Parce que « doom un jour, doom toujours », c’est en véritables sloths que nous livrons enfin notre mordante sélection des albums qui ont fait 2019 — une sélection loin d’être évidente tant la quantité et la qualité des sorties rock et metal a atteint des sommets cette année. Une fois encore, c’est ailleurs, loin des charts et des couvs de magazines, que nous avons trouvé nos pépites. Alors évidemment, il aurait fallu crécher sur Pluton pour passer à côté des nouveaux Tool (rarement un album a su déchaîner autant de passions dans les 00’s) ou Cult Of Luna… Mais la team THC a une fois encore fait preuve d’éclectisme et de pas mal de flair, pour vous livrer une sélection pour le moins pointue, underground et riche en décibels. À vos casques !
♠︎ LE TOP DE BEEHO ♠︎
1. Cult Of Luna « A Dawn To Fear » (Earache Records)
2. DÖ « Astral Death Cult » (Lay Bare Recordings)
3. Grotto « Lantern Of Gius » (Stickman Records)
4. Bask « III » (Season Of Mist)
5. Helms Alee « Noctulica » (Sargent House)
♠︎ LE TOP DE SYLVAIN GOLVET ♠︎
TOOL « Fear Inoculum » (Volcano Entertainment, RCA Records)
La pression était énorme. Le disque attendu et redouté par à peu près tout le monde. On pensait que la montagne ne pouvait accoucher que d’une souris. Sauf que non, et avec Fear Inoculum, Tool a décidé avec intelligence de gérer cette attente en faisant de celle-ci le sujet principal de cet opus, construisant avec patience, minutie et raffinement une galette très retenue, limite autiste mais qui déploie ses obsessions pendant quelques belles pièces qui révèlent leur émotion au fil des écoutes (magnifique Pneuma). Fear Inoculum est un disque peut-être un peu trop auto-centré, plutôt timide dans ses thématique, mais qui se sert de cette fébrilité comme d’un énorme moteur, rugissant finalement sur ce 7empest cathartique. La suite bientôt ?!
LYSISTRATA « Breath In/Out » (Ideal Crash Label)
La preuve est là : on peut profiter du réseau Ricard Live, parcourir toutes les SMAC de France et garder son esprit rock n’ roll sans concessions. Car même en ayant la petite vingtaine, le trio sait garder les pieds sur terre. Déjà en signant ce deuxième album chez Vicious Circle. Et en refusant les sirènes de l’aseptisation, osant faire remuer les kids du pays au son d’un rock noisy-hardcore très 90’s en 2019. Car les influences sont là, Fugazi, At The Drive-In, Slint, etc. Mais ce mix de spontanéité et de maîtrise permet de déceler un groupe aussi bosseur que déterminé à ne pas canaliser ses émotions, sur la corde raide entre adolescence et maturité. Le tout délivré sous une forme pleine de sincérité suintant le live par tous ses pores. Ca crache, ça grince, ça caresse aussi, et ça rempli l’âme qui se sent rajeunir.
TORCHE « Admission » (Relapse Records)
Torche est parfois rangé sous l’étiquette « stoner-pop ». Et ma foi si la pop (ou le stoner) actuel(le) nous régalait avec autant de fun et de hooks jouissifs que ceux du quatuor de Miami, on squatterait les charts pour trouver de telles pépites. Après quelques années en suspend, Torche revient en 2019 avec un nouveau line-up et un Steve Brooks et un Jonathan Nuñez remontés qui sont partis piocher dans le shoegaze ou la new wave pour les injecter dans le son Torche. Ca démarre pied au plancher, avec ses voix éthérées presque synthétiques sur tapis d’infrabasses. Et toujours ces guitares incisives qui viennent strier l’espace sonore. Puis Times Missing ralentit le tempo dans un mood enfumé de heavy dream pop, enchainé avec la délicieuse pépite shoegaze Admission. On se régale et il y en a encore pour toute une autre face comme ça. Sah quel plaisir !
