EARTHLESS nous a une fois de plus régalé cette année avec Black Heaven, un excellent opus qui bousculait pourtant nos certitudes, en réduisant la voile en terme de jam et en mettant un accent plus prononcé sur le songwriting et le travail de studio. On avait donc quelques interrogations sur cette nouvelle approche du son Earthless. En attendant le printemps prochain et leur retour en Europe, le guitariste du légendaire trio américain, Isaiah Mitchell, a pris de le temps de répondre à nos questions. (PHOTO: Atiba Jefferson)
Mario Rubalcaba (batterie) déclarait pour la sortie de Rhythms from a Cosmic Sky que vous étiez limité dans la longueur des morceaux pour les enregistrer sur disque. Deux albums plus tard, vous ne dépassez pas les neuf minutes par titre, et sortez six morceaux sur un album de quarante minutes. Vous étiez pressés ?
Isaiah Mitchell (guitare & chant) : On n’était pas vraiment pressés, mais on a écrit les morceaux avec plus d’énergie. En fait, les morceaux qui ont le mieux fonctionné en studio étaient celles avec du chant. Mais après toutes ces années, on est toujours autant limités par ces 20 minutes par face !
Blague à part, les morceaux de Black Heaven sont plus in your face que précédemment. Vous vous laissez moins le temps d’installer les ambiances et allez droit au but. Du coup, l’album semble avoir deux fois plus de riffs et d’idée mélodiques. Est-ce qu’il a été deux fois plus long à composer et enregistrer ?
Isaiah : Sur « Black Heaven », la plupart des compos ont été bossées individuellement car je ne vis plus à San Diego. Mike (Eginton, basse) and Mario (Rubalcaba) se chargeaient du gros d’un morceau, j’en ai amené certains autres sur la table, et nous en avons également composé certains ensemble durant les répétitions d’avant-studio. Pour la première fois, j’ai fait des démos chez moi avant de faire écouter quoi que ce soit aux autres, ça m’a permis de tester les overdubs, de prendre le temps de peaufiner les choses, et d’avoir une vision d’ensemble à présenter aux collègues. Ça nous a permis d’économiser pas mal de temps une fois en studio. On a enregistré avec Pro Tools, ce qui nous a offert des possibilités infinies. Une fois au Rancho de la Luna. Dave (Catching) nous donnait son avis sur telle ou telle chose, ce qui était aussi plus que bienvenu.
« On adorait être ce groupe purement instrumental, même si cela ne nous a jamais empêché de parsemer nos albums de chant, mais on voulait juste faire quelque chose de radicalement différent et inviter tout le monde à se joindre à nous dans ce nouveau trip ! »
Forcément, la plus forte présence de ta voix sur les morceaux me fait penser à Golden Void, surtout sur « Sudden End ». Est-ce que ce side-project t’a donné plus d’assurance là-dessus, et vous a poussé à mettre cet aspect en avant ?
Isaiah : Mike et Mario savaient que je chantais, donc ce n’était pas forcément une question d’avoir plus confiance en moi ou pas. On adorait être ce groupe purement instrumental, même si cela ne nous a jamais empêché de parsemer nos albums de chant, mais on voulait juste faire quelque chose de radicalement différent pour ‘Black Heaven’ et inviter tout le monde à se joindre à nous dans ce nouveau trip !
Être au Rancho de la Luna pour enregistrer avec Dave Catching, c’était une expérience nouvelle. J’imagine que le lieu est propice au jam…
Isaiah : Ouais, être au Rancho avec Dave était fantastique ! C’est vraiment un lieu propice à la création et Dave est un mec adorable, donc forcément ça rend les choses beaucoup plus relax et faciles. Et puis être à Joshua Tree, c’est vraiment le tiercé gagnant pour se laisser aller.
« Volt Rush »est un morceau très fun et me rappelle pas mal ce que fait The Atomic Bitchwax. Vous aimez ce qu’ils font ?
Isaiah : Merci, content que tu aies aimé le morceau. J’adore Atomic Bitchwax, ces mecs sont super. Nous avons passé de très bons moments ensemble en tournée. Chris et Bob forment l’une de mes sections rythmiques préférées, et j’adore le jeu de guitare de Finn. Dommage qu’il ne fasse plus partie du groupe, mais je sais que Garrett fera le taf.
Je lisais une interview où Isaiah faisait une liste de ses chanteurs préférés, comme Townes Van Zandt, Sam Cooke ou Phil Linnot. Est-ce qu’à l’avenir vous pourriez tenter des choses plus acoustiques par exemple, ou même plus soul ?
