Tout comme les musiques qu’il défend, le DESERTFEST LONDON 2018 marche comme une recette. Chaque année, tu prépares le même paquetage, monte dans le même train ou vol, retrouve les même visages familiers devant le Black Heart, et dépense des sommes considérables en bière et merch. Le festival stoner/doom/sludge/psyché londonien revient pour sa septième édition, avec plus de scènes, de riffs, de pintes, de barbes, de vestes à patches et de festivaliers enjoués que jamais. Et c’est bien une recette fabuleuse qu’on a là, elle fonctionne à chaque fois. Le soleil nous fait l’honneur de sa présence, les bières sont fraîches, les t-shirts de groupes sont de sortie : et c’est parti pour le Desertfest 2018 ! (PHOTOS : John White)
Les adorables OLD MAN LIZARD lancent les hostilités dans la pénombre froide de l’Underworld. Avec les riffs saccadés et punchy de Gav Senior et les grooves solides de Dan Beales, le trio balance un heavy rock trapu et intelligent. Belle entrée en matière pour ce week-end de gros son, Old Man Lizard semblent avoir gagné en confiance au fil des ans. Avec des titres funky comme « Trees Fall Down », « Snakes », « Return to Earth » et « King Kong », les Lizard livrent un show musclé à la Taint qui défie toute catégorisation de genre. Je pense qu’on peut dire que cette foule compacte est chauffée comme il se doit !
THE BLACK WIZARDS ont beau avoir un nom des plus plus consensuels, les rockers portugais jouent leur heavy rock psyché teinté de country folk avec une passion et une finesse sans pareil. La chanteuse et guitariste Joana Brito est sans aucun doute le point d’intérêt numéro un, sa crinière flottant au dessus du ventilo de l’Underworld, ses riffs soyeux et son chant planant faisant le reste. Joana rencontre pourtant quelques problèmes techniques dès le début du set, lesquels nécessitent un changement de tête complet. The Black Wizards s’engagent alors pour 45 minutes de jams entêtants du desert sous acide dans la veine de Radio Moscow et Earthless. Bien que loin d’être l’un des groupes les plus spectaculaires du week-end, les nobles sorciers nous emportent dans un groove solide en ce milieu d’après-midi à Camden.
La machine grecque PLANET OF ZEUS accueille quant à elle les premiers spectateurs dans le dédale, les recoins et autres balcons du Koko, pour un instant d’euphorie heavy rock. Leurs jams metalliques propices au headbang et leurs refrains bon enfant pourraient tout aussi bien faire leur petit effet dans une cave que dans un stade, preuve en est avec cette foule qui reprend en choeur les passages entonnés avec fougue par Babis Papanikolaou. Les dieux du groove Planet Of Zeus tirent ensuite parti de cette belle performance pour écouler leurs t-shirts tandis qu’une foule indistincte de tote bags et autres shorts camouflage s’amasse au merch.
L’Underworld est désormais bondé et humide au possible, pourtant nous arrivons à nous y faufiler pour voir BLACK MOTH prendre leur envol. Harriet Hyde mène la troupe de Leeds au fil de riffs efficaces et de ses montées en puissance vocales. Leur nouvelle bassiste Federica Gialanze apporte un son plus épais à des morceaux comme le récent « Moonchild », ou au groove plus excentrique de leurs premiers morceaux. Black Moth sont donc acclamés en héros dans les entrailles sombres de la capitale londonienne.
« Mandales hyper speed » : voilà comment on pourrait résumer l’assaut perpétré par ZEKE. Avec la puissance de feu de Dayne Porras aux fûts (lequel rendrait tout le monde sourd à 5 kms à la ronde) et les aboiements cultes de Blind Marky Felchtone, le quatuor furieux écrase tout sur son passage au Koko pour une déflagration punk d’une heure au Koko. Oui, la recette est simple, et oui, la performance est tellement effrénée qu’on a presque du mal à capter les breaks, ni même a headbanguer proprement sur les morceaux. Ce set bulldozer de Zeke – sans parler des solos à s’en faire péter les ligaments de ce coquin de Kyle Whitefoot – sont aussi épuisants à regarder qu’ils le sont à jouer.
