Il fallait que ça arrive, et on l’attendait particulièrement aussi il faut bien le dire : nos petits chouchous psyché KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD s’attaquent au metôôôl ! Hum, mais attendez, « Murder of the Universe » c’était pas déjà du metal ? Et « Crumbling Castle », ça lorgnait pas un peu vers le prog ? Ah oui oui, rien d’étonnant pour qui suit leur (prolifique) carrière. Et il n’y a pas lieu de penser que le combo s’attaque au genre par pure coquetterie. Mais évacuons tout de suite toute notion de légitimité : King Gizzard est un groupe de rock, qui joue du metal. Point. Les puristes de metal n’y verront pas le messie, les auditeurs de rock ne se mettront pas à mosher dessus tous les quatre matins… La face du monde musical n’en sera pas changée. Maintenant voyons pourquoi le Roi Gésier décide de s’attaquer à ce genre en particulier avec ce disque.
Bien sûr, il y a la volonté de Stu et son équipe de rendre hommage au thrash qui a bercé leur adolescence (Slayer, Exodus, Kreator… mais aussi Motörhead) et de cocher une nouvelle case de leur tableau périodique des genres musicaux à compléter. Mais une fois l’idée posée, pourquoi renier ses thèmes de prédilections ? Voici donc une nouvelle occasion d’évoquer l’Homme face à sa condition et à sa survie, en poursuivant l’évocation écologique de « Fishing for Fishies » sorti plus tôt dans l’année. Et coïncidence macabre, le 15ème album des Australiens sort lors d’un été caniculaire, pendant que l’Amazonie brûle comme jamais. C’est donc parti pour un récit apocalyptique futuriste (?) où les pauvres agonisent sur cette Terre mourante (« Planet B ») pendant que les riches regardent vers Mars (« Mars for the Rich ») et les plus désespérés vers Venus (« Venusian 1 » et 2).
Plutôt déprimant hein ? Ah, on est pas ici pour la blague et KING GIZZARD plonge de manière frénétique dans cette SF post-apo de la manière la plus furieuse qui soit. C’est bien simple, l’album est une cavalcade furibonde pleine d’à-coups et de rythmes heurtés, un parcours de « non-santé » où le doom le plus sleepesque côtoie la furie garage metalisée. C’est l’équivalent d’un circle pit infernal où l’on serait assailli de croches-pattes. Essayez donc de mosher sur « Self-Immolate » et son alternance de temps forts et vous avez toutes les chances de finir le nez au sol. La deuxième partie du disque qui relate la fuite éperdue de Terriens fous vers Venus semble même aller de plus en plus vite. Les riffs à la Slayer s’enchaînent comme ce vaisseau fuyant l’apocalypse qu’ils illustrent et « Hell », la dernière piste nous envoie tout droit en Enfer, en sueur.
Pourtant, tout thrash metal qu’il est, l’album ne fait pas tâche dans l’imposante discographie du combo. Les gimmicks habituels sont là : les riffs et phrases mélodiques qui se répondent, les effets de larsen, Stu et ses « whooo » et même l’harmonica hanté d’Ambrose sur Perihelion. Et surtout, ce talent de composition et de structure qui permet à chaque morceau de ressortir du lot. Surtout, le son garde cet aspect garage vivant et chaud, quasi live, tout en laissant chaque instrument parler. Et oui, comme c’est pas vraiment du metal, la ligne de basse vaut le coup d’oreille (krr krrr).
Finalement beaucoup moins caressé dans le sens du fun, l’auditeur doit se rendre à l’évidence : loin d’être une incartade récréative, Infest the Rats’ Nest est bien une pierre angulaire de l’oeuvre gizzardienne. À la façon de Nonagon Infinity, il révèle une cohérence entre le concept et son exécution et surtout une furieuse envie de se le remettre dans la foulée. Jusqu’à la disparition de cette chère planète.
ARTISTE : King Gizzard & The Lizard Wizard
ALBUM : « Infest the Rat’s Nest »
LABEL : ATO / Flightless
DATE DE SORTIE : 16 août 2019
GENRE : Thrash metal / Garage
More : Facebook / Bandcamp
Last modified: 23 novembre 2019