KING BUZZO est un homme occupé. Lorsqu’il n’est pas en tournée, on le trouve en train d’enregistrer trois albums par an avec l’un des nombreux line-up des Melvins ou avec son ami Mike Patton pour bosser sur Fantômas. Pourtant, au milieu de cet emploi du temps de ministre, le Tahiti Bob du Sludge metal a trouvé le temps de pondre un nouvel album en quasi solo (seulement accompagné du Melvins à temps partiel Trevor Dunn à la contrebasse).
Alors ça donne quoi King Buzzo en duo ? On peut le dire, « Gift of Sacrifice », paru au mois d’août dernier, est un excellent album. De ceux qui plaira aux inconditionnels des Melvins, mais aussi à un public plus vaste si tant est qu’il soit amené à y poser une oreille. Et même si les arrangements se veulent moins énervés et les cordes et instruments acoustiques plus souvent de sortie, on retrouve bien vite une attaque, des dissonances et autres larsens typiques de King Buzzo. En fait, cet album est surtout l’occasion de mieux cerner la qualité d’écriture du gaillard. Les lignes de guitares sont efficaces mais jamais évidentes. La voix est toujours honnête, sur le fil, et conserve l’aspect scandé et nonchalant qu’on attend de Sir Osborne.
Après une intro presque trop courte, nous voilà embarqués dans « Housing, Luxury, Energy », véritable pièce maîtresse de l’album. Le morceau se veut changeant, remuant, et on l’imagine sans mal en version plus lourde. Le jeu de contrebasse de Trevor Dunn se marie toujours si bien aux délires de King Buzzo. L’aspect bruitiste et parfois avant-gardiste ne serait pas sans rappeler les belles heures du Velvet Underground, mais c’est le lugubre et la spontanéité qui viennent distancer cette œuvre de celle de ses aînés, plus travaillées et d’aucuns diront plus élitistes. On retrouvera d’ailleurs cette volonté et cette ambiance sur « Junkie Jesus ».
Notons aussi le presque stoner « Delayed Clarity » qui aurait pu trouver sa place sur « Welcome to Sky Valley » de Kyuss tant l’atmosphère peut rappeler « Space Cadet ». Un style que l’on retrouvera sur le moins marquant « Science in Modern America ».
D’autres titres aux rythmiques plus syncopées nous rapprochent d’une écriture Melvins plus classique, tel l’hyper efficace « I’m Glad I Could Help Out » ou « Mock She ». L’album se clôture quelques secondes plus tard via le bruitiste « Acoustic Junkie ». Une manière pour King Buzzo d’annoncer le retour à plus de violence ? Enfin, notons une volonté de finir la majorité des titres par une ambiance noisy, coupée abruptement. Si c’est souvent bien fait, cela frise parfois le gimmick inutile tant l’album n’avait besoin de ces artifices.
Nombre d’auditeurs pourraient se demander, à juste titre, si ces morceaux n’auraient pas mérités un traitement à la sauce Melvins, mais les arrangements fonctionnent parfaitement ainsi et reflètent avant tout la vision d’un homme seul — là où les Melvins reposent sur un sens de la rythmique et une alchimie uniques, propre à la combinaison Buzzo / Dale Grover (et leur bassiste du moment, quel qu’il soit).
C’est finalement une parenthèse plus expérimentale et pourtant plus ouverte sur ses propres envies et émotions que propose « Gift of Sacrifice ». Un album qui a le bon goût de ne pas s’éterniser et ainsi nous donner envie de l’écouter à nouveau, entre « Houdini », « Stoner Witch » ou « (A) Senile Animal » (les 3 meilleurs albums des Melvins, promis juré).
Last modified: 11 janvier 2021