Un pèlerinage le long de Camden High Street et nous revoilà à l’Underworld où les légendes FREEDOM HAWK envoient leur desert rock rythmé. La bande-son idéale pour une virée en Camaro agrémentée de quelques bières bien fraîches, avec le chant si Ozzyesque de T.R. Morton qui pénètre les grooves des riffs enfumés du Hawk. Rien de sorcier ici, mais peu de groupes ce week-end seront en phase avec le stoner rock authentique de Freedom Hawk. Le hit crunchy « Blood Red Sky » est un de mes coups de coeur, tout comme le morceau plus récent « Solid Gold ».
Le Koko est plein à craquer pour THE OBSESSED, les parrains du doom emmenés par Wino, avec Reid Raley (ancien Rwake) à la basse et Brian Constantino à la batterie. Comme toujours, le Riff est puissant. Combinant de nouveaux titres comme « Sodden Jackal » et « Be The Night » de leur sublime dernier opus « Sacred » avec de vieux hits comme « Hiding Mask », « Way She Fly » et « Streetside », The Obsessed nous pondent une setlist du tonnerre tandis que les grognements nasillards de Wino prend l’ascendant sur les grooves écrasants du groupe. Le son n’a beau pas être aussi clean que pour d’autres groupes ayant joué dans la salle aujourd’hui, ça ne nous empêche pas de nous extasier au son de « Skybone » et la salve finale qu’est « Mourning ».
La nuit s’écoule lentement, les bières sont descendues à grandes lampées par les fidèles du Desertfest, qui sont présentement en train de vriller devant les stars de NOLA, EYEHATEGOD. On sait à quoi s’attendre avec les rois du sludge : « 30$ Bag », « Blank », « Shoplifter », « Agitation! Propaganda! », « Medicine Noose », « Revelation/Revolution », « Sisterfucker » et l’entêtant ‘Take As Needed For Pain »… Tout est là, en place, jouissif et crade au possible. Rajeuni mais toujours aussi stone, Mike IX Williams est dans une forme magistrale, hurlant par dessus les riffs meurtriers de Gary Mader et Jimmy Bower. Il manque tout de même un élément en la personne de Brian Patton à la guitare rythmique, et pourtant, EHG n’ont jamais été aussi puissants sur scène.
L’étage du Koko est enfin ouvert, ce qui veut dire que nos pieds fatigués peuvent enfin se reposer et nous pouvons mater les concerts depuis nos petits recoins secrets. La tête d’affiche, GRAVEYARD, nous gratifie d’un entrain sans pareil ce soir. Les chemises bariolées sont légion sur scène, tout comme les riffs entêtants, les grooves psychédéliques et les refrains grandioses de Joakim Nilsson. Ce n’est pas forcément le concert le plus puissant en terme de son, surtout après EHG, mais la sincérité de morceaux tels que « The Fox », « Ain’t Fit to Live Here » et « Uncomfortably Numb » nous rappelle pourquoi nous sommes un jour tombés amoureux des maîtres scandinaves du retro rock.
Les très versatiles WHITE HILLS sont un duo dépouillé au Black Heart ce soir, avec Ego Sensation à la batterie et Dave au riff, pour un rendu plus barré et psyché tu meurs. J’aurais aimé resté plus longtemps, mais je suis en train de battre mon record de concerts vus en une journée au Desertfest et ne compte pas m’arrêter en si bon chemin !
NAPALM DEATH ne changeront jamais, pas vrai ? Les légendes du grindcore concluent cette première journée avec style à l’Electric Ballroom, écrasant la foule compacte avec des riffs à la scie sauteuse, de furieux coups de poing punk en rafale, avec en bonus une ou deux interventions politico-sociales de Barney. Le Ballroom ayant été glorieusement mis à sac, c’est maintenant l’heure de retourner au Black Heart pour s’en jeter un ou deux et accessoirement recenser le nombre de t-shirts Sleep présents. La réponse ? Des millions et millions.
Last modified: 18 juillet 2018