Flayed, Texas Chainsaw Dust Lovers, The Midnight Ghost Train, Black Rainbows : un plateau à l’allure de mini-festival pour les Stoned Gatherings, qui fêtaient dimanche dernier leur centième concert. L’occasion de faire le plein de desert rock bien burné, mais aussi de rendre hommage à une belle institution, qui est parvenue en l’espace de quelques années à mettre (enfin !) Paris sur la carte du stoner européen, voire mondial. (PHOTOS : Sylvain Golvet)
C’est aux isérois de FLAYED d’ouvrir le bal, et ils s’y mettent à six : basse, batterie, deux grattes, un clavier, un chanteur, ça fait du monde sur scène – mais aussi dans la fosse. Le public parisien a répondu présent un dimanche après-midi, à une heure où les gens « normaux » en sont à finir la tarte aux quetsches de mamie. Grisé par cet accueil, le groupe envoie la sauce avec un plaisir évident, qui devient communicatif. Il manque peut-être à FLAYED un peu plus de subtilité dans la composition pour dépasser le stade de la « super première partie », et donner la furieuse envie de réécouter leurs sons une fois rentré chez soi. Sur le moment, l’énergie et la générosité de l’ensemble semble toutefois faire l’unanimité… des présents, car je m’aperçois à la pause qu’une petite vingtaine de récalcitrants sont allés se réfugier au bar. « Je suis resté une demi-chanson, c’était la foire à la saucisse ! », entends-je à ma droite. Oh, Glaz’art, ton univers impitoyable…
Stoner made-in-France toujours, THE TEXAS CHAINSAW DUST LOVERS s’empare de la scène. Ils sont immatriculés à Paris mais c’est évident – à commencer par leur nom – que ces gars-là rêvent d’Amérique, celle en-dessous de la ligne Mason-Dixon pour être précis. C’est vrai que le deep South fait un peu figure d’Appellation d’Origine Protégée pour le stoner bluesy et groovy à la Wo Fat, ou le sludge cradingue à la Eyehategod – mais c’est difficile de s’en revendiquer quand on est plus habitués à la ligne 12 qu’à la route 61, et quand on vit dans un deux-pièces plutôt qu’un ranch. La musique de TEXAS CHAINSAW DUST LOVERS est toutefois de très bonne tenue, mis à part un guitariste lead qui a parfois tendance à s’oublier. La reprise du classique folk sudiste « Man of Constant Sorrow » est non seulement osée, mais très réussie. Une bonne surprise globalement, mais il leur reste à récréer en live l’ambiance du disque – où un banjo, une guimbarde, un chant mieux assuré et des chœurs aident à créer un bon son redneck.
Pour les fous furieux de THE MIDNIGHT GHOST TRAIN (du Kansas, yeehah !), par contre, le deep South n’est pas un costume que l’on endosse au moment de monter sur scène ; c’est quelque chose que l’on a en soi – et que l’on exprime dès la première note. Même entre les morceaux, le chanteur/guitariste Steve Moss s’exprime avec une voix de corbeau alcoolique (c’est aussi comme ça qu’il commande un café ou dit bonjour à la dame ?) Et quand il s’en sert pour chanter, c’est avec une intensité et une justesse démentes – il déclame ses textes comme un acteur de théâtre, le bras tendu vers la fosse. L’expression « power trio » semble avoir été inventée pour eux : l’irrésistible puissance de MIDNIGHT GHOST TRAIN sublime leurs compositions, transformant de bonnes chansons sur disque en machines de guerre scéniques. Les trois compères enchaînent les breaks comme des possédés ; le public, ravi de se faire rouler dessus, cède volontiers à la folie. Un bon indicateur d’ambiance : il devient difficile de prendre des notes sur mon petit carnet sans qu’un coude ou un genou invasif ne vienne me faire raturer. Putain, quel pied !
BLACK RAINBOWS a beau être la tête d’affiche (théorique) de la soirée, je me demande honnêtement comment les Italiens vont faire pour enchaîner après ça. La réponse est : difficilement. Le groupe a beau revendiquer plus de 300 concerts sur leur site web, tout n’est pas parfaitement en place – le chant, très « jaggerien » sur disque, est faiblard et noyé de reverb ; la basse est trop souvent à côté de la plaque ; et la batterie fait le job, sans plus. BLACK RAINBOWS ne peut pas rivaliser avec son prédécesseur scénique sur le terrain des morceaux courts et énergétiques ; c’est en ralentissant un peu le tempo, en étirant le groove, que la sauce prend le mieux. Le très mélancolique « Cosmic Picker » me fait enfin rentrer dans le concert ; il marque le moment où j’arrête de comparer avec ce que j’ai entendu avant, et où je commence à apprécier ce que j’ai en face de moi. Une reprise enlevée de MC5 (« Black to Comm’ ») pour emballer le tout, et on obtient un set très honorable à défaut d’être vraiment enthousiasmant.
Pour leur 100ème, les Stoned Gatherings ont vraiment mis les petits plats dans les grands. Je dois filer avant le gâteau et le DJ set, mais j’ai déjà l’impression d’en avoir eu pour mon argent. En ce dimanche d’élections, les SG et leur public ont résolument choisi le parti du gras !
Last modified: 11 juillet 2015