Comme d’habitude au Ferrailleur, plateau grand luxe : le groupe d’ouverture n’est rien de moins que le trio US MOS GENERATOR, groupe à la discographie luxuriante et au pedigree live sûr. C’est un peu comme entamer un plateau de fromage direct par le saint-nectaire : on met la barre haut et la suite à intérêt à assurer. Plus sérieusement, MG aurait pu tenir la position de headliner ce soir, mais actu oblige, ELDER s’en charge, et s’en charge bien, tandis que la présence de NICK OLIVERI vient parfaire cette affiche rock de haute volée. (PHOTOS : Gaël Mathieu)
Mais avant toute sonate riffique et le lancement officiel des hostilités, nous avons eu le loisir de fouler le sol du Ferrailleur en milieu d’après-midi, et donc rencontrer les groupes, tous extrêmement détendus et heureux d’être là. Après un mois de tournée européenne conjointe, on sent une réelle complicité entre ELDER et leur ainés de MOS GENERATOR. Tony Reed plaisante même en disant qu’il a “retrouvé son fils caché” en la personne du guitariste et chanteur Nick DiSalvo, c’est dire s’ils sont comme cul et chemise. De son côté, NICK OLIVERI fait quant à lui preuve d’un sérieux (froideur ?) à toute épreuve. Le légendaire desert punk a une telle aura, qu’on ose à peine l’approcher. Mais ce n’est pas ce qui arrêtera Gaël Mathieu, qui va tirer le portrait de Nick ainsi que celui du trio de Port Orchard, avec un ou deux fous rires à la clé… Ces instants volés avec nos groupes fétiches ainsi qu’un apéro plus que convivial en bord de Loire ne manqueront pas de rendre cette journée inoubliable…
Ventilo dans sa longue chevelure ondulée et sa barbe miroitante, Tony Reed (gratte/chant) nous envoûte d’entrée de jeu, sa décontraction, sa voix de lover rugueux, le plaisir manifeste qu’il prend à être là devant un Ferrailleur honorablement rempli… L’ambiance est au poil pour faire décoller la soirée, et MOS GENERATOR met superbement le feu aux poudres, d’abord avec une série de tubes heavy rock au groove que tu ne peux pas test, jeune sbire du rock (“Electric Mountain Majesty”, “Step Up”); ensuite grâce à cette petit touche bluesy qui rappelle parfois Thin Lizzy (“On The Eve”). Groovy et sexy, le rock des Ricains n’oublie pas pour autant l’essentiel : un riffing de bûcheron appuyé par un batteur au bagage metal avéré, Jono Garrett. Membre de plusieurs combos thrash/death texans assez obscurs, Jono insuffle une énergie brutale au set, la frappe lourde et le visage tendu. Un contraste dans l’attitude qui rend ce set d’autant plus intéressant : il y a de tout dans ce concert de MOS GENERATOR, du blues, du doom old school, de la pop, des relents de Motörhead, du bon vieux stoner du désert… La variété des feelings, la cohésion des titres et la solide interprétation du trio achève de nous planter cette vérité au fond du crâne : MOS GENERATOR fait partie des grands et ne démériterait pas au côté d’un The Atomic Bitchwax ou un Earthless au panthéon du groove qui sent bon le sable chaud.
“xxx, du groupe culte xxx, en tournée solo acoustique”. On commence à connaître la chanson : Scott Kelly, Steve Von Till, John Garcia, Brant Bjork, Buzz Osborne, Dylan Carlson, même bientôt Nergal de Behemoth… Ils sont très nombreux à nous faire le coup pour meubler entre deux tours (ou procès) de leurs vaisseaux-mères. Vraie aspiration à explorer un autre registre avec des shows solides, ou passe-temps moyennement lucratif pour boucler les fins de mois ? Toujours est-il que cette fois, c’est le père NICK OLIVERI qui s’y colle et nous torche un set “sympa” vite-fait bien-fait. “Sympa” ça veut dire que c’est pas dégueu, loin de là – car le monsieur sait parfaitement tenir une guitare – mais qu’on s’en branle un peu, au fond, de voir le mec de Queens Of The Stone Age/Mondo Generator/Kyuss jouer tout seul. Si la voix et l’énergie du légendaire bassiste suffisent à rameuter l’audience pour remplir la salle, on aura en revanche aucun scrupule à regarder le concert accoudé au bar en matant d’la meuf.
