MOTOCULTOR FESTIVAL 2016 : Le Report – Jour 1

Written by Live

Entre nous, qui a déjà vu une telle affiche depuis la création du MOTOCULTOR FESTIVAL il y a bientôt 10 ans ? De gros noms tels que Neurosis (seule date en France), les génies de Cult Of Luna et Amenra (seule date de l’année), quelques grosses pointures stoner et doom comme Conan ou Bongzilla (première fois en France), les légendes indus américains Ministry, les mystérieux Batushka, du plus mainstream mais tout aussi génial comme Testament, une pointe de rigolade comme l’exige la tradition avec le Naheulband – ou Children Of Bodom pour certains – et un ovni électro synth wave avec les français de Carpenter Brut… De quoi satisfaire un public large, nouveau, et peut-être plus nombreux dans l’espoir de sauver ce festival dont le futur reste incertain, mais surtout de prendre quelques sacrées mandales. (PHOTOS : Pierre Le Ruyet)

VENDREDI 19 AOÛT – Après une courte nuit sur le campement, le déluge s’abat. Il fait gris, froid, le vent souffle et détruit tonnelles, bannières, tables, drapeaux… Une vision qui laisse présager le pire pour la suite. Les gens s’activent et une longue file d’attente se forme à l’entrée du festival, sous la pluie. Autre constatation peu réjouissante une fois arrivé au contrôle de sécurité : pas de nourriture autorisée dans l’enceinte, de quoi en faire râler plus d’un.

Nous filons directement sous la Massey Ferguscene pour nous abriter, et surtout prendre quelques riffs dans la tête pour nous réveiller. Et quoi de mieux que du stoner doom bien obscur typé Electric Wizard des Toulousains de WITCHTHROAT SERPENT pour rester dans la thématique de la météo ? Après la mystérieuse intro « Hydra’s Bewitchment » sonnent les accords de « A Caw Rises From My Guts », et je suis surpris par un truc : le son n’est pas fort du tout. Ce problème viendrait-il de la scène, de l’ingé son ou autre ? Les grésillements produits par le trio finissent finalement par remplir le chapiteau, formant une masse épaisse et envoûtante dans laquelle le public tout juste réveillé se laisse bercer. La plupart des titres semblent issus du nouvel opus « Sang-Dragon ». Je reconnais un morceau (ou interlude) qui m’avait complètement charmé lors de leur passage à Bordeaux en mars. La guitare joue une note longue et grave, seule, et des sons abyssaux en naissent, amplifiés par des pédales d’effets bidouillées et pas mal de distorsion… Une sorte de grondement sourd et lent résonnant telle une force mystique lovecraftienne. Ce premier concert s’achève avec quelques saignements d’oreille, signe que le son a été correctement augmenté.

Dehors, la pluie s’est calmée, nous laissant enfin la possibilité de découvrir le site. Nous nous promenons du côté du merch et de la restauration (rudimentaire, comme chaque année) et en profitons pour sécher avec les premiers rayons de soleil et le vent qui souffle toujours autant. MOONREICH est en train de déverser son black metal agressif sur les nouveaux arrivants, mais nous ne sommes pas trop d’humeur à recevoir du blast pour l’instant. Nous nous préparons à prendre une autre bûche de doom made in France : celle de BARABBAS. Nouveauté depuis leur show du Fall Of Summer de l’an dernier : une véritable procession introduit les membres sur scène, avec prêtres encapuchonnés, encensoir fumant agité, et le fameux pied de micro crucifix marqué d’inscriptions diaboliques et apporté comme une sainte relique… Les musiciens s’installent sous les applaudissements, et Saint Rodolphe, l’imposant chanteur aux allures de Ben Ward français se saisit de sa croix, qu’il ne tarde pas à retourner sous les hurlements de démence d’un public visiblement bien réveillé. Riffs lourds, lents et sabbathiens, paroles en français, insertions de synthé, gestuelles théâtrales mais loin d’être ridicules : la formule est efficace et réchauffe l’atmosphère malgré le vent frais qui souffle au dehors. Imaginez une bénédiction finale à coup de bière sur « Judas est une femme »… Le Saint Riff Rédempteur a encore frappé, et avec efficacité !

