King Buffalo + The Machine + Radar Men From The Moon @ Glazart (11.05.23, Paris)

Written by Live

Soyons très honnêtes : je n’avais pas souvenir d’avoir déjà vu et même photographié King Buffalo dans ce même Glazart 6 ans plus tôt, en 2017, lors d’une soirée Stoned Gatherings alors qu’ils y ouvraient un plateau ultra garni. Le trio encore débutant, à la notoriété encore limitée, avait dans ses bagages un set efficace mais pas encore auréolé de quelques pépites que sont ses derniers opus. Peu importe, ce soir ils sont les stars d’une soirée parisienne galvanisée par une absence de quelques années pendant lesquelles ils ont pu faire exploser leur talent. Tout vient à point…

Mais avant cela, d’autres retrouvailles, celles avec Radar Men From The Moon. Je les avais quitté en 2013 lors du DunaJam sous la forme d’un quarter, auteur d’un rock psyché instrumental déjà plutôt convainquant. Mais au fil des ans, RMFTM a effectué plusieurs mues, jusqu’à réapparaître ce soir en sextet avec un chanteur et deux batteries, prodiguant des morceaux beaucoup plus post-punk, à la lisière du metal indus. Et on ne s’en plaindra pas forcément tant le changement s’est fait sans dommages. Plus raw que sur album, les riffs répétitifs du groupe hypnotisent petit à petit et le public patient se laisse malmener par ces tempos martelés. Le chanteur / hurleur abandonne un peu sa hargne punk pour des hurlements plus hardcore. Au final, assez peu de chose en commun avec la tête d’affiche de ce soir mais c’est la beauté de ce line-up qui allie qualité et éclectisme.

Le lien manquant entre RMFTM et King Buffalo sera The Machine. Et rien de déconnant. Compatriotes hollandais des précédents, croisés d’ailleurs pendant le même DunaJam, ce trio à la discographie déjà conséquente, sort à l’instant même du concert son 7ème album Wave Cannon. Et c’est peut-être leur meilleur à ce jour. Injustement passé sous les radars, trop absents aussi des scènes françaises, le groupe mérite pourtant de lui laisser ses oreilles grandes ouvertes. Mais pas sans bouchons. Car le t-shirt My Bloody Valentine du leader David Eering nous aura mis la puce à l’oreille : The Machine aime le bruit et la réverb (merci de nous rappeler qu’on peut encore jouer FORT à Paris). De plus en plus éloigné de ses débuts psyché, ses longs morceaux issus du dernier opus (Wave Cannon, Glider) mais aussi des précédents (Crack Up par exemple) lorgnent à la lisière du grunge et du shoegaze. Et sans trop s’en rendre compte, on se retrouve emporté dans un maelstrom de sons qui nous portent loin sans crier gare. Une expérience unique qu’on aimerait renouveler plus souvent.

Place au trio vedette : King Buffalo, de son Rochester natal, au bord du Lac Ontario, traîne depuis 10 ans avec lui ses ambiances mêlant nature et cosmos, plongeant dans les profondeurs de la terre (l’album Archeon, enregistré dans la grotte d’Howe Caverns) ou lorgnant vers les confins de l’espace (le cosmonaute sur la pochette du tout dernier Regenerator). La musique qui en résulte navigue alors entre le heavy psych, le stoner et le space rock à la lisière du prog, pouvant développer un sacré groove comme sachant nous asséner des riffs avec une certaine force froide. On les rapprocherait volontiers de leurs amis Elder ou All Them Witches par ce sentiment de maîtrise qui émane d’eux. Mais ils s’en distinguent aussi par une versatilité plutôt discrète et pourtant bien présente. Car King Buffalo fait rarement une démonstration ostensible de ses talents. À la place, le trio caresse puis appuie là où ça fait mal, repart dans une autre direction pour nous faire décoller ensuite. C’est cette utilisation parcimonieuse de ses effets (rythmique, soniques, etc.)  qui impressionne et qui produit sur le public ce qu’il attend de lui : l’euphorie. Et c’est le cas ce soir.

Et moi aussi, happé assez rapidement par le set du trio. C’est notamment le troisième morceau qui me fera complètement décoller sans jamais redescendre : car la cavalcade cow-boy Regenerator devient une chevauchée cosmique et on se croirait sur le dos d’un destrier spatial déchainé. Et ce jusqu’au Firmament (exceptionnel, en rassemblant l’ensemble de leurs capacités en un seul morceau) et même au-delà. Des gammes orientalisantes aux fondamentaux du blues, rien n’échappe à leur doigté (Dan Reynolds à la basse impressionne), et c’est d’autant plus efficace parce qu’exécuté avec un sens de l’à-propos qui semble de jamais verser dans la démonstration, par la force d’un songwriting prépondérant et d’un art de la dynamique. Pas de suspense sur la sentence : on est conquis. Et on profitera du Hellfest dans un mois et du DesertFest belge cet automne pour leur crier notre enthousiasme.

Last modified: 24 mai 2023