DOPETHRONE + FANTÖMS @ Void (02.08.16, Bordeaux)

Written by Live

Sti ! Deux ans après sa première destruction, Bordeaux se prépare à accueillir une seconde fois le bulldozer Sludge Blues québécois DOPETHRONE, dégoulinant de finesse et d’amour telle une poutine fraîchement débarquée au pays des canelés. Et comme d’habitude, c’est dans la même crasseuse et tant aimée salle du Void que nous allons vivre un tel événement.

L’atmosphère semble toujours aussi humide et propice à la consommation de substances bien appropriées. Bientôt 21h30 quand je me pointe au 58 rue du Mirail, mais asteure les hostilités n’ont toujours pas commencé. C’est FANTÖMS qui ouvre ce soir, apparemment inconnu au bataillon par la plupart des gens présents. Nous descendons avec une broue pour ouïr avec curiosité les sonorités de cette première partie, annoncée le jour même dans un quasi-anonymat. Le premier truc qui me marque : des « riffs » assez répétitifs, une batterie bien gérée mais qui se fond mal dans l’ensemble, et surtout des musiciens qui semblent issus de milieux totalement différents, comme si le groupe s’était formé hier. Pourtant, on sent qu’il y a de l’idée dans les compositions, du moins une intention de bien faire, ou d’expérimenter des trucs. Mais à trop se risquer sur des chemins hasardeux, on se perd parfois. Le chanteur semble lui-même ne pas trop savoir où se mettre, il se motive avec une 8.6 et un petit roulé. Il remercie timidement les gens présents ce soir, ceux qui ne le sont pas, comme sa famille, ses chats… dont on parle entre chaque morceau pour détendre l’atmosphère un peu angoissante et/ou gênante créée par leur son… inclassable. D’ailleurs le volume pourrait être poussé d’avantage, j’ai l’impression que les amplis ne sont pas repiqués. Il me semble entendre beaucoup d’éléments Thrash Metal qui rappelleront les premiers Pantera ou Sepultura. Pour le reste je ne saurais dire.

Ce n’est en tout cas pas un groupe très en accord avec la tête d’affiche de ce soir (le chanteur avoue même ignorer pour qui ils jouent, on est un peu sur le cul dans la fosse). Peu de monde semble s’y intéresser réellement, mais nous restons jusqu’au bout. Le mazoute met un certain moment à prendre, un peu comme l’alcool qui monte progressivement dans l’organisme. De la 8.6 à l’estomac, de l’estomac au cerveau… et ma bière se renverse par terre alors que j’écris ces mots. Putain c’est beau. Le dernier titre commence à nous faire rentrer dans leur univers, mais le concert se termine alors. Je veux pas faire la fayot, mais un groupe tel que les merveilleux chevaliers d’Ethili aurait peut-être été plus adéquat. Je dis ça en toute objectivité, évidemment, puisqu’une dizaine de personnes sont venu me dire ça après la fin de cette première partie. Bref. Nous remontons prendre nos dernières bouffées d’air frais avant le pilonnage de caboche.