CULT OF LUNA « A Dawn to Fear » (Metal Blade Records)
Peut-être moins définitif que Vertikal, ce nouvel opus démontre néanmoins que Cult of Luna maitrise son art, et se débrouille très bien pour déployer sa densité sonore tout en la raffinant selon ses besoins, comme en témoignent les nombreuses touches de clavier ou de slide guitare qui ne réduisent en rien la puissance du tout. Même si, selon le groupe, le disque se veut non conceptuel, on ressent tout du long cette ambiance apocalyptique dans laquelle baigne chaque secondes de ces morceaux mêlants rage et résignation. Assez raccord avec l’actualité 2019 finalement.
PELICAN « Nighttime Stories » (Southern Lord)
Puisant dans la même matières que Cult of Luna, jusqu’aux thématiques nocturnes, Pelican a sorti cette année un opus impressionnant de maîtrise. Le groupe, excellent en live, manquait peut-être de son pendant sur galette, et le voici avec ces 50 minutes bien remplies, déroulant un belle palette de bourrinades. Le groupe est tendu comme un élastique à peine sorti de sa boite, ça blast beat, ça cavale, ça descend dans les tréfonds des tonalités : peu de répit pour l’auditeur, comme pendant ce Cold Hope où les coup de boutoirs sont nous sont assénés une régularité harassante. Vivement la tournée.
Bonus « grosse année 2019 » : les opus de Swans, Gold, Elder, Russian Circles, King Gizzard, Monolord, Mars Red Sky, Fontains DC, Wand, The Devil & The Almighty Blues, Hexvessel, Ty Segall, Waste of Space Orchestra, Big Business, Black Mountain, Hey Colossus, Ecstatic Vision ou The Murlocs pour ne citer que les plus rock.
♠︎ LE TOP DE PETE GREEN ♠︎
PELICAN « Nighttime Stories » (Southern Lord)
L’immense combo post-metal de Chicago nous est revenu en 2019 avec un sixième album éblouissant et proche de la perfection. Les tempos évoluent avec grâce, tout comme les montées en puissance océanesques, qui atteignent chaque émotion dans leur descente abyssale. A chaque écoute de ce chef d’oeuvre estampillé Southern Lord, on découvre toujours un nouveau riff exaltant, et cet album se pose comme la pièce sonore la plus sombre, lourde et complexe que le quatuor de Chicago ait sorti. J’ai eu beau aimer chacune de leurs captivantes sorties, « Nighttime Stories » a accompagné mon année comme aucune autre auparavant.
TOXIC HOLOCAUST « Primal Future 2019 » (eOne Music)
Certains disent que le thrash est mort… Ils sont idiots. TXHC a chopé 2019 par les couilles et offert la plus grosse orgie de riffs taillés pour le headbang qu’il vous aura été donné d’entendre cette année. Que ce soit avec le très 80’s et catchy « Chemical Warlords », le déstabilisant « New World Beyond » la rythmique superdeath de « Cybernetic War », « Primal Future » est un condensé de fun, un véritable rifforama de plus de 40 minutes. Pensez ce que vous voudrez de Joel Grind, mais le frondeur peroxydé sait pondre de vrais bons albums de metal moderne, et il est clair que cette batterie fracassante couplée à un mix riche sur les guitares se pose en B.O. idéale du jeu vidéo 8-bit de la pochette. En véritable « Kill Em All » des temps modernes, « Primal Future » est une vraie déclaration d’intention d’un groupe qui a pourtant vingt ans de carrière derrière lui.
SAINT VITUS « Saint Vitus » (Season Of Mist)
Y’a-t-il encore quoique ce soit qui n’ait pas déjà été dit au sujet de Saint Vitus en 2019 ? Depuis plus de 40 ans, ils incarnent le doom et écrasent tous les posers. Avec cet excellent cru, ça fait plaisir d’entendre de Scott Reagers reprendre le micro et brailler comme une banshee, tandis que le mortier riffique de Dave Chandler l’encercle tel un fantôme de Scooby Doo(m). Ce second album éponyme du groupe est aussi porté par la frappe de ce bourrin d’Henry Vasquez et le groove menaçant de Pat Bruders (ex-Crowbar, Down), ce qui fait toute la différence et donne tout son mordant à ce grand retour. Vitus n’avaient pas été aussi intimidants depuis des années. Long vie à Vitus.
