Interview : Lupus de KADAVAR revient sur son ascension rock.

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Desertfest Belgium, Octobre 2021. Nombre d’entre nous ne parviennent pas encore à réaliser qu’ils sont bien là, au milieu de leur semblables, devant des groupes en chair et en os… Ce soir c’est Kadavar qui clôture les hostilités sur la Desert Stage et son leader, Christoph Lindemann aka Lupus, a pas mal de choses à dire. S’il y a bien quelque chose que cette crise sanitaire nous aura appris, c’est qu’un musicien reste un musicien, même sans pouvoir sortir de chez lui ni fréquenter ses petits camarades de jeu. Alors cette interview sera volontairement intimiste, même si nous évoquerons bien sûr Robotor Records, le nouveau label made in Kadavar, ainsi que le projet psych old school le plus excitant du moment : leur collaboration avec Elder répondant au doux nom elfique de Eldovar… (PHOTOS : Sylvain Golvet)

D’abord, on va remonter un peu dans le temps. Peux-tu me dire quelle est la toute première chanson que tu as appris à jouer à la guitare ?

Lupus : Je pense que c’était « Smoke on the Water » ou « Nothing Else Matters », quelque chose où tu n’as pas besoin de savoir grand chose et où tu peux quand même jouer. Je n’ai jamais appris la guitare acoustique et j’ai commencé tout de suite avec la guitare électrique. Ma sœur avait une guitare acoustique et j’étais jaloux, alors j’ai demandé une guitare électrique (rires).

Y a-t-il un concert, en tant que spectateur, qui a changé ta vie ou du moins ta perception de la musique ?

Je ne me souviens pas exactement de l’année, mais c’était un groupe français appelé Gong. Je jouais avec un type beaucoup plus âgé quand je suis arrivé à Berlin. J’avais dix-neuf ans, il en avait quarante et il m’a demandé de jouer de la guitare dans son groupe. Il avait une énorme collection de disques et me prenait sous son aile, me guidait dans la bonne direction. Un jour il est venu avec un disque de Gong et m’a dit : « tu dois connaître ça ». J’ai commencé à les aimer et les ai vus en concert quand Daevid Allen était encore en forme. C’était à un vieux festival heavy en Allemagne, et ça a tout changé parce que quand j’ai vu ça, j’ai su que je voulais avoir un groupe psychédélique.

Parlons live ! Une chose qui diffère des années 60/70’s actuellement, c’est que les groupes répètent leur set et ont tendance à jouer le même show tous les jours. Dans le temps, les groupes jouaient des sets différents chaque soir, parfois c’était inspiré, parfois non. Il y avait un notion de risque. Prenez-vous des risques sur scène ?

Monter sur scène est déjà un risque ! (Rires) À l’époque, il n’y avait pas de téléphones ni de caméras, donc je suppose que si vous annuliez votre spectacle, personne ne le saurait dans la ville voisine. Aujourd’hui, chaque minute du spectacle est visible par tout le monde. En ce qui concerne Kadavar, nous essayons de ne pas jouer le même set tous les soirs. Nous avons généralement six ou sept chansons supplémentaires que nous jouons et que nous changeons d’un soir à l’autre. C’est important parce que votre tête devient un peu paresseuse lorsque vous savez ce qui vient ensuite, et lorsque nous changeons au moins l’ordre, nous sommes plus concentrés.

Les nouvelles technologies ont changé beaucoup de choses…

Pour moi oui, parce que je déteste me voir le lendemain sur Youtube… Non pas que je me googlise tous les jours (rires), mais je sais que c’est là et c’est déjà suffisant.

« Soyez ouvert d’esprit, sortez de votre zone de confort, voyagez dans le monde entier, rencontrez d’autres personnes, apprenez d’elles. » – Lupus Lindemann

En tant que musicien, quelle est la chose la plus importante que tu aies apprise ?

Tout d’abord, il faut savoir attendre. Parce que c’est ce qu’on fait toute la journée lorsque on est en tournée. Ensuite, il faut être ouvert d’esprit, sortir de sa zone de confort, voyager dans le monde entier, rencontrer d’autres personnes, apprendre d’elles. Vous pouvez être amené à guider les gens autour de vous et à être un exemple pour eux. Je pense que toute ces tournées ont fait de moi une personne meilleure. Peut-être… J’espère que les autres le pensent aussi… (Rires)

En parlant d’exemple, il y a quelques mois, vous avez dit souhaiter trouver du sang neuf via votre propre label Robotor Records, en disant aux musiciens qu’il est encore possible de faire du rock aujourd’hui, que ce n’est pas seulement quelque chose du passé.

