GURT paye sa torgnole « party doom » avec « Satan, etc. »

Written by Chronique

Parfois, on n’y croit pas. On voit passer un album et on se dit “non, ça, c’est pas pour moi”. En découvrant Gurt et son nouvel opus “Satan, etc” dans les sorties du moment, j’étais convaincu que j’allais passer mon tour. Cependant une petite part de curiosité morbide m’a poussé à lancer une écoute, m’attendant à pouvoir au moins me moquer de cet album avec ma meilleure malhonnêteté. Quelle ne fut ma surprise en découvrant ce qui va tout simplement s’imposer comme une de mes révélations de l’année.

Pourquoi étais-je si réticent ? Bon, prenez un groupe qui décrit sa musique comme du Party Doom, qui arbore sur la pochette rose bonbon de son album une fractal de doigts du métal et des titres au nom aussi raffinés que “Exit As You Enter” ou “The Most Dying Way To Die”. Vous visualisez ? Maintenant prenez un barbu de 35 piges vraiment pas porté sur la parodie lorsqu’elle touche à des styles agressifs et sombres, et voilà deux positions qui semblaient assez irréconciliables.

Oui mais voilà. Il faut avouer que cet emballage funky est rafraîchissant dans une scène qui se prend généralement bien trop au sérieux. Alors on se laisse tenter à une première écoute. Et là, il faut bien le reconnaître: c’est imparable. Côté riffs, ça martèle fort et on oscille entre un speed doom empruntant autant au stoner qu’au punk hardcore et même parfois au noise rock ou au sludge. Pour les voix, elles sont criées, écorchées et on prend ça dans la gueule sans trop comprendre ce qui se passe. Parce qu’en parallèle, c’est hyper catchy et c’est sûrement cet aspect survolté et fédérateur qui rend l’appellation de Party Doom particulièrement appropriée.

Avec les paroles pleines d’autodérision et cette imagerie moqueuse, l’aspect party est évident. Quid du côté doom ? C’est ici que commence la bataille des puristes. Parce que chez Gurt, l’aspect doom se retrouve plutôt dans les choix de progressions d’accords, la construction des riffs, dans certains ponts plus atmosphériques que simplement dans le tempo. Sorte de doom punk frénétique, ce que proposent les Anglais n’est clairement pas un hommage à Birmingham, mais la filiation doom n’est pas usurpée pour autant.

Au final, on retient quoi en particulier sur cet album ? “Knife Fever”, brûlot hardcore crossover auquel il ne manque que des choeurs de gros tatoués pour pouvoir se revendiquer NYHC. Même ressenti sur l’excellent “In For a Penny, In For a Pounding”. “Appetite for Construction” lorgne plutôt du côté du death roll à la Entombed période Wolverine Blues, avec un bridge étonnement structuré et beau à en pleurer.

“Ennui Go” fait figure de mid tempo salvateur sur l’album. Sûrement le titre le plus doom de ce dernier. Même côté chant, celui-ci, noyé dans la reverb vient sonner plus caverneux que jamais. Les quelques accélérations, quelque peu saugrenues, ajoutent une once de folie au titre. “Exit As You Enter” est l’incursion noise rock avec ses dissonances et ses riffs syncopés et imprévisibles. Enfin, “Electric Brown” est LA piste sur laquelle le groupe nous offre une synthèse particulièrement bien travaillée de tout ce qu’on a entrevu avant, avec même cette escapade surf rock fuzzy en guise de pont pour le morceau.

Imaginez que Kvelertak assume d’être devenu un peu une farce ou que mes chouchous de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs soient un peu moins de Newcastle, et vous toucherez du doigt ce qui fait mouche chez Gurt. C’est rageur, puissant, bien écrit et si ça ne se prend absolument jamais au sérieux, ça permet un lâcher prise bienvenu dans une scène qui semble parfois avoir oublié le renouveau qu’elle doit aux clips rigolos de Red Fang il y a 15 ans.

ARTISTE : Gurt
ALBUM : Satan, Etc.
SORTIE : 7 juin 2024
LABEL : When Planets Collide
GENRE : Party doom
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Last modified: 19 août 2024