INTER ARMA « Sulphur English » (Relapse Records)
Cet album est tout ce qu’un album de metal moderne devrait être : complexe, éprouvant, sombre, dérangeant, orné d’une pochette sublime. J’ai dit éprouvant ? Mettez-m’en un double ! La frappe TJ Childers nous ébranle de façon suréaliste, tandis que le quintet post-machin balance sa formule éprouvée de chant assourdissant, myriades de grattes blackisantes, et labyrinthes de structures sonores des plus lugubres. Tantôt déroutant, tantôt saisissant de beauté, INTER ARMA livre une fois de plus un magnifique album qui ne fera faire qu’un tour à votre sang.
TOOL « Fear Inoculum » (Volcano Entertainment, RCA Records)
Contre toute attente, j’ai vraiment apprécié l’album qui a découlé de toute l’attente. Alors oui, il n’est certainement pas aussi innovant que les précédents, mais bon, c’est du Tool pur jus, et ça me suffit amplement. Adam Jones fait le vroum-vroum, Danny Carey fait le badum-tsss, Justin Chancellor fait vibrer les cordes et Maynard fait ce… marmonnement étrange et pourtant brillant, et après tout, n’est-ce pas tout ce qu’on attendait d’eux ? L’album aurait pu tenir uniquement sur les parties les plus « focus », mais encore une fois, c’est Tool, digressant à leur manière, et non la mienne ni la nôtre. Ils rempliront toujours des stades, car ils sont la classe au dessus. C’était sans parler ce cette pochette, qui aurait bien valu qu’on vire le mec derrière ce désastre.
♠︎ LE TOP DE RAZORT ♠︎
CULT OF LUNA « A Dawn to Fear »
On en a déjà longuement parlé dans une chronique, les génies de Cult Of Luna ont fait un retour puissant, fracassant tous nos sentiments au fond de nous-même avec un opus d’une beauté et d’une honnêteté inégalée. Froid, hostile, dramatique et déchirant seront les mots qu’on lui attribuera aisément. Foncez les yeux fermés : c’est une perle et juste la meilleure sortie de l’année.
COMACOZER « Mydriasis » (S/R)
L’Australie nous gâte en ce moment de plusieurs projets tous plus perchés les uns que les autres. J’hésitais grandement à mettre leurs confrères de Black Heart Death Cult dans ce top qui m’avaient complètement charmé en début d’année, et puis je suis tombé entre temps dans un trou noir autrement plus massif… Stoner spatial bourré de riffs et de solos venus d’une galaxie très lointaine, Mydriasis qui porte bien son nom et vous emportera à la vitesse de la lumière dans d’autres dimensions dégoulinant de reverb. Une jeune formation qui n’a rien à envier aux Spacelords, Mythic Sunship et autres My Sleeping Karma.
THE PILGRIM « Walking into the Forest » (Heavy Psych Sounds)
Une balade acoustique et mélancolique pour soigner ses tympans de tout ce fuzz grésillant, ça vous dit ? Bienvenue dans les paysages intérieurs poétiques et déformés décrit par la voix et la guitare de Gabriele Fiori (Black Rainbows / Heavy Psych Sound Records) accompagné d’un vieux clavier au son chaud et envoûtant comme un plaid au début de l’automne. La recette est simple, le résultat superbe et enivrant. On ferme les yeux, et on se retrouve dans une forêt aux couleurs légèrement accentuées par un étrange champignon ramassé au bord d’un chemin sinueux. On marche au pif, paumé pour l’éternité, dans cet album d’une douceur et d’un mysticisme prononcé. Une merveille !
ALBER JUPITER « We Are Just Floating in Space » (Atypeek Diffusion)
S’il y a bien un duo français à suivre en ce moment c’est bien celui-là. Officiant dans un mélange hybride de kraut rock et de stoner psychédélique, quasi-instrumental, onirique, et surtout (vous vous en doutez en voyant la pochette) interstellaire et coloré, Alber Jupiter a pour beaucoup été révélé au Crumble Fest cette année, et les astronautes rennais seront à l’affiche du prochain Roadburn, ce qui est un double gage de qualité et de lévitation anticipée. Une pépite à savourer chez soi pour un voyage hors du temps, et d’une douceur nébuleuse !
