The Grasshopper Lies Heavy / Woorms : « Various plants and animals under domestication »

Written by Chronique

The Grasshopper Lies Heavy est un projet particulièrement prolifique en ce début de décennie. Après leur excellent album paru l’an dernier, le combo de noise rock sludgy est déjà de  retour pour ce split avec Woorms, groupe à l’actualité toute aussi chargée que je découvrais à l’occasion de cette sortie. Retour sur ce split confidentiel mais pourtant audacieux.

Quand je lance l’écoute d’un split, je suis toujours partagé entre l’impression que l’un des groupes va trop tirer la couverture à lui ou que l’ensemble va manquer de cohérence. Pourtant j’adore les splits pour peu que ce périlleux exercice de style soit réussi. Cette fois-ci cela dit, tout a été beaucoup plus naturel. The Grasshopper Lies Heavy fait ce qu’il sait faire en empilant des riffs gras, noisy et sale, apportant un peu de mélodie dissonante et de passages plus posés quand nécessaire pour ne pas perdre l’auditeur. Les rythmiques sont toujours aussi barrées et empruntent autant à Unsane qu’aux Melvins tandis que le chant hardcore complète le tableau. C’est efficace bien qu’attendu mais au fond, à quoi bon révolutionner un style qui est déjà tellement singulier?

Sur cette première partie de galette, c’est le titre “King of Opinion” et sa puissance imparable qui m’a le plus séduit ainsi que le quasi hypnotique “Daun” avec ses parties vocales en spoken word particulièrement réussi.

Lorsqu’on attaque la deuxième partie de ce split, on est contraint d’inspirer un grand coup pour digérer les 21 prochaines minutes. Surtout après l’instrumental atmosphérique et presque post hardcore “Unending Mediocrity” qui venait cloturer la section TGLH du split. On comprend bien vite que leur tâche était de préparer le terrain, écrémer et tailler dans le vif pour Woorms.

C’est donc en apnée que j’entame une longue descente quasi prog noise, surprenante et fraîche avec ses instrumentations presque expérimentales : “Areola Borealis”. Le bad trip n’est pas loin mais le tout a pourtant un charme certain. Typiquement le genre de titre auquel une bonne partie de l’audience sera parfaitement insensible mais qui fonctionne étonnement bien sur moi. Le mix est parfois presque trop fébrile et aéré pour le genre mais c’est un parti pris esthétique qui a le mérite de titiller l’oreille en ajoutant une qualité presque lo fi à l’ensemble.

Les samples sont aussi bien exploités que les bribes de chant grandiloquent qui s’immiscent ici ou là. Pendant plus de 20 minutes, on navigue en eaux troubles entre des idées particulièrement bien exploitées, des loufoqueries saugrenues et de rares moments de pure efficacité pour nous rattraper quand nous aurions pu perdre le fil. Pour les cinq dernières minutes, une guitare acoustique accompagne les nappes de synthé mourantes à petit feu pour un finish intimiste et chanté, à mi chemin entre une réunion d’hippies salemisés et une bande de loubards post punk près à en découdre. Oh, des petits oiseaux, ça y est? On est arrivés? Une aventure unique prend fin et les mystères insondables que j’ai entrevus restent finalement entiers.

Ce split a tenu ses promesses, me délivrant tout ce que je venais y chercher mais aussi ce que j’ignorais rechercher. Perdu sur une quête qui n’est pas la mienne, j’aurais pu m’égarer mais je ressors grandi ou, à défaut, touché. Ce split n’est pas à mettre entre toutes les mains, même pas celles des plus téméraires mais pour les plus aventuriers des aventuriers parmi vous, je vous souhaite une bonne écoute, un bon voyage et puissiez vous ne pas en ressortir indemne !

Last modified: 11 février 2022