ALAIN JOHANNES est partout. Pas dans la lumière. En retrait. À côté des autres, de ceux qu’il aime, tel le Pygmalion du Rock. Toute discothèque digne de ce nom contient au moins une galette à laquelle Alain Johannes a participé : c’est désormais une règle non écrite dans la bible du Rock. Et si vous en doutiez, un coup d’oeil à son impressionnant CV finira par vous convaincre : il assiste Chris Cornell pour son premier album solo, mixe « Rated R » pour Queens Of The Stone Age, participe au mythique « Desert Sessions » et co-écrit notamment « Hangin’ Tree » pour l’album qui sauva le Rock à l’Aube des années 2000, puis devient membre à part entière de la formation pour ses trois albums suivants. Depuis, on le voit régulièrement prêter main forte aux copains : Puscifer, Eagles Of Death Metal, Artic Monkeys, Them Crooked Vultures, PJ Harvey, Mark Lanegan… Son nom, gage de qualité, est mis en avant dans toutes les promos et pourtant, impossible de se remémorer un disque plus personnel de ce stakhanoviste Rock.
De son propre aveu, « Hum » est l’album où il se livre le plus. Tel le bruit du souffle, « Hum » est l’expiration de tous ses maux, ses doutes, son amertume et ses souffrances à la suite d’une période troublée de sa vie. Fin 2019, une pneumonie le cloue au lit pendant deux mois. La perte de ses êtres chers, notamment son épouse, Natasha, et Chris Cornell, son ami, refont surface et l’accable durant ces angoissantes journées à combattre la maladie.
« Hum » représente donc la résolution d’un homme à faire face à la souffrance pour retrouver une paix intérieure. Physique et mentale. Le besoin impérieux de créer, le besoin de faire le deuil se fait ressentir. Ecrit en seulement douze jours, en plein tourment, « Hum » n’a pourtant rien d’une œuvre urgente ou passionnée. Le disque est étrangement apaisant et réconfortant ; aussi doux que la réminiscence d’une vie prénatale (« Hum »). C’est même le rythme cardiaque maternel que l’on pourrait entendre sur « If Morning Comes ». Certainement le titre le plus réussi (avec « Hallowed Bones »), Alain Johannes y chante, dans un brouillard de guitares fuzzées, sa gratitude envers Dieu, pour chaque nouveau matin qu’il aurait la chance de vivre, alors en proie à la maladie.
Mais que ce soit sur ces titres plus élaborés ou sur de simples guitares folk rêveuses comme « Free », Alain Johannes sait faire preuve d’un sens mélodique affûté, sublimant même les ritournelles au ukulélé ou osant des productions plus électro, comme il a déjà pu proposer pour Mark Lanegan sur « Blues Funeral » par exemple. Toujours juste et à propos malgré la pluralité de genres, le producteur Alain Johannes sait aussi mettre en valeur son chant ample et soyeux, constamment en mouvement. Il s’en dégage la confiance d’un être apaisé et la force d’un homme qui a su faire face.
« Hum » est donc le témoignage d’un homme meurtri mais qui a su trouver l’apaisement par la création. En ce sens, « Hum » est profondément cathartique et nous rappelle une des fonctions premières de l’Art : se libérer. Alain nous invite à ressentir cette même paix, ne serait que le temps de ce disque. Et quand c’est un musicien aussi talentueux, on aurait tort de s’en priver.
Last modified: 5 novembre 2020