Petite pause après cette Messe du Doom. J’entame une sieste sur l’herbe presque sèche en écoutant au loin VULCAIN (du thrash à la française). « Sale temps pour les cons », comme on dit… Après tout, nous sommes en Bretagne, vous connaissez le proverbe (OK, elle était facile). Je n’accroche pas particulièrement à leur son et préfère rester au loin en attendant ATMOSPHERES sur la Massey Ferguscene… Et si j’avais su ce qui m’attendait ! Nous nous plaçons derrière l’ingé son, entre l’ombre du chapiteau et la lumière du soleil qui chauffe le sol sur lequel nous nous allongeons, crevés par les excès de la veille. La musique du jeune groupe belge se prête bien au repos et au calme, alors qu’il s’agit d’une formation djent/prog au son lourd et moderne. Lorsque je les ai découverts, je n’avais pu m’empêcher de les comparer à nos compatriotes montpelliérains de Uneven Structures, qui officient dans un style similaire mais plus agressif (proche de Meshuggah ou Vildhjarta), ou encore les regrettés américains d’Isis (dont le si joli nom est depuis souillé par un groupuscule d’illuminés tristement célèbre).

Alors que je commence à fermer les yeux, se dessinent dans mon esprit des paysages montagneux. Je vole au-dessus d’une crête rocheuse, je vois des sommets enneigés, et loin au-dessus de moi, le ciel et le soleil. Rien d’autre qu’un bleu pur, lisse, sans un seul nuage. Un paysage épuré comme leur musique, qui nous emmène vers des hauteurs encore jamais atteintes. Je reconnais « The Farthest Star », et plus tard la sublime « Satellite », avec son chant puissant, lointain, et incroyablement maîtrisé. Le son clair et à la fois complexe du groupe se manifeste en moi comme un paysage vivant. Leurs mélodies aériennes me transportent, je commence à avoir des visions hypnagogiques… Je me promène sur une planète dont le sol rocheux et poreux ressemble à de la pulpe d’orange. J’arrive à peine à me relever lorsque la fin du concert approche. Ils sont visiblement très touchés par l’accueil que leur a réservé le public comblé, et je suis pour ma part sur un petit nuage après une telle baffe. Jamais un groupe n’aura aussi bien porté son nom, et jamais sa musique n’aura aussi bien été traduite en un mot. Le gros coup de cœur de ce festival pour beaucoup de gens.

Atmospheres_Motocultor_2016

Retour express sur le camping avant une autre bûche (que dis-je ? Un séquoia !) à la sauce américaine cette fois-ci : THE MIDNIGHT GHOST TRAIN. Assurément la branlée inattendue de la journée pour bon nombre d’âmes innocentes. Plus de la moitié du public ne semblait pas s’attendre à ça de la part d’un groupe de stoner blues en apparence tout à fait banal… et pourtant ! Après une hospitalisation de la main il y a quelques mois, Steve le guitariste revient plus remonté que jamais. Quoi de mieux qu’une tournée pour se défouler ? Détail que je n’avais pas remarqué les fois précédentes : la taille ridiculement petite de son ampli à lampes. Comme quoi, il ne suffit pas d’avoir des murs de Marshall pour vous envoyer de gros riffs bien gras en pleine gueule. Arrivée du trio, et ô quelle joie d’entendre pour la première fois « Make It Rain » en guise d’intro (vous remarquez la cocasserie du rapport entre le titre et la météo de ce matin). La foule peut ainsi découvrir la voix rocailleuse du bluesman. Basse et batterie accompagnent calmement le morceau, quand soudain… « Along the Chasm » et « Gladstone » s’abattent sur nous. La trinité du bordel transforme instantanément la fosse en foutoir, le tout noyé dans un immense nuage de poussière.