Nick enchaîne des reprises de Kyuss (“Green Machine”, l’inattendu “Love Has Passed Me By”), QOTSA (“Gonna Leave You”, “Auto Pilot”, “Millionnaire”), Mondo (“Won’t Let Go”, “Smashed Apart”, “Bloody Hammer”) et emprunte à d’autres groupes (Ramones, Bl’ast! et GG Allin) pour un set qui souligne les influences punk du monsieur et retrace avec pertinence sa carrière. On serait cons de bouder ça quand même. Ainsi coule tranquillement un show sans grande surprise, dans une ambiance encore une fois de proximité et de détente, le moment est cool et on se sent un peu privilégiés d’être simplement là en tête-à-tête dépouillé avec une des figures de la scène que nous chérissons tant. Temps forts : la cover de Bl’ast! “Surf & Destroy” qui passe étonnamment bien le cap de l’adaptation acoustique une fois entre les mains et les cordes vocales de Nick, et ce fabuleux “Auto Pilot”, taillé pour ça, en fin de set, qui achève de parfaire l’ambiance décrite plus haut. Un bon moment, pas tant musicalement que du point de vue de “l’histoire” de ces musiques.
Avec un album de la trempe de “Lore” sous le bras, ELDER arrivent en terres conquises ce soir, le Ferrailleur est plein comme un œuf pour recevoir le trio et le set démarre avec un Jack Donovan (basse) au taquet sur “Dead Roots Stirring” ; le voyage commence. Un set épique se déroule, comme une longue fresque chapitrée, aux couleurs tantôt douces tantôt éclatantes. Bien que la musique d’ELDER emprunte clairement au passé et puise dans les influences stoner son riffing et ses ambiances, on est souvent tentés de le rapprocher de groupes des années 2000 comme le Isis tardif ou Colour Haze à cause de l’ambivalence “petites caresses / grosses poutres” qu’il développe à merveille. Le caractère épique et massif des premiers, et les pièces de dix minutes shreddées avec des fleurs dans les cheveux des seconds.
Tel Cousin Machin, on ne verra de Nick Disalvo (gratte/chant) qu’une grande masse capillaire de laquelle sort un manche de Gibson, le ventilateur rabattant constamment de longues mèches sur le visage du guitariste. Ça n’empêche pas le monsieur de nous envoyer le fameux riff d’intro de “Compendium” sous les acclamations du public, et si vous vous demandiez si ELDER ça le fait sans les arrangements du disque, la réponse est : GRAVE ! Le trio livre un show très dense en riffs et pourtant la technicité des titres se fait oublier, bercés qu’on est dans le flot psychédélique de l’univers des Ricains. Les projections sur le fond de la scène peaufinent l’atmosphère rétro et hypnotique de la soirée pour notre plus grand plaisir de junkies du bruit.
L’espace d’une grosse heure, on est ailleurs, la tête satellisée autour d’une planète lointaine, où de gigantesques dinosaures fluos broutent des champs de weed, chevauchés par des guerriers télépathes primitifs. Après c’est vous qui voyez, chacun son trip. Un des sommets du set est paradoxalement un de ces paliers : la magnifique intro de “III”, à la fois mélodieuse et tendue, nous entraîne comme une rivière tranquille vers une chute d’eaux vertigineuse, et quand le morceau explose, on est complètement emportés par le truc.
Six morceaux ce soir, six épopées entre deux époques, de Black Sabbath à Isis. ELDER réussit un alliage rare et donc précieux impeccablement interprété avec une mention spéciale au chanteur et shredder tendre Nick Disalvo. Son feeling, sa technique humble et sa voix au poil nous on scotché tout au long du show. L’audience charmée réclame un rappel, “Gemini” viendra ainsi clore cette soirée à trois sommets, assez parfaite.
Merci à Blue Wave Production, à Dead Pig Entertainement et au Ferrailleur pour cette soirée, que leurs noms brillent parmi les étoiles pour les siècles des siècles.
Last modified: 1 September 2015