QILIN ou la quintessence du stoner DIY made in France.

Written by À la une, Interview

Le 20 novembre dernier, pendant que Nantes et environs se défoulait sur les lourdes et lentes sonorités du désormais connu (et grandissant) Westill Fest, un duo de passionnés s’évertuait à tordre le coup à une idée reçue : non, il n’y a pas que dans l’Ouest qu’on se bouge pour la musique Stoner. Depuis peu, Damien et Xavier (responsables de la « Stoner Freaks Anthology », recueil de plus de 3000 groupes Stoner et Doom) ont créé le Yeah Crew avec pour but de promouvoir la musique amplifiée dans le plat pays champenois, au travers de leurs soirées Fuzz in Champagne. On ne peut que féliciter l’initiative de ces deux acharnés et partager le mot d’ordre : BOUGEZ VOTRE CUL ET VENEZ AUX CONCERTS ! Car ce soir-là, Qilin, Starmonger et Tremor Ama avaient répondu présent à l’appel pour la seconde édition de ces soirées placées sous le signe de la fuzz et des bulles. L’occasion toute rêvée pour voir le quatuor parisien QILIN défendre son EP « Petrichor », à l’occasion du premier anniversaire de ce dernier et sa récente signature avec Wormholedeath. Malgré le trac tangible avant de nous régaler, Benoît (basse) et Mathieu (batterie) ont accepté de répondre à quelques-unes de nos questions histoire de faire plus ample connaissance. (PHOTO : Andrea Santouil)

On ne connaît pas grand chose de vous. Pouvez vous nous parler de vous, de votre groupe, de votre background personnel ? De vos racines musicales ?

Mathieu (batterie) : On vient tous d’univers assez différents. Pour ma part, j’ai commencé la batterie à l’âge de 8 ans et enchaîné mes expériences musicales avec une dizaine de groupes différents allant du rock classique au stoner en passant par la fusion et le metal. Mais c’est avec Qilin que la mayonnaise a pris, que j’ai aimé la musique, réellement. C’est justement parce que nous avons des influences qui se complètent et que j’ai ce sentiment de partage avec mes potes. Thomas écoute beaucoup de black, de post-black, moi-même je suis très influencé par le stoner, le doom et le sludge. De l’autre côté, on a Fred dont le jeu est très influencé par le blues… et tout ça se complète finalement assez bien. On arrive à créer quelque chose de différent sur la scène stoner hexagonale.

Benoît (basse) : Pour ma part, Qilin est vraiment mon premier groupe. Auparavant, je jouais de la basse seul en autodidacte et, en bougeant sur Paris, j’ai voulu jouer avec du monde, créer un groupe. J’ai passé une annonce et c’est de cette façon que j’ai rencontré Mathieu, Thomas puis Fred qui nous a rejoint par la suite. Au niveau de mes influences, c’est plutôt la lourdeur qui me caractérise avec des  groupes comme Sleep et Yob… Au niveau du style, je citerai Geezer Butler de Black Sabbath et Chi Cheng de Deftones, ce dernier étant lié à mes premiers amours Neo.

Que vous inspire cette créature mythologique, le Qilin, pour que vous l’ayez choisi comme blaze ?

Mathieu: L’idée, c’est de transporter les gens. Et cette créature mythologique, qu’on pourrait apercevoir furtivement dans des endroits paisibles, collait assez bien avec l’idée qu’on se faisait de ce voyage musical entre nature sauvage et quiétude. La créature a ce côté chimérique également…

Benoît: Comme notre musique est un assemblage de pas mal d’influences, il nous fallait trouver une symbolique assez forte, représentative de notre musique 100% instrumentale. Cette figure chimérique du Qilin, créature apaisante mais sauvage, collait bien avec ce que nous proposions : une musique à la fois aérienne et lourde. Du moins c’est ce qui ressortait de nos premières répétitions.

Et du coup ce choix du tout instrumental, c’était assumé ou contraint ?

Mathieu: Un peu des deux. C’est assumé dans le sens où nous avons longtemps répété sans chanteur. On s’est rendu compte que le chant en lui même n’apporterait rien de plus à notre musique. On ne compose pas pour qu’il y ait un chanteur. On a fait quelques essais mais de notre point de vue, cela ne fait qu’alourdir les compositions. Du coup on continue comme cela. Et on peut dire que c’est même notre marque de fabrique.

Pour être tout à fait franc, vous m’avez surpris avec « Petrichor ». Entre la démo et cet EP (qui a maintenant plus d’un an), c’est un vrai bon en avant. Et vous avez tout fait seuls en mode DIY !

Benoit : Alors oui, on a eu pas mal de galères, on ne va pas te mentir. Mais effectivement on a tout enregistré chez nous. On a rencontré des gens devenus des potes depuis, qui nous ont aidé avec le reamping sur les pistes enregistrées sans effets. Mais à part cela, c’était de la débrouille, avec les moyens d’un groupe qui démarre.

Pour un premier EP, je dis bravo. Avec l’instrumental, on peut très facilement l’étirer, se faire plaisir mais aussi très vite se laisser piéger. Et l’ennui peut vite plomber le disque. Piège que vous avez justement réussi à éviter tout au long des six titres de « Petrichor ». Chacun trouve toute sa place pour s’exprimer et agrémenter les titres de fulgurances personnelles.

Mathieu : Complètement. Pour ma part, c’est ce que j’essaye de faire avec une partie rythmique solide qui permet des solos assez longs, assez planants… mais sans les lâcher totalement. Ça fait six ans qu’on tourne ensemble maintenant, chacun a sa place et chacun TIENT sa place.