Durant 50 minutes, nous aurons droit à un set essentiellement composé de titres du dernier album « Cold Was the Ground », mais également de « Buffalo ». Pogos, slams, et il me semble même voir des gens mosher… Le public pète littéralement les plombs, conquis par l’énergie rock’n’roll du trio et leurs compositions redoutables, alternant entre passages bluesy et martèlements heavy… Le concert semble avoir atteint son point culminant de violence… Quand le groupe clôture sur un tout autre registre avec « Ain’t it a Shame ». Quelle joie de l’entendre pour la première fois (bis) de mes oreilles désormais encrassées et… QUOI ?! Un wall of death ??? NON ! Non les gars, qu’est-ce que vous faites ?! La fosse se sépare, ignorant que le titre ne partira jamais car il s’agit d’un morceau blues. J’essaie de les en dissuader, de leur dire que ce n’est PAS un titre taillé pour la violence (le chanteur le dit lui-même au micro mais personne ne semble avoir entendu : « J’ai chanté cette chanson aux funérailles de mon père, et je la chante pour vous ce soir »). Tant pis, je chante avec le groupe au milieu d’une fosse à moitié vidée, et le concert se finit sur cette note ultime de troll musical qui me fait grassement rire après coup.

Après cette claque, j’erre de nouveau entre le camping et le festival à la recherche de boisson, de nourriture, de copains, d’un peu de calme et surtout d’un point d’eau (difficilement trouvable) pour nettoyer la poussière qui me colle à la peau et aux cheveux. J’aurais pu me dépêcher pour revoir KHORS, très bonne découverte du Ragnard Rock le mois dernier et groupe de pagan black metal où officie Jurgis (guitariste dans Nokturnal Mortum) en tant que frontman à la voix époustouflante. J’arrive durant le show de ROTTING CHRIST. Et plus je vois la formation grecque, plus je l’aime et me sens pousser un casque de spartiate sur la tête et une lance dans la main. J’ai envie de combattre aux Thermopyles en petit slip et longue cape rouge dans un circle pit comme le groupe aime tant en lancer. Le son est moins bon qu’au Ragnard Rock, mais l’ambiance est là. Nous nous rapprochons sans nous en rendre compte pour écouter ce mélange de death et black épique et mélodieux, et dont les quelques paroles chantées en grec me donnent plus d’un frisson. Il me semble que beaucoup de tueries ont été rajoutées à la setlist, mais je ne pourrais donner de titre précis, n’écoutant réellement le groupe que depuis un an environ (et ne parlant pas couramment la langue d’Aristote).

Encore une fois, nous changeons pour le chapiteau d’à côté, toujours dans un registre guerrier, mais d’un autre monde cette fois-ci… Celui de Pen of Chaos, créateur du célèbre Donjon de Naheulbeuk, présent ce soir avec le NAHEULBAND, la grosse surprise décalée de cette programmation. Retour au collège pour un bon nombre de festivaliers. Je commence à être extrêmement fatigué et ne capte pas grand chose de ce qu’il se passe sur scène, alors que les musiciens ouvrent sur le thème de Game of Thrones. Mes amis s’avancent un peu plus lorsqu’est entamée « À l’aventure compagnon », mais dans un moment d’agoraphobie je décide de rester là. Je croise alors une amie qui se met à déverser sa haine contre cette « bande de troubadours idiots ». « Viens, suis moi, on va voir Entombed. » Après tout, peut-être qu’un peu de death metal suédois va me réveiller.

J’ignore si ce sont eux que j’ai vu en 2012 au Hellfest juste avant Behemoth, ou s’il s’agit d’un autre ENTOMBED avec ou sans « AD ». Je découvre alors la Supositor Stage de nuit, perdue au pied d’une colline, dans une enclave au milieu des chênes. Le son est bon, entraînant, mais ne me convainc pas des masses. J’essaie de retourner vers les chapiteaux, et nous trouvons une entente : nous asseoir devant la Dave Mustage où ont lieu les balances de FLESHGOD APOCALYPSE, pour que je puisse entendre la fin du set du Naheulband. C’est là que je me rends compte que je ne connais au final pas très bien le groupe car à part la « Marche Barbare », « Mon Ancêtre Gurdil » et « La Bière du Donjon » (que je reprends sur scène avec mon propre groupe), le reste de la setlist ne me fait ni chaud ni froid. Lorsque que Fleshgod commencent à jouer, nous fuyons littéralement, ne supportant pas le chant féminin typé opéra loufoque et les passages symphoniques ultra kitsch, alors que ça passait plutôt bien les vingt premières secondes…

