AVERTISSEMENT : vous n’êtes pas prêts pour ce qui va suivre. Je n’étais pas prêt. Ça a été très difficile pour moi d’écrire cette chronique, car il m’aura fallu du temps avant d’assimiler entièrement EOD : A Tale of Dark Legacy. Et pour cause : c’est probablement l’album le plus complet et abouti que la bande bordelaise THE GREAT OLD ONES ait pu sortir jusqu’à présent…
Directement dans la lignée des précédentes offrandes, EOD : A Tale of Dark Legacy n’est pas à prendre à la légère. Il s’agit d’une entité maléfique qui met une nouvelle fois en scène – et avec beaucoup de fidélité – l’univers d’H.P. Lovecraft dans tout ce qu’il a de plus angoissant et sombre. En musique tout d’abord, mais également en image comme le prouve le tableau de Jeff Grimmal (guitariste et chanteur) utilisé pour la pochette. Nous avons délaissé les tons glacés et lumineux de Tekeli-Li pour nous enfoncer ici dans une cité obscure, en proie aux flammes et à une créature malveillante, qui règne sur un océan bleu électrique et déchaîné. Ce contraste tape-à-l’œil semble résumer à lui seul le contenu de ce nouvel opus.
Après une très courte (mais inquiétante) introduction aux sons mystérieux menée par une voix en anglais, nous plongeons avec fracas dans l’abîme… Un chaos brûlant, un véritable maelstrom de black metal sans pitié, brut, et presque déroutant, tant nous n’étions pas habitués à cette violence ! Le groupe nous a offert dans le passé des rythmes bien plus pachydermiques, des ambiances plus plombantes, des mélodies plus aériennes… Mais sur « Shadow Over Innsmouth », rien de tel, du moins en apparence. Car bientôt, tout semble se dégager de cette marée de fumées noires. Nous distinguons enfin ces mélodies qui vous restent en tête et vous envoûtent (comme ce fut le cas avec « Antartica » ou « Al Azif »). Le voyage commence enfin, malgré des passages toujours aussi effrénés qui rappelleront par moments les boucheries de Tsjuder, et par d’autres les symphonies de Limbonic Art. Oui, j’ai bien parlé de symphonies.
THE GREAT OLD ONES flirtent ici avec d’autres sous-genres du black metal, oscillant entre avant-garde, atmospheric, et symphonic black. Sur « The Ritual », une batterie solitaire entame un rythme tribal, avant d’être rejoint par des guitares lentes et pesantes, mais aussi et surtout : un orgue. Le décor est planté, vous n’avez plus qu’à fermer les yeux et vous imaginer en tenue de prêtre, un Necronomicon dans la main, des incantations au bord des lèvres. Notons aussi que les passages « parlés » ne sont plus en français comme sur Tekeli-Li, mais en anglais. Peut-être est-ce dans un souci de plus grande fidélité à l’oeuvre de l’auteur ? Pour la première fois il me semble même qu’un… solo est introduit. Oui, un solo. Typé hard rock, brûlant, infernal, presque dansant, sur la fin de « In Screams and flames », juste avant de nous laisser en tête à tête avec le violoncelle glaçant et grave de Quentin Gendrot (Qlay / Smogs & Tacos). Nous voici déjà rendus au dernier chapitre « Mare Infinitum », un long titre qui saura clôturer magistralement cette oeuvre, tel un vieux grimoire poussiéreux qu’on ressortira plus d’une fois de son étagère pour l’écouter, encore et encore. Mais la meilleure façon d’en profiter reste de s’allonger sur son lit, dans l’obscurité, et laisser son esprit errer à la dérive totale, comme sur une embarcation damnée, bloquée quelque part entre Garonne et ciel étoilé.
ARTISTE : The Great Old Ones
ALBUM : « EOD : A Tale of Dark Legacy »
DATE DE SORTIE : 27 janvier 2017
LABEL : Season Of Mist
GENRE : Black metal lovecraftien
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Last modified: 12 mars 2017