MISþYRMING « Algleymi » (NoEvDiA)
Après des années d’errances musicales, je suis enfin (et trop tardivement) tombé dans le black metal islandais, une des scènes les plus prolifiques et créatives de ce milieu… Grand bien m’en fasse, car des fois un album tombe à pic dans une sale période de votre vie pour vous faire du bien là où ça fait mal. C’est le cas du deuxième opus de Misþyrming (à vos souhaits), véritable brûlot considéré par les fans du groupe comme moins marquant que le premier, mais qui pour moi recèle de merveilleux titres qui vous feront voyager, tout particulièrement Orgia (le premier)… Tout y est : une batterie-rouleau compresseur, un chant lourd et bestial en retrait, écrasé par des guitares contant des sagas oubliées, apportant dans toute cette noirceur de sublimes notes de lumières. On croirait assister à la création d’une nouvelle île au large de ce merveilleux pays, où la lave en fusion lutte continuellement dans les flots déchaînés d’un océan glacial et tourmenté… Ecrasant, sombre, mélodieux, et qui donne furieusement envie de tout détruire autour de soi. Tout ce qu’on demande à un album de black metal.
♠︎ LE TOP DE LORD PIERRO ♠︎
BLCKWVS « 0160 » (S/R)
Si 2019 marque un retour de quelques groupes « post-machin » avec, il faut l’avouer, quelques très bons albums (lire le top de Sylvain Golvet à cet affet), une injustice se fait toujours sentir. BLCKWVS ont ouvert le feu en début d’année et leur album 0160 tient la dragée haute aux groupes pré-cités. Non seulement la version purement instrumentale est-elle toujours l’ouragan sonore le plus puissant ayant dévasté nos oreilles cette année, mais en plus la version complétée par les collaborations au chant est un « grower » monstrueux. Pas facile de poser sa voix sur un unique morceau quand chacun est une pièce indissociable d’une œuvre majestueuse et indomptable. Mais les compositions de BLCKWVS se prêtent à merveille aux chants de leurs invités de marque et il est inimaginable qu’un autre album, quelle que soit la version de 0160, puisse être cité comme album de l’année, si tant est que l’on est les oreilles bien ouvertes et nettoyées.
DÖ « Astral Death Cult » (Lay Bare Recordings)
Dans le grand imaginaire collectif, quand on associe « musique », « Finlande » et « doom », la première réaction de la majorité des gens est « gros bourrins » et « musique chiante ». Pourtant DÖ sont à l’opposé de tout cliché et bel et bien à l’origine d’un renouveau d’un genre à bout de souffle et exploité jusqu’à la dernière goutte. Astral Death Cult, en associant lenteur et lourdeur à des sonorités plus acérées, des vocaux plus usités du côté du black metal est le résultat parfait d’une fusion de genres qu’un alchimiste musical, après des milliers d’essais et autant d’albums chiants, aurait réussi à maintenir en équilibre et à propulser dans les esprits d’auditeurs en recherche de qualité sonore. Plus qu’un coup de pied au cul du doom, DÖ marquent les débuts d’une nouvelle ère.
L.A.N.E. « A Shiny Day » (Koowood)
Issus pour moitié du plus grand groupe de rock français n’ayant jamais eu la reconnaissance à la hauteur de leur talent, il est temps que THC répare cet affront et fasse son devoir de mémoire. Non LANE ne sont pas les Thugs. Le côté punk écorché vif a fait place à de subtiles mélodies, mais l’énergie viscérale qui faisait l’essence du groupe angevins est toujours là. Le feu brûle plus que jamais à travers les dix titres de A Shiny Day, les guitares sont plus flamboyantes que jamais, et l’association avec la moitié des Daria fonctionne à merveille. Point de nostalgie avec LANE, ici c’est avec le fil de l’histoire que l’on renoue, profitant du plaisir simple que ces musiciens de talent nous offrent à chaque concert, plaisir prolongé sur disque et dont on ne se lasse pas depuis ce retour tonitruant.