Benoît : Même dans l’écriture, c’est généralement Thomas et/ou moi qui proposons des morceaux plus ou moins construits et finalement, on les déconstruit aussi parce que Mathieu ou Fred apportent leurs idées. Le groupe c’est avant tout un assemblage d’influences, un assemblage de personnes. C’est le plus important.

On peut parler de « Sun Strokes The Wall » où les changements de rythmes sont permanents…

Mathieu : On revient à l’aspect chimérique de notre musique. On a plusieurs facettes. Ce titre est plus groovy mais nous avons aussi d’autres rythmiques plus doom, plus grasses et c’est cela que je trouve intéressant et excitant. Je n’ai pas envie de m’ennuyer derrière mes fûts, j’imagine que celui ou celle qui écoute notre musique non plus !

Les guitares sont assez bluesy. Je n’aurai jamais cru être autant transporté par du blues.

Mathieu : Si ça fonctionne, pourquoi pas ?  C’est ce mix, cette mayonnaise qui prend. Parfois on peut répéter pendant des heures, à faire de l’improvisation et soudain, il a quelque chose qui sort. Généralement on le sait assez vite. Ce moment là, lorsqu’on se regarde tous avec le sourire en coin, on sait qu’on tient un truc…

Que vous apporte une structure comme Wormholedeath ?

Benoit : C’est un pari qu’on prend. On fait avec nos moyens, mais seuls dans notre coin, et c’est difficile de se faire entendre. Dans un environnement où tout est accessible pour tout le monde très facilement, il faut essayer de se démarquer, d’être présent dans la communication auprès des webzines, des bloggeurs et autres médias.

C’est donc plutôt une aide à la diffusion que vous cherchiez.

Benoît : Oui. Ce n’est pas une aide à la production. Nous avons eu cette opportunité, on a réfléchi très longtemps sur les apports d’une tel partenariat. On tente notre chance, on voit ce que ça donne. On a aucune obligation. L’essentiel est de continuer à pouvoir faire notre musique.

Mathieu : Il s’agit de disposer d’un peu plus de couverture pour notre album. On prend cette opportunité pour profiter du réseau de distribution de Wormholedeath, et on sent une équipe sérieuse prêt à nous aider. C’est un peu comme dans notre musique, on teste des trucs !

C’est vous qui êtes allés les chercher ?

Benoît: Non. C’est un chroniqueur du webzine Rock’n Force, conscient que le disque méritait plus d’exposition, qui nous a invités à contacter l’équipe de Wormholedeath. On a mis un temps avant de les contacter. Et même une fois le contact établi, on a pris notre temps pour peser le pour et le contre parce que tout était nouveau pour nous. Avec le peu de moyens dont nous disposons, nous ne souhaitions pas faire d’erreurs.

Photo par Aurélia Sendra

En tant que nouvel entrant, quel regard portez-vous sur la scène stoner française ?

Benoît: Je pense qu’il y a eu une première vague qui a fait émerger le stoner en France. Le soufflé est aujourd’hui retombé. Il faut voir ce qu’il va se passer. Je suis pas mal actif via la communauté stoner des Lords of the Valley et je me rends compte quotidiennement qu’il y a quand même des groupes en France qui continuent à proposer de belles choses et qui se démarquent des premiers groupes français. Ce sera vraiment intéressant de voir quand l’activité culturelle aura vraiment repris, si la base de fans répond toujours présent.

Mathieu: C’est difficile d’avoir des salles mais la scène se sert les coudes. On est dans l’entraide. On est dans l’émulation et le partage. Malheureusement, les structures pour nous accueillir ne sont pas nombreuses. L’envie est là, comme Damien et Xavier ce soir qui se bougent le cul pour essayer de proposer des choses. La clé, c’est de rester soudés.

Justement, parlons-en du Yeah Crew !

Mathieu: Monter une soirée de cette envergure dans une région où le Stoner n’est pas vraiment représenté ce n’est pas évident. C’est top d’avoir l’envie de créer. Et surtout dans ces conditions ! On a été super bien accueillis, les gens sont pros et j’espère que le public répondra présent. Ce sont de vrais passionnés !

Yannick : Vous avez une recette secrète pour sonner aussi bien ?

Benoît: Il n’y a pas de secret, si ce n’est que nous jouons très fort. C’est l’héritage Motörhead sans doute. Nous essayons de nous améliorer sans cesse. La meilleur chose, c’est de tester.

S’il fallait lui trouver un défaut à cette galette, ce serait un mix mettant trop en avant les batteries…

Mathieu : C’est peut être voulu. Au mixage, là aussi on a testé plein de choses. Moi j’aime bien. C’est peut être parce que je suis batteur ! (rires)

Yannick : Si on vous proposait de partir avec un groupe en tournée, vous prendriez la route avec qui ?

Mathieu: Il n’y a pas mieux que les copains. Une bande de potes avec qui on sait qu’on passera un bon moment. Plus finalement qu’une tête d’affiche.

Benoît: On pourrait te citer des têtes d’affiches comme Mastodon, Baroness, Sleep, Yob… ou même Glowsun ! Tu vois, pour revenir sur les groupes français, je serais ravi de partir avec eux. Leur musique se rapproche de ce qu’on fait, très axée sur l’instrumental.

Yannick: Le dernier mot est pour vous. Si vous avez un message à faire passer …

Mathieu: Je souhaite remercier tous les gens qui viennent nous voir ou qui ont un mot pour notre musique.

Benoît: Les gens qui ont envie de voir de nouvelles choses en concert, allez-y. Ce n’est pas toujours évident, mais dès que l’occasion se présente, bougez-vous. Il y a une certaine effervescence sur la scène et le meilleur moyen de soutenir les groupes, c’est d’aller voir ce qu’on vous propose quand vous avez les moyens de le faire.

Nouvel album « Petrichor » disponible chez Wormholedeath.
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Last modified: 11 décembre 2021