Plus à l’Est avec le rock psyché classieux de TARABAN et « How The East Was Lost »

Written by Chronique

La Pologne semble être une source intarissable de groupes talentueux. On ne va pas vous répéter tout le bien que l’on pense de cette scène dont l’effervescence semble faire ici des émules : après Dopelord, Weedpecker, Spaceslug ou encore Sunnata, nous voilà qu’arrive TARABAN.

Ta-ra-ban, trois syllabes pour un power trio désignant également un tambour utilisé par temps de guerre pour exalter le courage et effacer les peurs de ceux qui s’apprêtent à mourir. C’est d’ailleurs pour dénoncer l’absurdité de la guerre (du Vietnam en l’occurence) que le groupe avait enregistré en 2016 l’EP « Valkyrie Eleison », dont l’écoute est plus que recommandable. Et si l’envie d’en découdre et le feu semble toujours animer nos polonais, prêts à conquérir l’Ouest, les intentions et les sonorités sont moins belliqueuses. En accentuant ses racines psychédéliques et blues, Taraban délivre avec ce « How The East Was Lost » un proto-métal ample et classieux.

Bien sûr, le revival 70’s récent abonde déjà de groupes, tous plus ou moins benchmarké sur Graveyard ou Kadavar et ce, jusqu’à l’overdose. Si Taraban semble plus se rapprocher du premier, l’intérêt pour cet album réside dans l’atmosphère mystérieuse (à l’image de cette sublime pochette vert et or) qu’elle distille tout le long de rêveries chimériques. En effet, si le blues de Graveyard servait une mélancolie post mortem, Taraban dégage de ses compositions l’essence même du romantisme et du Spleen baudelairien.

En véritable dandys musicaux, aux guitares élégantes et impertinentes, TARABAN magnifie le mystère et le fantastique, peignant des paysages chargés de brumes matinales, cherchant l’évasion dans une continuelle rêverie pinkfloydienne. En loosers magnifiques, ils traduisent par une sensibilité passionnée et mélancolique, un mal de vivre de leur jeunesse. Une certaine idée du Rock, finalement. A ce titre, « The Plague » en est le parfait exemple.

Tout ancré dans le passé qu’il est, comme si l’époque à laquelle Taraban appartenait ne lui convenait pas, le disque n’en reste pas moins moderne. La production évite l’écueil d’un son passéiste, jouant habillement avec les effets et les distorsions, usant parcimonieusement de nappes aériennes et volutes au clavier et d’un saxophone caméléon. Il suffira de laisser filer en intraveineuse la lente agonie qu’est « Liberty Fraternity Eternity » pour s’en convaincre.

Mais le joker de ce disque, c’est véritablement le chant de crooner soul de Daniel Suder. Il représente à lui seul l’agitation et la poésie du disque, faite de tristesse, langueur et dégoût du présent. Comment ne pas être envouté par cette voix si poétique et passionnée ? Comment ne pas se laisser entraîner dans les limbes vers lesquels il nous transporte ?

Si Rimbaud et Verlaine étaient nos contemporains, désinvoltes et raffinés, ils joueraient dans TARABAN. Dans un paysage musical répétant à l’infini les mêmes formules éprouvées, Taraban s’affirme avec caractère et nous gratifie d’un album dont l’abstraction défie avec brio l’auditeur. La Pologne s’est trouvé un nouveau porte-étendard en Taraban, un instrument battant au rythme de la passion de ces nouveaux conquérants musicaux.

ARTISTE : Taraban
ALBUM : « When The East Was Lost »
DATE DE SORTIE : 22 novembre 2019
LABEL : Indépendant
GENRE : Power rock / rock psyché
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Last modified: 22 novembre 2019