Les Melvins sont de retour même s’ils n’étaient jamais vraiment partis. La nouveauté du cru 2024 ? Un nouveau line-up, évidemment. Voilà deux décennies que le groupe utilise les changements de line-up comme principal moteur d’inspiration, et ces derniers temps, ça leur réussit particulièrement bien comme en attestait l’excellent “Working With God” paru en 2021.
Ici, c’est donc le Melvins Big Band qui s’offre à nous pour ce “Tarantula Heart”. À l’indéboulonnable paire Buzz Osborne et Dale Crover à la guitare/chant et batterie/choeurs, s’ajoute donc Roy Mayorga (Hell Yeah, Stone Sour, ex-Soulfly) pour encore plus de batteries (les vrais savent que depuis 20 ans les meilleurs albums des Melvins ont deux batteurs), Steven tient la basse comme depuis quelques années déjà, et enfin, le line-up est complété par Gary Chester (WE are the Asteroids) à la guitare. Ce line up n’est pas la seule originalité de cette galette : on est face à ce que les Melvins ont de plus expérimental à nous proposer avec du titre à rallonge, des explorations bruitistes s’étendant parfois sur près de dix minutes et tout cela avec un dimension jam assez inattendu. Amis de la dissonance et de la bizarrerie, bienvenue au pays des rêves, des rêves un peu chelous mais des rêves quand même.
Autre particularité de “Tarantula Heart”, c’est Buzz et le producteur historique Toshi Kasai qui jouent aux Dr Frankenstein en combinant et arrangeant des bouts de jam sessions afin de créer les morceaux de toute pièce. Piochant un riff ici et l’associant avec un autre enregistré bien plus tard, la paire a créé ce monstre tentaculaire mais particulièrement organique qu’est “Tarantula Heart”.
L’album s’ouvre sur le colossal “Pain Equals Funny” et ses presque 20 minutes au compteur. Si quelques riffs viennent donner une épine dorsale au morceau, c’est surtout un périple à la frontière de la noise industrielle déchaînée. Le morceau se paye le luxe de nous prendre par la main avec une entrée en matière presque classique avant de s’avancer toujours plus loin dans le larsen, le bruit et ce rendu à la fois génial et irritant. Comme quoi, pour une fois, le titre du morceau n’est pas si énigmatique.
“Working The Ditch” nous présente un Melvins quasiment post-metal car l’ajout d’une guitare et d’une batterie permet de donner plus d’ampleur, d’envergure et d’épaisseur au son du combo. C’est pourtant évident mais qu’est-ce que ça sonne. Avec “She’s Got Weird Arms”, on s’enfonce dans la folie pure : Tahiti Bob a-t-il enfin remplacé Buzz ? Un trip tout en dissonance qui s’enchaîne parfaitement avec l’intro drum’n’bass de “Allergic to Food”, celle-ci fleurant bon les productions sales et barrés de l’aube des 90’s. Comme une récompense pour avoir traversé ce songe sous acide, nous avons droit à du Melvins plus bourrin et conventionnel sur “Smiler” en clôture d’album. Tu as été sage, tiens, voilà une image !
Alors tout ça, ça vaut quoi sur l’échelle de Buzz-o ? Je le dis souvent, nul ne peut être fan de TOUT ce que font les Melvins et de la même manière personne ne peut être indifférent à tout ce que font les Melvins. Ils proposent tellement de variations sans jamais perdre leur identité qu’il y a forcément (dans l’un de leurs plus de 30 albums, EPs, splits…) quelque chose qui vous comblera. Avec “Tarantula Heart”, les Melvins s’adressent à ceux qui aiment les expérimentations, les délires dignes d’un musée d’art contemporain en banlieue de Berlin. Les amateurs de gros riffs à la « Houdini » ou « Stoner Witch » seront déboussolés. Les fans de la première heure qui aiment le rendu garage, proto-sludge et punk DIY ne trouveront pas leur bonheur non plus.
C’est une proposition plus audacieuse et qui touchera une minorité des fans. Mais c’est une pierre de plus dans une discographie fleuve et c’est assurément l’une des étrangetés dont les aficionados du chevelu au rire de Chucky discuteront encore dans 10 ou 15 ans. Ce n’est probablement pas un album vers lequel vous reviendrez régulièrement mais c’est une expérience, de celles qu’on doit vivre au moins une fois, si on apprécie le travail de ce monument de noise rock que sont les Melvins.
Last modified: 15 avril 2024