Gnome ne mettra jamais tout le monde d’accord. Les Belges proposent un mélange unique de stoner prog d’une intense lourdeur mais rempli d’autodérision et d’humour geek qui, il faut bien l’avouer, divise grandement notre scène. L’univers à base de chapeaux pointus et de chorégraphies tiktok irrite au plus haut point certains pendant que d’autres y voient une bouffée d’air frais et, c’est bien là le plus important, une musique particulièrement ingénieuse. “Vestiges of Verumex Visidrome” signe-t-il la fin de la hype ou valide-t-il définitivement le statut que Gnome a acquis ?
C’est avec “King”, leur deuxième album sorti en 2022 que le groupe s’est révélé au monde des amateurs de fuzz via ses clips fauchés mais délirants (d’aucuns diront cringe) mais paradoxalement très drôles et originaux dans une scène bien trop sérieuse et sclérosée. Résultat : on parle bien plus souvent de leur imagerie ou de leur fanatique public que de leur musique, et c’est vraiment dommage.
Car Gnome c’est l’art de mélanger des riffs groovy et incisifs avec du prog dans une lignée presque math rock, à grand renfort de mesures asymétriques mais aussi de passages quasi doom. Côté chant, c’est la grandiloquence qui prime mais les voix se font criées quand c’est nécessaire. Un riff qui groove comme pas possible, un chant un peu barré par dessus, un passage planant assez prog, un break lourd comme jamais et un petit solo technique, le tout couplé à leur univers visuel fantastico-grotesque, et on obtient un mélange vraiment rafraîchissant.
Avec ce nouvel opus, la recette est inchangée mais on pousse les potards encore plus dans le rouge. Le premier titre “Old Soul” a annoncé la couleur dès sa sortie : catchy et efficace, avec un chant plus mis en avant, une production plus massive, tous les ingrédients sont là. Plus tard, on retrouve des relents du hit “Ambrosius” sur le riff principal de “Duke of Disgrace”, ce qui devrait séduire les fans de la première heure. On notera cette fuzz au bord de l’effondrement sur le deuxième couplet, un régal.
Mais le groupe sait toujours surprendre. Par exemple, j’avoue que je ne m’attendais absolument pas à la lourdeur epic doom sur le pont de “The Ogre”, qui cachait bien son jeu avec ce chant mélodique très présent et son style plus rock. Le final est une réussite absolue avec un solo de sax sorti des enfers. Clairement le titre le plus travaillé et pointu de l’album. Surprise aussi avec cette incursion en pleine mexican fiesta sur l’intro de “Golden Fool”, qui reste pourtant le titre le plus nerveux de l’album avec son riff mastodonien. Ce pont très saugrenu et enjoué laissant place à un final tout en lourdeur est la définition même de ce que Gnome sait faire de mieux.
Violence encore avec l’intro de “Rotten Tongue”, appliquant la bonne vieille formule “loud-soft-loud”, le morceau est une pépite de dynamique appliquée. Avec “Back to the Mud”, le groupe s’essaye même à un hard rock pur jus (mention spéciale à la ligne de basse succulente qui occupe le pont du morceau). “John Frum” est une clotûre en forme d’apothéose aux arrangements et transitions particulièrement soignés.
Si je devais utiliser un mot pour décrire ce nouvel opus, je dirais “épique”. Et c’est tout à fait logique vu l’univers développé par le groupe, que de partir dans cette direction. Les riffs sont plus acérés et menaçants, les lead guitars ont cet aspect particulièrement épique, le chant est poussé dans l’ultra grandiloquent (qui pourra déplaire à certains) et les voix growlées réservées aux passages les plus lourds. Gnome nous propose un album varié, audacieux et pourtant dans la pure tradition gnomesque. La moitié de la scène criera comme toujours “overrated !” mais les autres (dont je fais partie) sont prêts à suivre nos petits farfadets dans tous leurs délires tant qu’ils sont de cette qualité.
Last modified: 7 octobre 2024