Dire en 2017 d’un groupe, qui-plus-est récent, qu’il occupe une niche musicale à lui seul, c’est rare. Mais quand en plus, le groupe en question fait l’unanimité en l’espace de trois albums, c’est encore plus impressionnant. Cette perle rare existe et nous vient de Little rock en Arkansas ; un quatuor humble, sensible et intelligent pour qui, dès la première écoute de leur demo 3 titres en 2013, on pouvait d’ores et déjà clamer : « Yep, voici PALLBEARER. »
Alors oui, les éléments qui font le style PALLBEARER n’ont rien d’unique. On évolue clairement dans le doom metal, et même si on retrouvait déjà ces grandes orchestrations métalliques chez Candlemass et que les lignes de chant saisissantes de Brett Campbell dans toutes leurs variations ont déjà été vues chez des groupes allant des maîtres absolus Tool en passant par certains des albums les plus mystiques de Devin Townsend, ou plus récemment, des groupes techniques comme Tesseract ou Periphery. Mais tout est une affaire d’assemblage : avec cette tranquillité pure, émouvante, qui vous prend aux tripes, celle de la peine, de l’extinction, des fondements et autres fardeaux (NDLR: notre rédac anglais Pete faisant habilement référence aux albums « Sorrow Of Extinction » et « Foundations Of Burden »), Pallbearer continue sa progression au panthéon du Heavy grâce à ce son qui les rend désormais si identifiables.
Heartless, troisième album et aussi le plus attendu du groupe, est donc désormais dans les bacs et j’ai le plaisir de vous annoncer qu’il surpassera très sûrement vos attentes, tout en restant dans la veine même de leur précédents opus. « I Saw the End » nous renvoie direct là où des morceaux comme « The Ghost I Used to Be » et « The Legend » nous avaient laissé. De grands riffs, des refrains encore plus grands, des textures plus riches, et bien entendu, les lamentations caractéristiques de Campbell planant au dessus des grooves costauds de Joseph Rowland sont bels et bien de la partie. Le parfait petit Pallbearer illustré ? Check.
Avec « Thorns », on a là un le second morceau plus piquant, mixant solos glaciaux de Devin Holt et riffs haletants, le tout porté par une écriture très travaillée. Le marathon metal par Pallbearer? Check.
C’est à partir de « Lie of Survival » que Heartless se détache enfin de ses prédécesseurs Sorrow and Extinction et Foundations of Burden. L’héritage d’Iron Maiden et des Pink Floyd commence à se faire plus présent, tandis que Campbell, et Rowland en backing vocals, pilotent le galion hors des eaux purement doomesques, pour naviguer vers des territoires plus vastes et propices à la rêverie. Dans ses tons riches et chauds, la voix de Campbell en devient même plus monacale encore, tandis que Mark Lierly groove sereinement derrière les fûts. Ajoutez à ça quelques sursauts de Holt et une certaine indolence en ce qui concerne l’importance du Riff avec un grand R, et Pallbearer viennent de virer prog juste sous nos yeux.
L’histoire se poursuit sur une conclusion aussi grave que dépourvue d’espoir : « A Plea For Understanding » et le grandiose « Dancing in Madness » qui, même s’il lorgne par moments vers le jazz, ne se prive pas de malmener nos senses dans la deuxième moitié de ses onze minutes. Chaque écoute me procure des émotions différentes : des larmes d’angoisse aux doux bâillements d’ennui, me demandant bien où ce vagabondage sans fin veut en venir. Au final, qu’on aime ou on déteste, c’est du Pallbearer tout craché.
Le morceau éponyme et « Cruel Road » sont pour moi les deux vrais moments de grâce de l’album. De longues explorations auront finalement mené à une conclusion plus que bien sentie, portée par la voix lyrique et halfordienne de Campbell, et les profondeurs abyssales dans lesquelles le noble quatuor plonge avec une facilité et une sincerité inouïes pour leur âge.
Vous voulez que votre musique sorte du lot ? Composez, répétez autant que possible. Pallbearer nous prouvent qu’ils est encore possible d’affiner le sien tout en repoussant les limites d’une scène doom et sludge trop souvent stagnante, pour pénétrer dans des contrées encore inexplorées. Sans coeur ? Je ne dirais pas que ce disque l’est; plus la lumière face aux ténèbres destructrices de leurs deux premiers albums. Un album qui mérite toute votre attention, et sonne instantanément comme un classique ? Tel est le fardeau que le quatuor continue de porter contre ventes et marées.
ARTISTE : PALLBEARER
ALBUM : « Heartless »
DATE DE SORTIE : 24 mars 2017
LABEL : Profound Lore
GENRE : Doom metal traditionnel
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Last modified: 4 août 2017