Entretien avec une pointure du classic rock suédois : Joakim Nilsson de GRAVEYARD.

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La Scandinavie est au heavy rock vintage ce que le Sud profond des Etats-Unis est au sludge bluesy et crasseux : un vivier d’excellence. Il arrive toutefois, à l’écoute de telle ou telle formation issue de ces froides contrées, que l’on se dise : « tiens, j’ai déjà entendu ça mille fois quelque part… ». En presque dix ans d’une carrière féconde et fulgurante, les Suédois de GRAVEYARD sont parvenus à se distinguer nettement de la masse – grâce à un chant puissant et rocailleux, des riffs grandiloquents et un répertoire de plus en plus varié. On a discuté avec Joakim Nilsson, chanteur et guitariste du groupe, quelques jours avant la sortie d’Innocence and Decadence – superbe quatrième album qui devrait rappeler aux nostalgiques des sixties/seventies que le rock a encore de belles années devant lui…

Trois années se sont découlées depuis Lights Out, qui était sorti à peine un an et demi après Hisingen Blues. On dirait que vous avez pris le temps de bien faire les choses pour celui-ci ?

Nous avons passé beaucoup de temps, deux ans environ, à défendre le dernier album sur scène – les deux derniers en fait, puisqu’il s’était écoulé si peu de temps entre eux. Puis, nous avons pris un an pour écrire les chansons d’Innocence and Decadence. On est assez désordonnés dans la composition, ça nous prend une éternité ! Mais puisqu’on n’a plus de boulots à côté, on peut prendre le temps qu’il faut. Nous avons enregistré dans un studio assez mythique en Suède [Atlantis Grammafon] ; tous les gros groupes du pays sont passés par là – à commencer par ABBA. On voulait essayer de nouvelles choses, obtenir un son plus lumineux, plus aéré.

Ça se voit, en effet, que vous avez essayé d’explorer de nouveaux champs, de nouvelles atmosphères. « Too Much is Not Enough », par exemple, a une tonalité soul très marquée. Vous empruntez souvent au blues et au jazz, mais ça c’est plutôt nouveau, non ?

Tout est assez proche, de toute façon – jazz, blues, soul… Ça vient du même endroit, donc ça ne nous semble pas si étrange que ça de nous en inspirer. Mais en effet, ça faisait longtemps que l’on voulait faire une vraie chanson soul – et on a eu l’occasion de travailler avec des chœurs féminins, ce qui donne vraiment une âme à ce morceau.

La chanson « Apple and the Tree », que vous avez dévoilée en avance, a reçu un écho très favorable et vous a valu quelques comparaisons avec Dire Straits. Etes-vous flattés, ou frustrés d’être comparés à des groupes du passé ?

Tu sais, ça sonne comme du Dire Straits pour nous aussi. En fait, le titre de travail de ce morceau était « la chanson Dire Straits » ! On ne voit pas ça comme une mauvaise chose – ce n’est pas exactement le même morceau ou le même riff ; c’est plus une question de feeling. Je ne suis pas fatigué des comparaisons, mais j’en ai marre qu’on ne nous prenne pas au sérieux – des gens qui disent que nous sommes un groupe nostalgique, qui ne fait pas de musique contemporaine… Je trouve que ça ne rend pas justice à ce qu’on fait. On essaye de faire une musique que tout le monde peut écouter, pas seulement les fans des années soixante et soixante-dix. Mais beaucoup de nos influences viennent de cette époque-là, donc on n’échappera jamais aux comparaisons.

En effet, la plupart de vos paroles se situent clairement dans l’instant présent, avec beaucoup de thèmes sociaux et politiques. Est-ce parce que vous ressentez le besoin de vous exprimer, ou parce vous croyez que cela fait partie de votre mission en tant que musiciens d’aborder des sujets sérieux ?

Les deux, je dirais. Tout le monde dans le groupe est intéressé par ces enjeux-là, on en discute beaucoup quand nous sommes en tournée. Ce serait donc bizarre de ne pas parler de choses importantes dans nos chansons – ce que nous voyons autour de nous, dans notre pays. Cela dit, je ne suis pas le parolier en chef du groupe – c’est surtout Axel [batterie] et Jonatan [guitare lead] qui font le boulot, plus Truls [basse] qui s’est occupé des paroles de « From a Whole in the Wall », sur laquelle il chante. Ça compense le fait qu’en termes de composition, c’est plutôt Jonatan et moi qui amenons les idées – on se complète les uns les autres, cela nous permet de créer des chansons que chaque membre du groupe peut apprécier.

