Ca commence toujours par ces mélodies ciselées à la guitare, tout en arpège, qui tracent l’horizon du paysage, lointain, hors d’atteinte. Puis YAWNING MAN y tisse ses motifs : montagnes, rochers, lacs, forêts, rivières, végétation parsemée… Tels des impressionnistes, le groupe s’évertue à dresser un panorama qui se reproduit inlassablement telle une arabesque. Le canevas est certes répétitif mais suffisamment agrémenté de subtiles variations qui évite toujours l’écueil de la monotonie. Puis la réverb. Cette réverb, grisante qui vous transporte tel Icare s’envolant trop près du soleil…
Car c’est bien d’un voyage dont il s’agit. Plutôt une flânerie, dans les perspectives sonores esquissées. Sans fin, sans destination précise à priori. Pourtant, pris dans le trip, ce spleen doux-amer vous invite doucement mais sûrement à explorer votre for intérieur, votre conscience. La musique de YAWNING MAN, c’est ça. C’est l’expression d’une certaine géographie. Celle des immensités, des déserts arides, verdoyants ou accidentés. Dans la plénitude de leur beauté et des sensations qu’elles procurent sur l’Homme.
La musique de YAWNING MAN c’est l’expression d’un ressenti face à cette plénitude. La confrontation de l’immensément grand avec le plus profond de votre âme. C’est prendre la mesure ce que l’on est, de nos états et de nos actes au regard d’une nature qui nous entoure. Et quoi de mieux que le désert, dépourvu d’humanité, pour s’en rendre compte ? L’immensément grand pour comprendre l’Homme, pour se comprendre.
On parlait avec Brant Bjork de l’attirance presque mystique que produisait le désert sur ces musiciens. Une solitude recherchée pour se ressourcer, se comprendre et être créatif. C’est bien là tout l’enjeu d’une telle musique. On cite souvent YAWNING MAN comme les incubateurs du Desert Rock. Certainement car ce sont eux qui en captent le mieux l’essence : l’influence de l’environnement sur la musique, en l’occurence l’infiniment grand. Leur expérience n’est pas étrangère non plus à leur rang de seigneurs du désert. Trente ans de musique commune, cela se ressent. Seuls des artistes chevronnés font de la musique avec autant de substance émotionnelle et donnent l’impression d’une déconcertante facilité. Cette parfaite alchimie faite de prouesses musicales aux tons chauds et décontractés…
Somptueux dans son ampleur, vaste dans les sensations qu’il procure, ce « Macedonian Lines » poursuit l’expérience de « The Revolt Against Tired Noises » mais se passe complètement de chant, comme pour capter la quintessence de cette musique et ce lieu qu’ils ont tant aidés à faire émerger. On reste pantois devant l’économie de moyens déployés tout au long de ces six jams. Et du plaisir presque infini qu’ils procurent. Malgré sa courte durée et se déroulant presque sans points d’orgue, on en redemande, comme drogué par ce tao sonique.
L’horizon et votre âme n’ont jamais été aussi proches. L’espace d’une ligne.
ARTISTE : Yawning Man
ALBUM : « Macedonian Lines »
LABEL : Heavy Psych Sounds Records
Genre : Desert rock instrumental
More : Facebook / Bandcamp / HPS Records
Last modified: 15 juillet 2019