Beaucoup de matos disposé dans la salle, mais moins que pour Conan. On peut lire quelques beaux mots sur la grosse caisse de la batterie, fait avec des bouts de scotch : « SMOKE / DRINK / DIE » et les acronymes « HCLG / MTL » (pour « Hochelaga / Montréal »). Pas de doute, nous sommes bien en territoire québécois provisoire. Arrivée de DOPETHRONE sur un extrait blues/country pépère de Merle Haggard, et pour Vincent toujours la jambe dans le plâtre et aidé d’une canne (ce qui a le don d’augmenter le taux de classe de cette scène). Branchements, réglages rapides, et dès le premier accord qui s’abat c’est le foutoir : tout le monde s’agite et veut décrocher sa nuque pour envoyer sa tête dans le plafond. L’air devient vicier, épais, obscur. Quelques tueries sont assénées sans prévenir, dont « Dry Hitter » que je reconnais bien. Je ne saurais lister avec précisions les autres titres car ma propre sobriété s’évapore elle aussi peu à peu pour rejoindre l’atmosphère de la salle. J’ai d’ailleurs le sentiment que chaque personne ici présente s’est donné pour objectif de la maintenir dans une sorte de fumée permanente, comme si l’entité Dopethrone ne pouvait pas jouer dans un autre environnement que celui-ci, avec son taux d’acidité et de vibrations bien précis. Mais contrairement au concert de dimanche dernier, celui-ci est aéré, du fait de la foule déchaînée qui agite chevelures et bras – et brasse donc pas mal d’air – mais aussi parce que… ça blues (du verbe blueser) ! Et ce malgré les petits soucis de santé. Un pied paralysé, où est le problème quand on en a un autre ? Entre chaque morceau, Vincent nous sert quelques mots ou anecdotes hilarantes dans leur beau dialecte canadien. « On s’est fait contrôler 5 fois d’puis l’début d’la tournée… » Carl, lui, lâche de classiques « Coliss ! » ou « Tabarnac ! » hurlés derrière ses fûts. Puis ça reprend, avec toujours le même groove, la même puissance, les mêmes mimiques schizophréniques, les crachats, la sueur et la bière se mélangeant à la fois aux planches de la scène et au sol gluant de la fosse. J’ai peur l’espace d’un instant de sortir de ce long trip et de devoir un jour retourner à la réalité… ou au contraire de ne jamais en sortir !

Dopethrone_concert_Void_Bordeaux

C’est musicalement hyper bien balancé, on pourrait presque en oublier ses bouchons de protection auditive. « Une surprise maint’nant, une toune du premier album« … Pas le temps de réfléchir à la toune en question que s’abat déjà « Demonsmoke » sur nos innocents crânes. Il me vient à l’idée de photographier le moindre nuage toxique qui émane de la foule à ce moment, mais je n’ai qu’un téléphone de qualité minable pour cette tâche. Dommage, ça ferait un album photo intéressant… Retracer le temps sous forme de fumée ! Ça transpire allègrement sur la LTD lorsque « la prochaine parle de religion… Du fait qu’on a pas b’soin d’ça dans la vie ! » La température semble augmenter sensiblement lorsque ça touche au sacré… et à l’hérétique ! (Notez mon jeu-de-mots habile en rapport avec l’ancien nom du lieu). Et puis tout à coup : « Vous connaissez les trois mots magiques ? » Probablement la phrase qui a fait le plus péter les plombs au public ce soir. En plein milieu de set, alors que l’humidité et la chaleur semblent avoir atteint leur sommet, « Scum Fuck Blues » enflamme sans surprise la petite cave, avec ses innombrables doigts levés, et toujours autant de fumée et d’alcool renversé. « SMOKE ! DRINK ! DIIIIIE ! »

Peu de temps après, sur l’avant dernier titre, une corde lâche pour notre guitariste dreadeux possédé. Le temps de la changer, de boire non pas une mais deux binouzes en même temps, Vincent nous sert quelques bonnes blagues à l’humour très noir que je ne prendrai pas le temps de développer ici, mais qui incluent par exemple un policier, une balle dans la tête, et son décès. L’objet dégoulinant de sueur une fois réparé, le morceau recommence. Sortie de scène, mais immédiatement suivie d’un rappel et d’un ultime pétage de plombs pour tout le monde. Le show se finit dans la joie et la sueur. Départ du crew montréalais sur le sample bluesy de David Allen Coe et des hurlements dégénérés d’un public visiblement comblé, et sensiblement plus nombreux que lors de leur premier passage en 2014. Pour ma part, je n’aurais pas dit non à 15 voir 30 minutes de set supplémentaire, mais l’intensité d’un tel événement, surtout dans un milieu aussi tropical que la cave du Void en été doit être particulièrement éprouvant. Et pourtant, il s’agissait d’une fin de tournée ! La preuve que le trio (malgré les emmerdes et les préceptes peu catholiques qu’ils suivent et incitent à suivre) arrive à tenir allègrement la route et envoyer des mandales comme on aime tant en recevoir à Bordeaux, qui accueille de plus en plus de perles du genre. DOPETHRONE CALICE !

 

 

Last modified: 11 octobre 2016