Les cadors du heavy rock suédois GREENLEAF dépotent sur « The Head & The Habit ».

Written by Chronique

Ce n’est pas parce que Dozer a fait son grand retour l’année dernière (avec l’une des meilleures sorties de 2024, rien de moins) qu’il faudrait occulter Greenleaf. Bien au contraire. Les deux groupes sont intimement liés par la machine à riff Tommi Holappa lui permettant de déployer tout son catalogue riffique depuis plus de 25 ans.

À l’origine, Greenleaf n’est qu’un défouloir pour ses membres (vacataires ou intermittents) né d’un amour commun pour ce qui touche de près ou de loin au proto-metal, sans pression ni attente particulière. Mais il faut bien reconnaître que l’arrivée en CDI du frontman Arvid Hällagård en 2014 rend la formation bien plus concrète et légitime. Au point que Tommi envisage désormais une alternance créative entre les deux formations. Si son style est bien plus percutant avec Dozer, le guitariste laisse libre court à ses envies de blues que subliment le sens de la mélodie et la profondeur de caractère d’Arvid. 

Leur précedent album « Echoes From a Mass » (2021) fut à la fois difficile et facile à écrire pour le frontman. Traversant une période trouble et d’une grande tristesse dans sa vie, le chanteur a vécu la composition de l’album comme une thérapie. Les chansons relataient des épreuves vécues réellement par Arvid, teintant l’album d’une certaine mélancolie et devenant l’album le plus personnel dans la discographie de Greenleaf. Pour celui-ci, c’est Tommi dirons-nous qui reprend les rênes du sujet tant « The Head & The Habit » déborde de riffs aux saveurs proto des seventies. L’entrée en matière remet l’église au milieu du village : la funky et enjouée « Breathe Breathe Out », « Avalanche » aux accents Classic Rock, puis « Different Horses » terriblement excitante et obsédante, est un triptyque rappelant les motivations originelles du groupe. Oh, ce n’est pas la première fois que le groupe sait être accrocheur et mélodieux mais il parvient ici à transcender le hook, en s’inspirant d’une pop exigeante tout en préservant leurs guitares lourdes et saturées.

« The Head & The Habit » est un ensemble de neuf chansons aux pouvoirs contagieux que l’on fredonne sous la douche sans qu’elles soient dépouillées de leur impact émotionnel. Peut-être parce que Tommi sait aussi se faire moins monolithique, laissant plus d’espace pour que les mélodies d’Arvid respirent. Ce qui permet à un intervalle bluesy et aérien (qui se fond d’ailleurs parfaitement dans la tracklist) tel que « That Obsidian Grin » d’exister. Marquantes sur la forme mais aussi sur le fond, ces nouvelles chansons ressemblent en effet à des histoires courtes et symboliques qui tournent autour des luttes émotionnelles et de la maladie mentale. Écrites par le chanteur, les paroles reflètent l’expérience réelle de Hällagård, qui travaille avec des personnes souffrant de problèmes de toxicomanie et de santé psychologique.

Mais cet album n’aurait pas cet impact sonore sans la paire de batteurs de Greenleaf. Tout d’abord Sebastian Olsson derrière les fûts, nous régale de ses rythmes frénétiques et de ses attaques percutantes (écouter la presque honky tonk « Oh Dandelion » et savourer). L’autre « batteur », c’est Karl Daniel Lidén, marteleur de Greenleaf à ses débuts et ingé son de génie, pilier de la scène stoner suédoise avec Tommi Holappa. Pas pour rien que le guitariste le considère comme le cinquième membre du groupe. Si vous trouvez des similitudes avec Dozer dans la prod, avec cette approche aérienne du riff et le côté explosif et puissant, c’est normal : le son du dernier Dozer, c’est lui. Le son du dernier Lowrider, nouvel étalon stoner, c’est lui aussi. Ici, il fait étalage encore une fois de ses capacités. Un pur régal en matière de production, véritablement.

« The Head & The Habit » est un bijou d’hymnes hard rock captivants, imprégnés de fuzz, survolant avec classe les poncifs actuels du genre. Alignement des planètes stoner en France, le festival Westill proposera le week end de la Toussaint un plateau rêvé pour tout aficionado du rock à la suédoise, puisque c’est le combo Dozer + Greenleaf qui volent déjà la vedette aux headliners de l’évènement. Le moment idéal pour apprécier en live deux des meilleures sorties récentes de la scène européenne.

ARTISTE : Greenleaf
ALBUM : The Head & The Habit
LABEL : Magnetic Eye Records
SORTIE : 21 juin 2024
GENRE : Heavy rock bluesy
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Last modified: 20 septembre 2024