PLANET OF ZEUS « Faith in Physics » (Heavy Psych Sounds)
Dire que les grecs nous devaient une revanche après leur précédent opus est un euphémisme. S’il leur a fallu trois ans pour s’y atteler, bien leur en a pris, parce que ce Faith in Physics est un pur album de rock jouissif et primaire comme plus personne n’est capable d’en faire depuis la mort des 90’s. Condensé de tubes endiablés aux refrains tous aussi accrocheurs les uns que les autres, Planet of Zeus nous offrent un retour vers ce qui est l’essence d’un bon album de Rock : des riffs simples et entêtants, des motifs martelés jusqu’à les reproduire en tapant sur son volant ou son bureau, la bande son parfaite pour tailler la route le volume poussé à bloc à en faire péter les vitres. Un retour en forme qui fait grand plaisir et ne demande qu’à être confirmé dans la chaleur de salles de concerts.
WIZARD MUST DIE « In the Land of the Dead Turtles » (Stachmou Records)
Lorsqu’on évoque la notion de voyage musical, c’est associé trop vite à une musique souvent planante, généralement psychédélique, parfois sous psychotrope. Pourtant, un voyage est une série d’étapes bien distinctes et sans qu’il n’y ai de lien entre elles. C’est exactement ce que les lyonnais de Wizard Must Die ont créé. Nous embarquant dans un univers inspiré des écrits du regretté Terry Pratchett, le lien entre chaque composition est subtil et reflète ce que l’écrivain pouvait coucher sur papier : société en perte de rationalité et engloutissement à venir. Mis en musique, cela prend tout son sens, lourdeur et groove s’associant magnifiquement pour nous prendre aux tripes et nous faire vivre une expérience endiablée et revigorante. Les magiciens ont réussi leur tour, cet album est une réussite absolue.
Bonus : Sofy Major « Total Dump », Lumberjack Feedback « Mere Mortals », Helms Alee « Noctulica », St Vitus « St Vitus », Deflore+J.Coleman « Party in the Chaos »,
♠︎ LE TOP DE YANNICK K. ♠︎
BARONESS « Gold & Grey » (Abraxan Hymns)
La Bacchanale Rock. A bien des égards « Yellow & Green » était l’un de ces tournants dans la carrière d’un groupe ; la pierre angulaire d’une discographie. Ce « Gold & Grey » en prend le même chemin. Il est la résultante d’une cohésion dorénavant acquise, d’un groupe qui s’est cherché, qui a tâtonné, sans cesse expérimenté… Un nouveau Baroness est né, tout simplement. En s’affranchissant de ses propres limites, libéré de ses démons, Baroness signe ici l’album de sa consécration. Une œuvre définitive compilant toutes les expérimentations entreprises dans ce cycle chromatique désormais clos, et en ouvrant la voie vers des perspectives nouvelles. Une œuvre riche, dense, fouillée mais incroyablement cohérente. Une bacchanale sonore ET visuelle, à l’image du visuel peint par John Baizley. Une toile foisonnante de détails, complexe, avec plusieurs niveaux de lecture. Certainement la plus belle à ce jour. Cette peinture n’est pas simplement un concept visuel, c’est bien le reflet de l’univers Baroness : un monde baroque où tous les contraires seraient harmonieusement possibles. De contraires, ce « Gold & Grey » en regorge, en enchevêtrant des éléments grunge, electro, métal, pop etc. sans que l’ensemble soit dissonant. Adolescent, j’avais été saisi par l’ambition de « Mellon Collie & The Infinite Sadness » des citrouilles de B. Corgan. J’aime à penser que ce disque ait la même portée pour cette décennie.
DÖ « Astral Death Cult » (Lay Bare Recordings)
Le nouvel ordre Doom. « Au commencement, le souffle de Dieu tournoyait au coeur des ténèbres et les ténèbres recouvraient l’abîme. Dieu dit « Que la lumière soit », et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière « énergie » et les ténèbres « espace/temps ». Il y eut un soir, il y eut un matin. Ce fut le premier jour ». Ainsi commence l’Histoire de notre Monde selon la Bible de Canaan. En 2019 de notre ère, la communauté scientifique était en émoi après la découverte d’un trou noir supermassif dont l’amplitude était sans commune mesure. Il fût baptisé « Powehi », nom hawaïen signifiant « source sombre embellie de création sans fin ». Ils avaient vu juste… Au même moment, émergeait ce « Astral Death Cult » sur toutes les ondes de notre planète. Coïncidence ? Je ne crois pas. Cette courbure titanesque de l’espace/temps, grignotant inexorablement la lumière de notre monde, n’était que l’oeuvre de DÖ, des êtres supérieurs venus d’ailleurs. Pendant que vous cultiviez votre cancer de la peau, les DÖ, avec « Cosmic Communion » (LE single de l’été) avaient généré un trou de ver, passerelle vers un doom abyssal et crasseux, fait de sirènes death et au groove interstellaire. C’est ainsi qu’avait pris fin l’ « ancien » Monde ; Il venait de sombrer dans la noirceur et la froidure du fin fond du cosmos. DÖom is coming. Brrr.