Nous venons de signer un jeune groupe finlandais appelé Polymoon, et je pense qu’il réunit tout ce que nous cherchons. Ils ont des influences récentes, le son est nouveau, mais leur façon de jouer est old school. Il y a d’autres groupes qui nous intéressent, mais en même temps, nous voulons que le label reste petit car c’est beaucoup de travail. Si nous avons trop de groupes, nous n’aurons pas le temps et l’énergie nécessaires pour faire tout ce qui doit être fait, et ce ne serait pas juste pour ces jeunes. C’est quelque chose qu’on a appris quand on était jeunes : on a toujours besoin de quelqu’un qui aime ce qu’on fait et qui essaie vraiment de le pousser, quelqu’un qui se donne à 100%. Si je pense ne pas avoir ces 100% disponibles pour eux parce que je suis occupé par autre chose, ce serait un sentiment terrible pour ces jeunes qui me font confiance.

Avez-vous rencontré des personnes dignes de confiance lorsque vous étiez un jeune groupe ? Quelqu’un qui a pu vous donner ces 100% ?

Oui, notre premier label [This Charming Man Records] a vraiment fait un travail d’enfer et nous a poussés avec tous les moyens qu’il avait, car c’était le label d’une personne. Il y a aussi l’équipe de Nuclear Blast qui est vraiment prête à tout et qui essaie toujours de nous soutenir.

« Nous avons sorti six ou sept albums en dix ans, donc trouver cette inspiration qui nous amène à faire quelque chose qui n’a pas encore été fait est quelque chose qui, je l’espère, ne disparaîtra jamais. » – Lupus Lindemann

Depuis les débuts de Kadavar, qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui n’a pas changé, et qu’est-ce qui ne changera jamais ?

Ce qui a changé, c’est que le temps de la débauche est révolu. Nous profitons désormais de la vie et des tournées d’une manière différente. Nous avons enregistré notre tout premier live ici-même, sur la Canyon Stage en 2013. C’était une tournée lourde avec beaucoup de fêtes tous les soirs. Et maintenant je suis ici, huit ans plus tard, et je me souviens de tout ça, et je me dis « je ne pourrais vraiment pas faire ça aujourd’hui ». (Rires)

Une chose qui, je l’espère, ne changera jamais, c’est ce feu qui nous pousse à aller plus loin et l’intérêt d’essayer des choses et de ne pas faire la même chose encore et encore. Une chose qui, je l’espère, ne changera jamais, c’est que nous avons ces influences de partout, nous les prenons et créons quelque chose dont nous ne nous lassons pas. Nous avons sorti six ou sept albums en dix ans, donc trouver cette inspiration qui nous amène à faire quelque chose qui n’a pas encore été fait est quelque chose qui, je l’espère, ne disparaîtra jamais.

Carte blanche pour la dernière question ! Quelque chose à rajouter ?

Oh, j’adore ce genre de questions, mais ce sont les plus difficiles (rires). Nous avons sorti un album avec Elder. Le projet s’appelle Eldovar et le disque sortira en décembre [il est disponible maintenant sur Bandcamp], j’en suis très heureux. Ça a commencé comme une petite jam session d’un week-end, nous nous réunissions juste pour jouer ensemble et nous avons réalisé que le courant passait entre les groupes, alors nous nous sommes posés pour écrire et enregistrer de quoi faire un album complet. On devait avoir quinze heures de musique… On se connaissait sans plus. Leur bassiste était coincé aux États-Unis et ils ne pouvaient pas répéter ou jouer. Ils s’ennuyaient et nous aussi, alors on s’est dit « ok, on a un studio, faisons-le ». C’est notre deuxième album né de l’ennui après “The Isolation Tapes” (rires). Nous venons également de sortir l’album de Splinter qui vaut vraiment la peine d’être écouté, les gars viennent des Pays-Bas. Nous essayons de faire des choses spéciales que nous n’avons pas faites avant sur un grand label, comme des collaborations avec d’autres groupes ou des singles, alors suivez les news et vous saurez tout !

Retrouvez Kadavar sur Facebook, Bandcamp, Instagram, et leur label Robotor Records.

Last modified: 8 janvier 2022