Petite pause par le camping, où je fais l’éloge du dernier bon groupe de la soirée… Je parle évidemment des norvégiens de SHINING ! Rien à voir avec ces raclures de suédois alcooliques menés par Niklas Kvarforth (j’aimais les suédois de tout mon coeur jusqu’à ce que le chanteur prenne la grosse tête et détruise son œuvre en se comportant comme une sombre ordure avec son public, mais aussi ses musiciens déjà bien ivres sur scène et incapables d’aligner correctement les notes d’un titre sublime tel que « Låt Oss Ta Allt Från Varandra »). Le seul point commun avec leurs homologues norvégiens ? Ils sont givrés. Préparez-vous à une expérience musicale et scénique hors du commun : Shining (norvégien, si vous avez suivi), c’est la classe absolue, ne serait-ce que parce que le groupe aime tourner des clips dans des endroits insolites tels que déserts et falaises de fjords en agrémentant son black metal industriel de passages au saxo et autres éléments électroniques capillotractés.

Un an que je rêvais de les revoir depuis cette découverte scotchante au Hellfest 2015. Paré pour la crise d’épilepsie, épisode 2 ! Première chose marquante : le light show absolument superbe et adapté sur tout le fond (jaune fluo) de la scène, comme si le décor avait été préparé dans la journée pour les accueillir, eux et eux seuls. Je crois que mon amie se moque du comportement un peu dandy et m’as-tu-vu du chanteur/guitariste/saxophoniste Jørgen Munkeby. Certes, il fait plus jouer son charisme que sa voix par moments, mais cela ne dure que le temps des premiers titres, et il reste un musicien hors pair. « I Won’t Forget »et « The One Inside » mettent tout le monde d’accord et déclenchent le chaos au loin dans la fosse. Tout en rapidité, en son ultra saturé et en technicité, malgré le minimalisme des instruments (en particulier la batterie, pourvue d’un unique tom et trois cymbales… audacieux pour du black metal). « The Madness and the Damage Done » clôture ce spectacle de furieux par un passage qui m’a traumatisé au Hellfest : un pur moment d’épilepsie et de bordel musical à 320 bpm où les stroboscopes mitraillent jusqu’à nous griller les neurones, comme le dessin animé des « Robots Tueurs » dans l’épisode des Simpsons au Japon. Je me roule par terre pour rendre hommage à ce dernier, et parce que ce fut mon premier réflexe l’an dernier à Clisson… Juste dément !

Fin du concert, nous voici face un dilemme : aller voir CHILDREN OF BODOM au risque d’être affreusement décu par leur son, ou rentrer et rester sur cette belle fin ? Mon amie et son libre arbitre en sont sortis complètement retournés, j’arrive donc à imposer mon choix : aller voir si le groupe de mon adolescence a continué dans sa médiocrité scénique, ou si ça peut passer après les litres de bière, de cidre et de vin que nous avons ingurgités durant la journée. Si je pouvais mettre une note sur 10 à ce concert, j’utiliserais mon joker pour mettre ?/10. Parce que je n’ai pas envie de dire que c’était mauvais, mon âme de gosse de 13 ans ne me le pardonnerait pas, c’est trop de souvenirs. Et il faut l’avouer, leurs anciens titres sont rudement efficaces. Mais mon corps d’adulte de 23 ans dirait lui que le son n’était pas génial, le chant mal géré, les solos maladroits… On tranchera en disant que le gamin de 6 ans et demi caché dans mon corps d’adulte de 23 ans a trouvé ça drôle et qu’il a malgré  tout apprécié ce show léger en intellectualisme. Parfait pour achever cette première soirée de festival.

Last modified: 11 octobre 2016