Jonatan chante lui aussi, sur « Far Too Close ». Est-ce vous continuerez à faire chanter plusieurs membres du groupe sur un seul et même album ?

Oui, j’espère ! C’est agréable d’avoir des renforts. Je chanterai toujours l’essentiel de nos morceaux, mais j’espère qu’ils pourront en assurer un ou deux par album. Ça ajoute de la diversité.

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« J’en ai marre qu’on ne nous prenne pas au sérieux – des gens qui disent que nous sommes un groupe nostalgique, qui ne fait pas de musique contemporaine… Je trouve que ça ne rend pas justice à ce qu’on fait. »

De quelles chansons es-tu le plus fier sur cet album ? En termes de rendu global, mais aussi en ce qui concerne ta performance vocale ?

Je suis souvent le plus fier des chansons calmes – ici ce serait donc « Exit 97 » et « Too Much is Not Enough ». C’est sur ce type de morceaux que tu peux vraiment faire quelque chose en tant que chanteur – pas juste chanter haut et fort, mais aussi travailler les nuances.

Tu te verrais, dans un futur lointain, faire un album avec juste des chansons calmes ?

On verra… Peut-être ! Mais j’espère que non. C’est bien que nous ayons à la fois des chansons puissantes et des chansons calmes, des hauts et des bas. C’est ça qui est bien avec les albums, tu peux faire un peu de tout – pas juste des singles.

Parlons un peu de votre future tournée ! Vous avez annoncé quelques dates aux Etats-Unis, que peut-on attendre en Europe ?

On va commencer en Suède avec quelques dates, puis l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Pas la France ?  

Non, pas cette fois. D’ailleurs, on y a pas beaucoup été – il nous reste beaucoup de travail à faire en France. On viendra, c’est sûr, mais pas sur la première moitié de la tournée. Cette fois-ci, on va attaquer les Etats-Unis en deux parties – côte Ouest et côte Est – donc on sera sur les routes cet automne, mais aussi début 2016.

Innocence and Decadence est assez sophistiqué, notamment au niveau des chœurs et des arrangements. Penses-tu que vous pourrez le reproduire sur scène sans problème ?

Et bien, nous avons toujours eu des orgues et des claviers sur nos albums. On n’a pas de musicien pour les jouer sur scène, mais parfois notre ingénieur du son nous file un coup de main – il jouait les violons au synthé sur « Slow Motion Counter ». Sur le nouvel album, il y a des choses qu’on ne pourra pas jouer du tout, d’autres pour lesquelles on devra ruser un peu. Notamment pour les chœurs – Truls et Jonatan devront donner un coup de main. Mais dans l’ensemble l’album n’est pas si produit que ça, pas plus que les précédents.

Par le passé, vous avez joué en première partie d’Iron Maiden, Soundgarden ou encore Motorhead. C’était comment, de jouer avec des groupes aussi énormes ?

Iron Maiden est le plus gros concert qu’on ait fait jusqu’à présent. C’était à Gothenburg, notre ville natale, il y a un grand stade là-bas – 50 000 personnes, probablement. C’était très intimidant, car c’est arrivé assez tôt dans notre carrière. C’était un peu bancal, mais c’est passé vite – une demi-heure à peine. On s’est bien amusés, mais c’était plus marrant une fois que c’était fini…

D’ici cinq ou dix ans, tu aimerais que Graveyard devienne aussi gros que ces groupes là – jouant pour des dizaines de milliers de personnes ? Ou préfèrerais-tu que les choses restent à échelle humaine ?

Un entre-deux serait l’idéal. J’aime bien ce que nous avons actuellement, mais bon… j’ai envie d’acheter une maison (rires).

Dans tes rêves les plus fous, avec quel(s) artiste(s) aimerais-tu jouer ?

On n’a pas encore joué avec Black Sabbath… il ne reste plus qu’eux, je crois (rires).

Pour conclure, que peux-tu dire à votre public français pour le faire patienter ?

Désolé qu’on ne puisse pas venir ce coup-ci. Nous avons adoré joué au Hellfest, et on a hâte de revenir !

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« Innocence & Decadence » dans les bacs le 25 septembre via Nuclear Blast Records

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Last modified: 11 octobre 2016