Isaiah : Je n’ai aucune idée de ce qu’on fera sur le prochain album, mais on serait sûrement emballés de faire un truc bizarre et acoustique si c’était le bon moment. On ne veut pas perdre notre personnalité en tant que groupe. C’est fun de faire des choses différentes, mais je ne nous vois pas faire un truc R&B à la cool tout du long par exemple. Quoique, peut-être que ça fonctionnerait ? Qui sait…
« Black Heaven sonne plus comme un album studio alors que les précédents avaient plus une tonalité live. C’était fun de faire quelque chose de différent cette fois. »
Votre nouveau label, Nuclear Blast est réputé pour être un leader sur le marché rock et metal. Et on remarque souvent que les groupes qui y signent se dotent d’un son moins brut et plus produit, voire même se formatent un peu, pour un succès commercial évident. Est-ce qu’ils sont intervenu de quelque manière que ce soit dans le processus d’écriture ou d’enregistrement ?
Isaiah : Monte (Conner, A&R de Nuclear Blast) nous a laissé carte blanche, et n’avait donc pas son mot à dire sur la conception de l’album. En terme de promo, ils ont évidemment une plus grande portée, mais pour ce qui est du créatif, on était nous même. De toute façon, on ne pourrait pas bosser avec un label qui essaie de nous changer. Alors oui, cet album est très différent des précédents, mais c’est aussi parce qu’on a utilisé Pro Tools lors des enregistrements, et qu’on pouvait ajouter un nombre infini de pistes à chaque morceau. D’habitude, on enregistre en analogue sur des 8, 16 ou 24 pistes, donc on a vraiment mis à profit les possibilités qu’offre ce logiciel. Je suis très content du résultat, mais j’ai aussi hâte de retourner à l’analogique. Black Heaven sonne plus comme un album studio alors que les précédents avaient plus une tonalité live. C’était fun de faire quelque chose de différent cette fois.
J’imagine qu’en live, ces changements sont moins flagrants. Est-ce que vous privilégiez toujours l’aspect jam en salle, avec cette idée de propulser l’esprit du spectateur ailleurs ?
Isaiah : Oui, notre approche du live n’a pas changé. On ajoute quelques morceaux avec chant à la setlist, mais globalement, ça reste instrumental avec pas mal de place pour l’impro. Que les gens se rassurent, si jamais ils s’inquiétaient !
On croise beaucoup de jeunes aux concerts de rock estampillés 60’s et 70’s. Comment pensez-vous que ces derniers soient connectés à une musique créée par et pour les baby boomers ? Vous vous posez la question de la modernité de votre musique ?
Isaiah : Je pense que la force de cette musique, c’est de pouvoir rentrer dedans sans hésitation. Un bon concert de rock avec les lights et décibels qui vont avec, ça captive. En tout cas, ça fonctionne pour moi. Si j’ai du mal à apprécier un groupe sur album, et que je prends mon pied à un de leurs concerts, alors j’aimerai forcément l’album par la suite. Le pouvoir du live est inégalable. Ça a changé ma vie de nombreuses fois, et je pense que c’est pareil pour beaucoup de gens. Les gens ne sont pas bêtes, ils peuvent sentir l’imposture à des kilomètres. Je suis bien content qu’à notre époque, il y ait encore des groupes qui défoncent et qui soient 100% frais et authentiques.
« Les ventes de guitares ont peut-être baissé, mais ça ne veut pas dire
que des gens ne se mettent pas à la guitare pour autant. »
Il y a un an, le Washington Post publiait un article sur la possible disparition de la guitare, en se basant sur les chiffres de vente en baisse constante chez Fender, ou plus récemment avec la banqueroute de Gibson. L’idée étant que la musique actuelle manque de guitar heroes et que les gamins s’en éloignent petit à petit. Personnellement, j’ai du mal à y croire mais vous en pensez quoi ?
Isaiah : Si tu es plutôt du genre musiques populaires et toute cette merde avec laquelle on nous rabâche les oreilles, alors effectivement, il n’y pas des masses de guitaristes pour inspirer les jeunes. Mais si tu te penches un peu plus sur d’autres genres de musiques, alors tu y trouveras des gens comme Dave Rawlings, Neil Young, Matt Pike, Brent Hinds, Dave Gilmour, Scott Law, Barry Sless, Neil Casal, Jim Thomas, Mike Campbell… Il y a des tonnes de guitaristes. Les ventes de guitares ont peut-être ralenti, mais ça ne veut pas dire que des gens ne se mettent pas à la guitare pour autant. Faire du air guitar ou de la gratte devant son miroir pour avoir l’air cool, ça reste un truc indémodable. Les cycles vont et viennent, il n’y a qu’à regarder l’Histoire. Mais si j’étais eux, je ne lirais pas ce genre d’articles. J’irai plutôt à un concert pour en juger par moi-même.
Retrouvez Earthless sur Facebook et Bandcamp
Nouvel album « Black Heaven » et « Live From the West » dispo chez Nuclear Blast Records
EARTHLESS EN TOURNÉE 2019
29 Avril – Epinal – La Souris verte
30 Avril – Pratteln (CH) – Konzertfabrik Z7 – Pratteln
7 Mai – Paris – La Maroquinerie* (avec Mars Red Sky)
8 Mai – Bordeaux – La Salle Des Fêtes Bordeaux Grand-Parc
9 Mai – Bilbao (EU) – Kafe Antzokia
Last modified: 14 octobre 2019