Si, comme pour moi, Glassing vous était complètement étranger avant la sortie de ce 4ème album, sachez que ce trio nous vient du creuset musical d’Austin (Texas) et fusionne à peu près toutes ses influences post-metal, noise rock et black metal d’une manière unique. Le tout dans le but de redéfinir les contours de la musique extrême. Glassing, c’est la basse percutante et les cris du frontman Dustin Coffman, les guitares aiguisées de Cory Brim et la batterie punitive du nouveau venu Scott Osment. Voilà pour le pedigree.
Ce groupe est apparu sur mon radar voilà peu, aidé par leur signature récente sur le prestigieux label Pelagic Records, refuge d’avant-gardistes dont les découvertes sont aussi rafraichissantes que qualitatives. C’est précisément la variété de l’offre du trio (je le rappelle), véritable point central de cet album, qui m’a conquis. « From The Other Side Of The Mirror » est un disque qui récompense les écoutes attentives et répétées tant il est dense. De l’aveu de Dustin Coffman c’est certainement le disque le plus technique qu’ils aient écrit, et pourtant peut-être aussi le plus accessible. Jouant les équilibristes entre fragments aériens et frénésie chaotique, alliant cris stridents et gracieux murmures, recherchant toujours la mélodie dans la discordance et la brutalité, Glassing est pourtant d’une précision chirurgicale. Un pur travail d’orfèvre. L’intelligence du groupe est de puiser dans les différents sous-genres permettant de décupler la force émotionnelle de son propos. Fragilité post-metal, férocité black metal, morsure post-hardcore, vague à l’âme shoegaze et nihilisme doom se combinent pour alimenter une catharsis sauvage où un fébrile espoir se devine dans la tourmente.
Cette consistance nourrit bien sûr un propos. Conceptuellement, « From The Other Side Of The Mirror » évoque l’introspection permise à travers le regard des autres et leur perception de nous-mêmes. Les yeux des autres sont autant de miroirs déformants qui tuent à petit feu (Simone Piuze). Cette citation illustre bien le thème de cet album, tant nous sommes confrontés depuis notre naissance au regard des autres, que nous le voulions ou non. Et pourtant l’être humain a besoin de l’autre pour savoir qui il est véritablement. Le titre « From The Other Side Of The Mirror » est donc éloquent. Il existe bien une première vision directe, et une autre, tel un négatif de la première, métaphysique, plus obscure, plus enfouie.
Le travail de composition transpire ainsi cette dichotomie tout du long mais également à l’intérieur des morceaux eux-mêmes. Des titres jumeaux qui se répondent et qui s’opposent à d’autres : on y trouve donc le reflet mais aussi sa distorsion. « Anything You want » et « Nothing Touches You » oscillent entre grâce et fureur. Dustin Coffman y conjugue screamos acides et voix claires réconfortantes. « As My Heart Rots » et« Defacer » aux sonorités glaçantes empruntées au black metal, fonctionnent de pair et ne ressemblent à rien de connu. Ce tandem rageux est d’une telle férocité qu’il agit comme une grêle radioactive lessivant votre corps pour le mettre à nu.
Face à de tels déchainements de violence, les interludes instrumentaux « Sallow » et « The Kestrel Goes » apportent des respirations bienvenues, bien que pas forcément rassurantes. Elles permettent néanmoins de glisser vers les titres plus radieux. « Nominal Will » est en effet une réelle lueur d’espoir et « Ritualist » un moment de réflexion, une prise de conscience, apaisé, bien qu’on navigue en eaux troubles et profondes du doom. « Wake » conclut ces dix titres de la plus belle manière qui soit. Maelström de la chose metal, transcendant les genres, ce final est survolé par une mélodie lumineuse, témoignage d’une sérénité retrouvée après (ou malgré ?) le tumulte.
Du chaos et de la dissonance, Glassing fait naitre une beauté vulnérable aboutissant à une certaine plénitude, où l’on trouvera refuge malgré la furie. C’est une déchirure, une plaie ouverte, une cicatrice qui ne s’estompera peut-être jamais, mais que l’on accepte et avec laquelle on continue d’avancer. Dément et viscéral, cet album fait un bien fou. Foncez, la consultation est gratuite.
Last modified: 27 mai 2024