YAWNING MAN « Macedonian Lines » (Heavy Psych Sounds)
Tao sonique. Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’apprécier la musique de Yawning Man en live, Razort nous avait fait le récit du passage des parrains du Desert Rock à Bordeaux, en juillet dernier. Il y racontait l’étrange sensation d’être transporté dans une géographie étrange entre l’eau, la terre et le feu. La musique du trio instrumental, c’est exactement cela : la description d’une nature hors du temps, hors des hommes, chronophotographiée à l’infini sous vos yeux. Ce disque ne déroge pas à la règle. « Macedonian Lines » poursuit ce que le groupe avait initié avec « The Revolt against Tired Noises » mais en s’affranchissant complètement de chant, voire de moyens. Des arabesques sonores uniquement, aux tons chauds et décontractés, noyées dans la reverb, mais si majestueuses qu’elles vous transportent vers une plénitude intérieure. C’est une réflexion de ce que nous sommes et où nous sommes. Yawning Man est l’essence même du Desert Rock. Certainement car ce sont eux qui en captent le mieux l’essence : l’influence de l’environnement sur la musique, sur notre perception des choses, de notre place dans l’univers. Dépouillé mais hautement introspectif, détendu mais apportant matière à réflexion, « Macedonian Lines » se prête autant à la rêverie qu’à la méditation. Attention ! Vous êtes déjà entrés en lévitation.
BRUTUS « Nest » (Sargent House)
Touché coulé. Le groupe liké par Lars Ulrich sur le label de Chelsea Wolfe. Ce serait facile de résumer Brutus par ces quelques raccourcis tirés de la hype actuelle autour du trio belge. Il est plus approprié d’en apprécier la somptueuse dichotomie de leur style, condensée en Stefanie Mannaerts, chanteuse ET batteuse du groupe : Des parties de batterie tribales combinées à un chant aérien poignant et fragile. Brutus respecte l’ADN du groupe avec ce « Nest » et conforte ce qu’il avait réussi à créer avec « Burst » : un post-hardcore d’influences punk et noise qui file des frissons à chaque écoute, entre volupté et urgence absolue. Cette formule aboutie pourrait déjà présager les limites inhérentes à l’originalité de la formation tant les motifs de batterie se simplifient toujours dès lors que la voix de Stefanie est mise à forte contribution. Qu’à cela ne se tienne, Brutus tire sa force de sa fragilité pour une musique vertigineuse et passionnée. Les spectateurs de la Warzone, cet été, se souviennent tous d’avoir été giflés, la gorge serrée, la larme à l’oeil. Quelques grammes de violence pour vous toucher en plein coeur.
PLANET OF ZEUS « Faith In Physics » (Heavy Psych Sounds)
Prophète de la Rage. Dans un bon top de fin d’année qui se respecte, il y a toujours cet album pas révolutionnaire pour un sou mais qui nous émeut parce que. Le disque qui n’apporte rien neuf, mais que vous ne sortez plus de votre playlist quotidienne, tellement c’est bien fichu. Ce « Faith In Physics » de Planet of Zeus ne déroge pas à cette règle. Le nouvel album des athéniens est une encyclopédie Heavy par excellence. Des plans et des riffs influencés par les plus talentueux de chaque génération, de Led Zeppelin, The Doors à Queen Of the Stone Age ou Foo Fighters. Mais Planet Of Zeus maîtrise parfaitement son sujet en revenant aux fondamentaux: Une bonne chanson Rock c’est se faire poliment envoyer dans le décor et se rendre compte, après la dérouillée, que la ritournelle est bien ancrée dans le bourrichon. Ajoutez y une dose de groove imparable et vous obtenez un album près à faire trembler les stades. Babis Papanikolaou, le frontman, est une vraie locomotive gonflée à bloc. Il est la voix ce cette rage qui anime le groupe (et par extension la jeunesse grecque) contre tout ce qui mérite d’être combattu. Cette Grèce est en pleine ébullition et la crise financière qui a secoué le pays a stimulé une furieuse expression artistique. Planet of Zeus a un message à faire passer et vous n’allez pas être déçu du voyage.
♠︎ LE TOP DE MIKEE FOS ♠︎
BRUTUS « Nest » (Sargent House)
J’ai eu la chance de pouvoir découvrir le trio belge au Black Bass Festival près de Bordeaux cet été. Après avoir pris en pleine face ce concert à la fois puissant et exaltant, je me suis hâté de consommer cet album comme de la bière un jour d’été. D’entrée de jeu, l’auditeur sait qu’il va vivre une expérience de montagnes russes, entre moments de pure grandeur où la voix de la chanteuse flotte au-dessus du reste, et des refrains liés entre eux par des blast beats post-hardcore à toute vitesse. « Nest » offre un trip sonore unique qui frôle presque l’angoisse existentielle mais parvient toujours à garder un parfait équilibre.
KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD « Infest the Rats’ Nest » (Flightless/ATO Records)
Si seulement la politique en Australie pouvait être aussi aboutie que King Gizzard and the Lizard Wizard ! Avec ce quinzième album studio (et leur second en 2019), il est impossible de cataloguer ces mecs, tant il continuent de suivre leur instinct dès qu’il s’agit de créer de la musique. Si vous n’aviez pas le choix, j’imagine que vous le rangeriez dans la catégorie King Gizzard rencontre le thrash metal des années 80. Cela étant dit, les fans ne seront pas déçus, et auront leur dose de revirements, psychédélisme pointu et des riffs à s’en briser la nuque !
HARD-ONS « So I Could Have Them Destroyed » (Music Farmers)
Un autre combo australien qui aime bien briser les frontières entre genres : les Hard-Ons. Surtout connus pour leurs titres punk bubblegum des années 80-90, les HARD-ONS n’ont cesse d’évoluer tout en continuant de donner la part belle à la compo de vrais bons morceaux de rock. Cet album combine les racines punk du groupe avec des riffs rock ravageurs et des breaks carrément thrash. On trouvera de nouveau ces bons vieux refrains power-pop, mais les influences heavy du groupe demeurent. « So I could have them destroyed » est un album aux nombreuses facettes et affûté qui fera saigner vos enceintes.
MANTRA « Medium » (Finisterian Dead End)
J’adore les albums-concept. Oui, je suis fan de The Mars Volta et Rush… ne me tirez pas dessus ! Je suis tombé sur cet album par hasard, et ai été stupéfait par le travail au niveau de la production et de l’artwork. Ces rockers prog de Rennes ont créé un album voué à séparer l’esprit (« Mind ») et le Corps (« Body ») en deux morceaux distincts. Chacun peut se suffir à lui-même, offrant des tonalités et une résonance différente. Cerise sur le gâteau : le groupe a mis à disposition une appli qui permet de jouer les deux morceaux simultanément, et donc bien fusionner « Mind » et « Body » pour une attaque sensorielle des plus redoutables. Je me réjouis de voir un tel effort créatif émerger du pays des crêpes et du cidre !
DUNEEATER « No Gas No Good » (1418225 Records DK2)
S’il y a une chose dont on ne manque pas en Australie, ce sont bien les déserts, ce qui donne tout son sens à ce premier album de DUNEEATER. Mixant un feeling à la Blue Cheer et un clin d’oeil évident au stoner rock californien des années 90, « No Gas No Good » évoque des image de routes à ciel ouvert où des moteurs V8 vrombissent, tandis que des gosses post-apocalyptiques féroces se battent pour les dernières ressources avant que les aliens débarquent. Lourd en groove, voilà là un album absolument riff-tastique.
Last modified: 4 février 2020